Les aspects économiques
La technicité de la controverse s'articule plus particulièrement autour de questions économiques. De nombreux chercheurs donnent leurs avis et développent des modèles dont les conclusions divergent souvent, ce dû aux différentes données prises en compte.
Dans l'optique de rassembler diverses opinions parmi les économistes faisant référence sur la thématique de la séparation patrimoniale, nous avons interrogé François Lévêque – professeur en droit et économie, CERNA, ENSMP – et Pierre-Noël Giraud – professeur d'économie, CERNA, ENSMP. Nous nous sommes aussi particulièrement intéressés aux thèses de Michael Pollitt – économiste à l'Université de Cambridge, Royaume-Uni.
Selon François Lévêque, l’Ownership Unbundling, proposé par la Commission Européenne serait la meilleure solution pour favoriser la concurrence. Elle permettrait d’empêcher les abus des entreprises en leur retirant les moyens de pression liés à leur monopole ou à la propriété du transporteur par le producteur. Ce modèle ne nécessiterait pas de grands bouleversements dans des pays comme la France qui disposent déjà d’une séparation comptable, managériale et juridique et à qui il ne manque plus que la séparation patrimoniale. L’ISO, autre modèle envisagé par la Commission Européenne, serait une mesure moins radicale pour les champions nationaux tels qu'EDF ou Eon puisqu’elle leur permettrait de conserver la propriété du réseau en distinguant l’investissement sur le réseau de sa gestion. De façon schématique, l’Ownership Unbundling serait la voie privilégiant la concurrence et l’ISO celle prônant la régionalisation du transport de l’électricité. Le choix se ferait suivant les carences constatées à l'heure actuelle au niveau du manque de concurrence ou des déficiences des interconnexions des réseaux étatiques. Selon cet économiste, la Troisième Voie proposée par huit Etats membres – Allemagne, Autriche, Bulgarie, France, Grèce, Lettonie, Luxembourg, Slovaquie – serait une mesure "cosmétique" née à la suite du lobbying de leurs champions nationaux et qui n'améliorerait pas significativement le modèle actuel.
Pierre Noël Giraud rejoint François Lévêque dans le sens où aucun modèle ne se démarque nettement. En effet ceux-ci ne sont, avant tout, que des moyens pour construire un marché de l’électricité en Europe. Par rapport aux arguments économiques souvent avancés, il souligne que la baisse des prix pour le consommateur n’est pas forcément évidente alors que la création d’un réseau et d’un opérateur système européen pourrait être très judicieuse dans l'optique finale de réaliser une intégration européenne des marchés de l'énergie.
Enfin, Michael Pollitt penche clairement pour l'Ownership Unbundling puisqu'après avoir pesé les coûts et les bénéfices de ce modèle, il conclue par son aspect globalement positif. Pour démontrer la "supériorité de l'Ownership Unbundling", ce chercheur utilise encore des données économétriques et des études de cas de pays étrangers – que nous avons retranscrites – avant de conclure que la frilosité des compagnies de l'industrie de l'électricité à voir appliqué ce modèle relève plus de la crainte du succès de l'Ownership Unbundling à mettre en place une concurrence efficace – argument réfuté par EDF.