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Interview de Mme. Chantal Gascuel, responsable de la section « OGM 63 ».

Pourriez-vous présenter votre mouvement ?

Il y a un collectif et un comité. Le collectif est un organisme informel et le comité est une association. Le comité « 63 sans OGM » est un comité d’information et de soutien. Cette association a vu le jour suite aux actions des faucheurs volontaires dans le Puy-de-Dôme en 2004. Son but est d’aider les personnes qui sont en procès avec la justice. Cette aide consiste a préparer leur défense, avec le travail auprès des avocats, des juristes mais aussi de trouver des témoins lors des procès etc… Il faut aussi trouver des fonds pour indemniser les personnes pour leurs frais de déplacement mais aussi pour d’éventuels dommages et intérêts aux firmes. Cet aspect est surtout en direction des faucheurs volontaires mais il va s’élargir pour les personnes qui sont inquiétées à cause de ce que nous appelons « un acte de désobéissance civique ». Nous considérons en effet qu’un fauchage est un acte de désobéissance civique et il peut se produire des actions dans des supermarchés. Un autre aspect de notre comité est l’organisation de conférences, de projection de films avec débats, de conférences de presse pour informer le public. Un de nos volontés est de former les personnes adhérentes ou non adhérentes à tout de qui concerne le judiciaire, pour se défendre suite aux actions de désobéissance civique.

Avez-vous des avocats qui travaillent en permanence pour l’association ?

Les comités de toute la France s’organisent ensemble et souvent on retrouve les mêmes avocats. Deux grands avocats internationaux travaillent avec le comité : François Roux, spécialisé dans la désobéissance civique dont le cabinet est à Montpellier et Marie-Christine Etelin de Toulouse, spécialisée dans la défense des militants des droits de l’homme, qui s’intéresse plus sur les procédures que sur le fond. De plus, pour chaque procès, un avocat local participe à la défense. Ensuite, ce sont les comités qui font les réunions ? Ils doivent aussi trouver les témoins, qui peuvent être locaux mais aussi de l’étranger. Des documents de tous les procès français mais aussi étrangers sont récoltés par le comité grâce au réseau qui s’est tissé au cours des années.

De façon générale, considérez-vous les OGM comme un extraordinaire outil technologique qui pourrait résoudre de nombreux problèmes (recherche génétique, diminution de l’utilisation de produits chimiques, faim dans le monde) ? Ou bien est-ce un réel danger pour l’homme ?

Cette question est en effet vraiment très vaste. Je vais me placer de mon point de vue d’agricultrice, qui occupe un domaine rural et qui produit des denrées alimentaires. D’emblée, le cas des OGM a été vécu comme un problème parce qu’on voulait résoudre avec les OGM des problèmes qui étaient provoqués par une agriculture industrielle. Déjà, dès le départ nous nous sommes dits que nous ne prenions pas le problème par le bon bout. Nous savions que nous pouvions résoudre le problème agronomiquement, sans utiliser les OGM. La première action a été sur un champ de colza en 1997, et comme nous étions adhérents à la confédération paysanne, nous nous sommes dits qu’il fallait absolument passer à l’action parce qu’on nous proposait des plantes qui n’allaient pas résoudre nos problèmes. De plus, ces plantes là ont touché à quelque chose qui était nouveau et que le milieu agricole découvrait : le brevet sur le vivant. C’est cela qui nous a fait bondir. C’est quelque chose qu’on avait du mal à analyser au début mais il y avait l’expérience des Etats-Unis où des agriculteurs nous avaient prévenus de ne pas aller jusqu’au brevet sur le vivant. Pour moi, les OGM sont une agression. Cette agression est caractérisée par sa violence. La violence du brevet, la violence de nous l’imposer et la violence de nous polluer. Notre combat dure depuis 10 ans. Il me semble que nous nous sommes pas trop mal débrouillés pour faire reculer les OGM en Europe puisqu’on nous prédisait qu’en 2001, il y aurait des OGM partout sur le territoire français et qu’on nous disait qu’on allait résoudre plein de problèmes comme la faim dans le monde. Nous sommes en 2007 et les OGM n’ont pas beaucoup avancé en Europe. Certains pays ont même pris des moratoires comme l’Autriche, l’Allemagne, la Grèce, la Pologne est en train de prévoir quelque chose ainsi que la Roumanie.

