Une dénonciation par la GAM du manque de transparence des Majors

PLAYLIST - LE SENTIMENT D'INJUSTICE ECONOMIQUE DES ARTISTES

Une dénonciation par la GAM du manque de transparence des Majors | Une réponse indirecte des majors

Acteurs en jeu

♫ La complexe rémunération des artistes

Si certains artistes comme Taylor Swift peuvent se targuer d’avoir la capacité d’influencer le comportement de leurs producteurs, la situation est bien différente pour le commun des interprètes.

La relation entre artistes et producteurs est complexe, surtout en raison de la complexité du système des droits autour de la musique. Lorsqu’une plateforme diffuse une écoute d’un artiste, elle doit payer une somme d’argent aux ayants droits. Cette somme est ensuite divisée entre le producteur de la musique, son compositeur, son interprète etc… parfois au travers de sociétés de gestion collective (SACEM, SPEDIDAM etc…). Dans le cas de la répartition de l’argent entre le producteur et l’interprète, la question est un peu plus complexe car le pourcentage de la somme touchée par les artistes est définie dans le contrat qui les lient aux producteurs. Jusqu’à très récemment, les artistes et les producteurs étaient surtout liés par un type de contrat appelé “contrat d’artiste”.

D’après la GAM (Guilde des Artistes de la Musique), en ordre de grandeur sur chaque vue, un artiste touchera un pourcentage brut de moins de 10% de ce que la plateforme versera en droits (les 90% restants allant aux producteurs). Les syndicats d’artistes et la GAM considèrent que cette somme est insuffisante et que la part qui revient aux artistes devrait comporter au moins deux chiffres en brut [53].

"La seule garantie de rémunération minimale acceptable est une redevance sous forme de taux net à deux chiffres applicable dès la première exploitation"
la GAM

Si les choses s’arrêtaient ici, la relation artiste-producteur serait somme toute assez simple. Cependant, sur le pourcentage versé aux artistes, les producteurs vont retirer des abattements.

♫ La critique du système des abattements

Ces abattements sont des taux de revenu en moins pour l’artiste que le producteur récupère pour avoir fait un investissement sur l’artiste. Par exemple si un producteur fait une campagne de publicité pour un artiste, il pratiquera sur le revenu de cet artiste un abattement “Publicité” qui vaudra par exemple 20%, et l’artiste ne touchera que 8% de ce que la plateforme a payé au lieu de 10%. L’application de ces abattements par les producteurs est sujet de vives critiques de la part de la GAM et on trouve également une critique de cette pratique dès 2010 par l’ADAMI (Société civile pour l’Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes).

D’une part ces abattements seraient beaucoup trop nombreux, et donc amputent les artistes d’une partie non négligeable de leur rémunération, faisant tomber les royalties des artistes à des valeurs jugées anormalement basses par les syndicats d’artistes. [46]

D’autre part les producteurs peuvent rajouter des abattements arbitraires dont l’existence ne se justifie pas forcément selon les mêmes syndicats d’artistes. Deux exemples cités par la GAM lors de la médiation Schwartz (qui ont été abolis depuis sur la plupart des contrats) sont la “casse vinyle” et l’abattement “numérique”.

La “casse vinyle” est un abattement d’origine qui vient du fait qu’à l’époque où l’on vendait encore la musique sous forme de vinyles. Ces vinyles étaient très fragiles et il arrivait très souvent qu’ils se cassent, ce qui obligeait les producteurs à produire des vinyles en excès, d’où un surcoût qui a justifié un abattement. Le principal reproche fait à cet abattement est qu’il a persisté bien après le passage au CD et même au numérique.

L’abattement “numérique” est un abattement qui est apparu au moment de la transition du CD au format numérique, et le sens précis de cet abattement n’a jamais été très clair aux yeux des artistes. [47]

♫ La transparence du salaire des artistes, un combat partagé

En plus de cela, une revendication de la GAM au moment des accords de la Médiation Schwartz était plus de transparence sur les fiches de salaire des artistes. Concrètement, lorsque les artistes reçoivent leurs fiches de salaire, ils connaissent la somme qu’eux touchent et les abattements qui leur ont été appliqués, mais ignorent combien leur revenu aurait été sans ces abattements, ni quel abattement impacte le plus le revenu. D’où l’appel de la GAM pour plus de transparence de la part des producteurs et en particulier des producteurs.

La question de la transparence est aussi sensible parce qu’elle concerne aussi l’assiette sur laquelle les revenus des artistes sont calculés. Un des points soulevé dans le rapport de la médiation Schwartz est que cette assiette de calcul des revenus des artistes devrait contenir les avantages monétaires que les majors obtiennent des plateformes.

Cet appel est relayé par l’ESML (syndicat des Editeurs de Service de Musique en Ligne), car les plateformes de musique estiment fournir beaucoup de données très précises aux majors, et le fait que les pratiques des majors vis-à-vis des artistes soient mieux encadrées peut aider à également modérer les mauvaises pratiques des majors vis-à-vis des plateformes. [48]

“Les producteurs n’ont pas attendu l’accord Schwartz pour mettre en place des relevés de royautés très précis, souvent même conséquents.”
Guillaume Leblanc (SNEP) [48]
Réponse : "Ce n'est pas parce que ces relevés sont épais qu'ils sont compréhensibles"
Ludovic Pouilly (ESML) [48]

♫ Les nouvelles relations artistes-producteurs

Si le comportement de l’industrie à l’égard des artistes jusqu’à la médiation Schwartz peut surprendre le lecteur, il est bon de noter, à l’image du journaliste indépendant que nous avons interviewé, que l’industrie a depuis considérablement changé. Les contrats signés entre les producteurs et les artistes ne sont pour beaucoup plus les “contrats d’artistes”, car les artistes peuvent aujourd’hui pour une grande partie se financer eux-mêmes. [49]

Les artistes sont aussi d’après la GAM beaucoup mieux informés aujourd’hui qu’autrefois et les producteurs ne peuvent plus aussi facilement leur faire signer des contrats abusifs comme le leur reprochait la GAM ou l’ADAMI. [46]

Suite à cette modification de la façon de fonctionner du monde musical ainsi que des contrats qui lient artistes et producteurs, Le journaliste indépendant que nous avons interviewé a à ce sujet ajouté que si une nouvelle réflexion sur la législation du streaming de musique en ligne est nécessaire, une réédition des accords Schwartz serait anachronique et plus adapté au contexte dans lequel les artistes travaillent.

Par exemple toute la question de la rémunération minimale des artistes, qui avait été source de beaucoup de débats pendant et après la médiation Schwartz a aujourd’hui été mise de côté au profit d’une discussion du modèle user-centric, qui pourrait selon Deezer avoir un effet positif sur la rémunération de beaucoup d’artistes.

Une réponse indirecte des majors