Résumé des séances du Sénat du 29 et 30 avril 2003.

   

   
   

Le ministre des transports d'alors, Monsieur Gilles de Robien, ouvre le débat en présentant la lutte contre la violence routière comme l'un des chantiers du quinquennat de Jacques Chirac. Il fait état du bilan des morts et des blessés sur les routes des quelques dernières années et justifie ainsi son intervention : il n'est plus acceptable d'attribuer les causes de ces accidents à la fatalité. Il vise plutôt :

  • De nombreux conducteurs considèrent le code de la route comme des règles et non comme des lois. Ils outrepassent ainsi le code de la route sans se soucier de la loi qui se trouve derrière celui-ci.
  • Les insuffisances et les défauts présentées par les infrastructures routières françaises.
  • Le fait que, dans les mentalités, l'amélioration d'un véhicule est longtemps restée synonyme d'amélioration des capacités et des performances, et non synonyme de progrès en matière de sécurité.

Le gouvernement est favorable à toute évolution positive allant dans ce sens mais il insiste sur le fait que rien ne pourra changer sans une évolution du comportement du conducteur à risques.

 

Vient ensuite la présentation du projet de la loi qu'il veut soumettre :

Il n'aborde pas le problème du bridage des moteurs des véhicules de tourisme.

Le garde des sceaux, Dominique Perben, puis Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, prennent la parole pour, chacun à leur tour présenter le projet de loi plus en détails. Aucun d'eux n'aborde le problème du bridage des moteurs. Il faut attendre l'intervention de Madame Borvo, sénateur d'île de France et présidente du Groupe Communiste Républicain et Citoyen pour en entendre parler. Elle rapporte les conclusions de l'opposition en ce qui concerne le projet de loi. Celle-ci ne semble pas en accord avec tous les points du projet. En particulier, elle doute de certaines des mesures que le gouvernement souhaite prendre : la sévérité judiciaire ne lui semble par exemple pas la meilleure des solutions. Elle propose ainsi de "rompre avec la vision persistante de la voiture comme vecteur de puissance et de vitesse" et souhaite imposer le bridage des moteurs.

Par la suite, Monsieur Gérard Delfau, sénateur de l'Hérault, membre du Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, prend lui aussi la parole et arrive finalement lui aussi à prôner deux dispositifs qui permettrait selon lui d'améliorer la sécurité routière. Il s'agit de la mise en place de "boites noires" qui permettrait de faire appliquer les nouvelles sanctions du projet de loi aux automobilistes qui n'auraient pas été contrôlé par un radar ou un policier. Le second dispositif n'est autre que le bridage des moteurs. Monsieur Delfau prévient l'assemblée qu'il a l'attention de soumettre deux amendements concernant ces deux solutions supplémentaires. D'après lui, il ne faut pas autoriser la vente de véhicules affichant des vitesses qui encouragent les excès.

Monsieur Delfau aborde alors le fait que la décision d'exiger le bridage des moteurs met en jeu des intérêts financiers et économiques considérables. De plus il précise bien qu'une telle décision doit être avalisée par l'Europe.

Enfin, le premier, il aborde rapidement la responsabilité des constructeurs.

A Madame Borvo, et concernant le bridage des véhicules de tourisme à 130 km/h, Monsieur le Ministre de Robien a répondu que, bien que ce soit une solution envisageable dans l'avenir, la priorité restait aujourd'hui de mettre l'accent sur la responsabilité du conducteur. Il a ajouté que, "la majorité des accidents surviennent sur des routes limitées à 90 km/h, ce qui rend relatif l'effet du bridage des moteurs". Il ne reste pas moins partisan de certains régulateurs de vitesses. Il répète enfin que la réponse ne peut être apporté que sur le plan communautaire. Or, les ministres des transports européens n'ont pas encore abordé le sujet en réunion.

 

En ce qui concerne l'installation des "boites noires", le gouvernement travaille avec les constructeurs pour évaluer le coût de l'installation de telles puces.

Gilles de Robien a aussi évoqué le système de "conseil" par GPS, en fonction de la route sur laquelle on roule, de sa fluidité…

Il soutient de plus fortement les limiteurs-régulateurs de vitesse, en annonçant l'installation de ces systèmes sur les voitures du gouvernement.

Le lendemain de la présentation du projet de loi, Madame Borvo, Monsieur Delfau et Monsieur Mahéas, sénateur de la Seine-Saint-Denis et membre du groupe Socialiste, soumettent à l'assemblée sénatoriale deux amendements concernant les dispositions relatives au développement des équipements de sécurité sur les véhicules neufs et anciens.