Ce que vous avez peur , c’est d’être piégé par les OGM…

Oui d’être piégés mais le point important est que nous agriculteurs avons des solutions agronomiques pour résoudre la faim dans le monde, la qualité de l’eau, des sols et des paysages et ces solutions sont autres que biotechnologiques. Car une fois que ces plantes transgéniques ont envahi un territoire, elles polluent et disséminent leurs gènes et on se retrouve avec des plantes transgéniques sans l’avoir voulu et nous ne sommes pas protégés contre cela. Et nous aimerions bien que cela soit admis par la France et l’Europe. Les transgéniculteurs polluent et nous, nous sommes obligés de l’admettre. De plus, un autre sujet qui nous tient à cœur est qu’avec la transgénèse, on franchit la barrière des espèces. Par exemple, dans le département du Puy-de-Dôme, nous avons eu un essai de maïs thérapeutique et il s’agissait quand même d’un gène de chien transplanté. C’est quelque chose qui ne passe pas pour nous : humainement et éthiquement.

Oui, mais le fait de travailler sur les OGM apporte beaucoup pour la recherche génétique et la découverte du génome…

Nous n’avons jamais dit que nous étions contre la recherche fondamentale. Il s’agit au contraire d’un outil très précieux. Les OGM peuvent être utilisés en laboratoires mais il doivent y rester pour les essais. Il est vrai que la presse ne l’a jamais repris. Tout ce qui est dit sur les faucheurs est qu’ils sont anti-recherche, anti-progrès… C’est complètement faux, mais nous n’avons pas voulu dépenser d’énergie pour essayer de convaincre la presse. Nous nous sommes dits qu’il y avait plus urgent à faire ces dix dernières années plutôt que cela. De nombreux produits sont fabriqués par des plantes transgéniques ou bien par des bactéries. Mais il y a une différence entre ce qui est produit et l’outil pour le produire. Ce n’est pas la bactérie que l’on mange.

Vous venez de parler de la presse et de la vision qu’elle rend de vous. Pour donner plus de crédit à votre association et à votre mouvement, ne serait-il pas très important d’expliquer votre point de vue, notamment sur l’importance des OGM dans la recherche pour ainsi montrer que vous n’êtes pas les « anti-progrès » que l’on veut bien nous faire croire ?

Dans l’idéal, il faudrait que l’on passe plus de temps à l’expliquer mais nous sommes dans la militance qui doit se faire dans l’urgence et on ne pense plus à se justifier. Mais nous le mettons de côté car il nous semble qu’il y a plus urgent c’est-à-dire être sur le terrain en permanence. On devrait le mettre en avant plus souvent… Par exemple trouver un laboratoire partenaire qui fabrique des médicaments avec les OGM, dire qu’ils doivent rester là et dire que c’est profitable dans la balance « risques-bénéfices ».

Changeons totalement de sujet. Quels sont vos liens avec les autres acteurs de la controverse (Etat, industriels, recherche…) ?

Nous avons des liens forts avec des chercheurs, différents laboratoires qui sont absolument contre les OGM et le transplant de gènes sur des supports alimentaires pour fabriquer des médicaments. Un fort réseau existe en France notamment avec des chercheurs de l’Inra et nous soutient dans notre action. Certains d’entre eux sont venus témoigner lors de procès de faucheurs volontaires. Mais dans le milieu de la recherche, ces personnes sont minoritaires. D’autres chercheurs sont opposés aux OGM mais ils ne le manifestent pas de la même façon pour différentes raisons. Il peuvent vouloir protéger leur poste. Mais nous entrons dans un domaine beaucoup plus politique. Le problème avec les OGM c’est que c’est oui ou c’est non… C’est le même problème avec les firmes alimentaires. Je prends l’exemple de Limagrain, quatrième semencier mondial. Pour les agriculteurs, il faut dire oui ou il faut dire non. Lorsqu’on a voulu s’opposer au semencier, notre contrat avec lui a été arrêté. Nous avons voulu prévenir nos collègues et nous avons été considérés comme des violents. Notre action n’a pas été comprise tout de suite. Au fil des années, les agriculteurs ont commencé à réfléchir pour savoir ce qui nous poussait à passer à l’action.

Vous venez de dire que des chercheurs, parce qu’ils s’opposent aux OGM, sont mis à l’écart. De même pour vous, vous avez été marginalisés dès le départ. Cependant, avez-vous l’impression que cela bouge aujourd’hui ?

