PLAYLIST - LA PROPOSITION D'UN NOUVEAU MODÈLE DE RÉMUNÉRATION
Le modèle user-centric | Les attraits du modèle user centric pour les artistes et les producteurs | Un modèle difficile à mettre en place
Acteurs en jeu
♫ Un argument de modèle "juste"
La question du droit dans le domaine dans l’art est une problématique importante comme a pu le montrer les discussions sur les directives européennes sur les droits d’auteur. Dans un domaine comme la musique où un grand nombre d’acteurs entrent en jeu dans la création des chansons (artistes, producteurs, maisons de disque …), la question d’une rémunération juste de chacun des acteurs est inévitable. C’est cet aspect qui au cœur de discussions sur les modèles de rémunération dans le streaming.
Le terme de modèle juste est repris par une majorité d’acteur et résulte d’une volonté exprimée des artistes notamment aux travers d’organisations telles que la GAM (Guilde des Artistes de la Musique) ou l’IAO (International Artist Organisation) [34]. Pour eux, l’artiste est celui qui crée la musique et dédie sa vie à la musique, il mérite donc d’être pris prioritairement en considération.
Il est aussi de l’avis de certains experts que ce modèle constitue une avancée en terme de justice et de transparence. Une étude finlandaise menée en 2017 par Jari Muikku et Pradeep Durgam publiée par Digital Media Finland [28] (qui sera plus tard utilisé comme point de départ de l’argumentation de Will Page, directeur économique de Spotify) argumente que dans le modèle user-centric, l’utilisateur aperçoit le lien direct entre l’argent qu’il dépense et la manière dont cela rémunère ses artistes préférées. De plus, l’argent que l’utilisateur dépense ira seulement rémunérer les artistes qu’il souhaite soutenir.
Cela contraste avec les critiques du modèle au pro rata parfois qualifié d’injuste comme lors de la prise de parole de Hans-Holger Albrecht, PDG de Deezer, lors du Midem 2017 [35] (un rassemblement des acteurs de la musique). Pour lui, l’argent générée par l’abonnement d’un utilisateur n’écoutant jamais un certain artiste ne devrait pas rémunérer cet artiste. C’est ce qui est injuste d’après lui et là est l’intérêt du modèle user-centric qui vient casser cette injustice.
Comparaison des modèles : service-centric à gauche et user-centric à droite
♫ Un modèle discuté
A cela, Will Page, directeur économique à Spotify, oppose le fait que contrairement au modèle au pro rata, une écoute n’a pas la même valeur financière d’un utilisateur à un autre [18]. En effet, si un utilisateur n’écoute qu’une seule chanson dans le mois cette écoute aura une valeur de l’ordre de quelques euros alors que les écoutes d’un utilisateur écoutant énormément d’artistes vaudront à peine un centime. Pour Will Page, l’aspect juste du modèle user-centric n’est pas universel et dépend de la vision de chacun. De plus, la transparence gagnée par les utilisateurs est perdue par les artistes qui ne peuvent plus facilement relier leur nombre d’écoutes à l’argent qu’ils recevront. Alors qu’il ne condamne pas entièrement le modèle user-centric, il émet des doutes sur le fait qu’il soit réellement plus juste.
L’avis des majors est moins exprimé car ils ne seraient a priori pas avantagées par de tels changements et ils n’ont donc aucun intérêt à pousser au changement. En effet, d’après l’étude finlandaise menée par Jari Muikku et Pradeep Durgam, les plus gros artistes seraient négativement affectés par une transition vers le user-centric (les 0,4% plus gros artistes toucheraient 5,6% des revenus totaux contrairement à 10% dans le modèle au pro rata). Néanmoins, Hartwig Masuch, PDG du 4ème plus grand label BMG, a exprimé son envie de transition vers un modèle plus juste pour les artistes lors d’une interview menée par Music Business World [57].
♫ L'élimination d'une fraude "injuste"
Un argument parfois avancé pour appuyer le modèle est le fait que sa mise en place réduirait la fraude au nombre d’écoutes. Avec un modèle au pro rata se basant sur le nombre d’écoutes, il est possible de créer des « bots » ayant pour but d’écouter en boucle certaines chansons afin d’augmenter le nombre d’écoutes et ainsi augmenter injustement la rémunération d’un artiste. De plus, dans un modèle au pro rata, cela réduirait par conséquent le revenu des artistes ne pratiquant pas cette fraude. Le modèle user-centric ne se basant plus sur le nombre d’écoute cette pratique serait alors inefficace.
Malgré cela, les plateformes ont longtemps refusé de mettre en place un tel système du fait notamment de la difficulté technique.