Madame Borvo propose un amendement ayant directement pour thème le bridage des moteurs. Il lui semble que, même si cela ne résout pas le problème de la vitesse en ville et sur les routes autre que les autoroutes, le bridage des moteurs revêt une portée symbolique importante au regard de la responsabilisation du conducteur. L'amendement Borvo est rédigé de la façon suivante : "A compter de la promulgation de la loi n° ... du... renforçant la lutte contre la violence routière, les véhicules neufs sont dotés d'équipements de sécurité propres à limiter la vitesse du véhicule."

De même, Monsieur Delfau présente un amendement de ce type et propose ainsi que "les véhicules neufs soient dotés d'équipements de sécurités propres à limiter la vitesse du véhicule à celle légalement autorisée sur autoroute".

Enfin, les trois amendements proposés par Monsieur Mahéas sont les suivants :

  • « Les véhicules terrestres à moteur neufs immatriculés à partir du 1er janvier 2004 sont dotés d'équipements de sécurité propres à limiter et à adapter leur vitesse. »
  • « Les véhicules terrestres à moteur neufs immatriculés à partir du 1er janvier 2004 sont dotés d'équipements de sécurité propres à les empêcher de dépasser une valeur de vitesse donnée. »
  • « A compter de janvier 2004, les véhicules terrestres à moteur destinés à la circulation sur route sont dotés d'un cadran de vitesse graduée à une vitesse maximale de 150 km. »

Les deux premiers amendements diffèrent par le fait que le premier impose l'existence d'un dispositif permettant de limiter la vitesse du véhicule à une valeur déterminée par le conducteur (d'où l'utilisation du terme "adapter"), alors que le deuxième impose le bridage du moteur à une certaine vitesse (130 km/h, en l'occurrence).

Monsieur Delfau rappelle en outre lors de sa prise de parole qu'en juin 2000, Monsieur Gayssot, alors ministre des transports, avait tenté de rendre obligatoire les limitateurs-avertisseurs de vitesse sur tous les véhicules européens, et ce alors que la France présidait la commission européenne. Il semblerait que les sénateurs n'aient eu aucune nouvelles des décisions qui ont été prises alors.

 

Monsieur Mahéas, quant à lui, rappelle que, selon le code de la route, « les véhicules doivent être construits, commercialisés, exploités, utilisés, entretenus et, le cas échéant, réparés de façon à assurer la sécurité de tous les usagers de la route. » (article L311). De ce fait, il est surpris que les limitateurs-avertisseurs ne soient pas encore de série sur tous les véhicules. Ce dispositif permet en effet au conducteur de programmer une certaine vitesse qu'il ne doit pas dépasser, et s'il s'apprête à la dépasser, la vitesse du véhicule s'autorégule.

Pour son second amendement, Monsieur Mahéas souhaite faire "tomber un tabou"! D'après lui, l'ensemble du parc automobile européen est homologué pour violer la loi! En effet, l'Europe autorise la production de véhicules ayant la capacité et la puissance pour rouler à des vitesses non autorisées et malheureusement dangereuses. Il souhaite donc que les moteurs des voitures de tourismes soient bridés de façon à ce qu'elles n'aient pas la possibilité de transgresser la loi. D'après lui, cela n'exonère en rien la responsabilité du conducteur, puisque sur des routes secondaires, c'est encore à lui de respecter les lois.

La commission des lois constitutionnelles ne considère pas ces amendements comme acceptables. d'une part car il semblerait qu'une réflexion plus approfondie soit nécessaire, notamment sur l'emploi du vocabulaire : les différences entre régulateurs, limitateurs et avertisseurs ne sont pas très claires. En ce qui concerne le bridage, la commission pense aussi que cela pourrait nuire à la reprise du véhicule, qui, toujours d'après la commission, est indispensable lors de la conduite sur route.

 

Le gouvernement s'exprime sur la question par l'intermédiaire de Dominique Perben. Le gouvernement rappelle que le bridage à 150 ou à 130 kilomètres par heure est un exercice probablement inutile, en tout cas sans pertinence par rapport aux risques réels que l'accidentologie permet de constater. En effet, celle-ci montre que les risques mortels les plus grands ne sont pas ceux liés à la conduite sur autoroute.

De plus, sur un plan réglementaire, une décision française concernant le bridage des moteurs ne s'appliquerait au mieux qu'en France. Le gouvernement rappelle que le marché automobile a un cadre européen, voire mondial. D'après lui, si le problème du bridage des moteurs doit être vu sous l'angle de l'accidentologie, il doit aussi être abordé de façon économique.

Lors de cette séance, aucun des amendements présentés ci-dessus n'a été adopté. Une des seules décisions qui a été prise est celle de rendre obligatoire la présence d'un régulateur de vitesse sur les véhicules terrestres vendus neufs.

   
         
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