Oui. Cela bouge car nous sommes rejoints par d’autres pays européens. Il y a notamment des chercheurs nord-américains du Canada qui viennent en Europe pour prévenir des dangers car ils sont totalement dépassés par les contaminations. On ne trouve plus de colza non OGM au Canada. La convergence des forces commence à prendre de l’ampleur et nous ne sommes plus isolés. De nombreux rassemblement se font et de plus en plus de pays, de collectifs et de paysans participent. Je pense que tout doit venir des paysans. Il faut préserver notre agriculture. Il faut que des convergences de paysans se fassent. De nombreux procès se font dans le monde entier : le premier n’était pas en France mais en Angleterre. Il y a des syndicalistes en Pologne qui ont mené des actions pour s’opposer aux OGM.

En ce qui concerne les expériences, que possédez-vous comme données ? Avez-vous la possibilité de faire des expériences ?

Nous avons fait une expérience dans le Lot-et-Garonne avec des abeilles (voir partie expérience), mais nous avons été financés. Nous ne possédons aucun moyen financier. Mais il na faudrait pas tomber dans le piège que ce soit ceux qui sont victimes des contaminations qui financent des expériences et tests qui sont coûteux, alors que ce sont ceux qui disséminent qui doivent le faire. C’est ce qu’on voudrait obtenir. Nous nous procurons des données auprès de Greenpeace par exemple pour savoir où sont les parcelles OGM.

Que pensez-vous de la question du périmètre ? Possédez-vous un chiffre pour protéger les parcelles non-OGM ?

Nous voudrions nous écarter des parcelles OGM mais c’est symbolique car nous voudrions qu’elles n’existent pas. Ce n’est à nouveau pas à nous de prendre les précautions pour s’éloigner des OGM mais ce doit être les parcelles OGM qui doivent faire le nécessaire. Mais ils sont incapables de le mettre en place car tout agriculteur sait que le pollen se dissémine à des kilomètres. Là où les industriels sont très forts, c’est qu’ils arrivent à faire rentrer dans une loi un chiffre de 0,9% de contamination et qu’avec ce 0,9% on pourra coexister. Une grande commission au niveau européen, appelé Co-extra, s’est mise en place pour voir si la coexistence entre cultures OGM et non-OGM est possible. C’est là que, nous agriculteurs, nous ne sommes pas d’accord, car on veut nous imposer quelque chose sans nous demander notre avis. C’est pour cela qu’on va faucher. On ne peut admettre des cultures totalitaires, avec des pollutions et un taux qui autorise la dissémination. De plus, on ne connaît pas les problèmes à court et à long terme des disséminations sur la vie du sol et autre. Nous voulons le principe de précaution au maximum car il ne faut pas oublier que nous parlons du vivant. Il faut prendre le temps. Il faut donner le temps de faire les recherches indépendantes car aujourd’hui, ce qui est apporté est proposé pas les firmes elles-mêmes. Ce sont les firmes qui proposent les distances. Aujourd’hui, ce sont les industriels qui ont proposé les 50 mètres de périmètre de sécurité et non un laboratoire indépendant. De plus, nous sommes avec du matériel vivant qui se reproduit et s’il y a contamination la première année, il y en aura une encore plus importante l’année d’après.

D’après le site du gouvernement et en regardant les différentes autorisations qui sont données pour les essais en champ, il fallait environ un périmètre de 200 mètres pour le maïs avant 2000 et ensuite, il fallait 400 mètres. Mais comment expliquez-vous que pour les essais on préconise un tel périmètre alors que pour les cultures il ne faut que 50 mètres ?

Tout d’abord, il faut savoir que ce n’est que depuis cette année que le périmètre de 50 mètres a été mis en place. Il faut bien distinguer les essais qui sont autorisés par le ministère de l’Agriculture et par la CGB (Commission du Génie Biomoléculaire) qui préconise un périmètre de 400 mètres et pour les cultures, ce n’est que depuis cette année qu’il y a un périmètre de 50 mètres. De plus, nous devons connaître depuis cette année les surfaces OGM qui sont cultivées en France alors qu’avant nous ne savions pas où se trouvaient les cultures OGM. On ne les connaîtra qu’après le 15 mai 2007, après la déclaration de la PAC. Cette année, les agriculteurs qui voudront cultiver des OGM devront se faire connaître officiellement et donc de déclarer leurs cultures. Nous aimerions savoir où sont les champs et donc que le rapport soit rendu publique, pour les apiculteurs qui voudraient éloigner leurs ruches et pour les autres producteurs de maïs. C’est grâce aux décrets de cette année que les transgéniculteurs devront se faire connaître. Nous saurons la surface totale cultivée par canton mais nous ne saurons pas exactement le lieu des champs. Avant, nous ne savions pas où et quand ils cultivaient des OGM. On ne faisait que nous dire que dans chaque région, le Service Régionale de la Protection des Végétaux (SRPV) veille. Ce SRPV a pour mission de voir si les essais sont bien réalisés mais il n’y avait pas d’étude pour savoir qu’elles étaient les cultures voisines ou bien s’il y avait des abeilles. C’est la même chose pour les cultures. On voudrait que le gouvernement mette en place des moyens bien plus importants pour assurer des études beaucoup plus poussées. Nous remettons vraiment en cause la loi et les 0 ,9% de contamination car nous savons qu’à terme tout devient transgénique.

Nous savons que le maïs n’est pas une plante européenne. Pour le colza, nous savons que des plantes cousines peuvent capter les gènes. Le problème du maïs est-il si important ?

Pour le colza, c’est pire car il y a des plantes sauvages cousines. Le maïs n’a pas de plante cousine mais celle qui est proche, c’est la mienne qui est dans mon exploitation agricole… Mais il n’y a pas eu d’études poussées au niveau des bactéries du sol pour savoir ce que ces dernières peuvent capter de la plante transgénique. Il y a des études qui montrent que le bactéries captent certains gènes mais rien de plus poussé. On a affaire à une manière vivante et il y a des choses qui se passent mais rien n’a été fait pour le prouver. Encore une fois, si des moyens sont mis en œuvre pour montrer qu’il n’y a pas de risque à cultiver les OGM, nous pouvons prendre les mesures nécessaires. Mais ce ne sont que les firmes qui fournissent les résultats et chiffres.

Donc aujourd’hui, pour cultiver des OGM, il ne faut pas d’autorisation mais pour faire un essai oui…

Il suffit juste de faire une déclaration préalable au niveau du ministère. La seule particularité est que la culture est autorisée mais pas la commercialisation. Les circuits de commercialisation sont sur l’Espagne. Ceci pour nourrir des cochons qui reviennent sous forme de label rouge chez nous…

Nous avons vu que les maires peuvent prendre des arrêtés pour empêcher les cultures ou les essais d’OGM, mais ils sont systématiquement cassés, comment réagissez-vous à cela ?

Ces décrets sont en fait illégaux. Les maires sont courageux et ils prennent un arrêté pour protéger une culture ou autre. Si le maire maintient son arrêté, le tribunal administratif le casse systématiquement. Le maire n’a pas le droit de se positionner et d’interdire des OGM sur son territoire, de même pour les régions et pour le conseil général. Politiquement, les maires décident de se positionner contre les OGM. Pour que les arrêtés soient accepter, il faut un danger immédiat et comme il n’a pas été prouvé de danger, rien n’est fait. Nous demandons par exemple aux apiculteurs de venir témoigner de la disparition de leurs abeilles pour montrer le danger. Il faut se poser les bonnes questions dans un tel sujet et notamment se demander si on a besoin de telles cultures. Aujourd’hui, nous utilisons des plantes qui résistent à des pesticides et autres produits chimiques. Après pour faire les essais sur le sol, il est tout à fait possible de faire des essais sous serres. Dans le cas de la dissémination de pollens, ce n’est pas la peine de faire des essais avec des OGM. Nous connaissons tout à fait le mécanisme ou bien nous prenons des plantes conventionnelles avec des traceurs non dangereux.

Concernant l’avenir, il y a eu très récemment l’autorisation de 13 nouveaux essais. N’avez-vous pas l’impression que votre combat reste non écouté ?

Nous demandons un moratoire sur les OGM. C’est possible et techniquement administrativement possible puisque dans la directive 2001/18 qui a été transformé en décret au mois de mars, il y un article, l’article 23, qui autorise les pays membres à demander un moratoire au vu de nouvelles études scientifiques. Nous avons ces dernières qui montrent que les OGM sur les rats ont des effets secondaires peu satisfaisants. L’état français pourrait demander ce moratoire. L’espoir serait aussi un débat pour nous faire mieux connaître. Il y a pour nous urgence à se manifester car une fois que les problèmes seront présents nous ne pourrons plus nous en débarrasser. Le problème est que pour traiter un dossier en justice il faut plus d’un an alors qu’il faudrait beaucoup moins car une fois que la culture est semée, il est déjà trop tard. Nous n’avons pas assez de moyens financiers pour faire plus de procès. Nous ne pouvons pas laisser faire. Notre combat continue pour que notre agriculture reste une agriculture saine et non polluée. De plus, nous croyons en une agriculture non libérale au service de tous les hommes.