Introduction
générale (1/2)
les risques liés à la fusion nucléaire
1. Confinement technique
La sensibilité du grand public aux risques liés à des activités nucléaires n’a pas toujours été la même. La fission, au même titre que la fusion, a d’abord été un problème scientifique avant même que ne soient suscités débats et controverses. Les recherches conduites entraient dans le cadre de programmes de recherches nationaux au sein des organismes publics. C’est l’année 1974 (voir une chronologie de la controverse) qui marque les premières appropriations du problème par des tiers : la France construit alors les premières centrales à fission nucléaire suite au premier crash pétrolier.
C’est ce processus que met en évidence Yannick Barthe dans Le pouvoir d’indécision : tout projet technique rencontre nécessairement des problèmes et le scientifique est là pour chercher et trouver des solutions qui permettent de les surmonter. Mais il vient un moment où le sujet entre sur la scène publique : le risque est de voir les solutions techniques s’épuiser face aux exigences de chacun, et il est nécessaire alors de faire apparaître d’autres acteurs dans la controverse : des acteurs sociaux, qui la sortent de son confinement technique. Y. Barthe illustre cette analyse par la mise en politique du débat sur les déchets nucléaires. Celle-ci a commencé le jour où le choix d’un site de stockage a fait surgir un problème qui sortait des compétences techniques habituelles : l'acceptabilité sociale par les riverains. Le sujet plonge alors dans la sphère publique et se politise. L’expertise scientifique est mise à égale avec les voix des nouveaux acteurs sociaux qui viennent structurer le débat.
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2. Mise en forme du « social »
Ce schéma peut se généraliser à de nombreux projets techniques mais il convient particulièrement bien au domaine nucléaire : il en va ainsi pour la fusion. Les premières recherches sur la fusion thermonucléaire ont débuté il y a maintenant plus de soixante ans, en un demi-siècle la science a beaucoup progressé et le sujet est resté dans la sphère scientifique.
En France, le CEA (Commissariat à l'énergie atomique) et ses organismes de recherches affiliés ont conservé le monopole de l’expertise scientifique légitime dans ce domaine, tandis que les autres laboratoires ne reçoivent pas de crédit important pour se pencher sur le sujet. Cette première phase est donc relativement similaire à celle que décrit Yannick Barthe au sujet des déchets nucléaires :
« l’omniprésence d’un grand corps ; […] la monopolisation de l’expertise légitime par le cumul des fonctions de contrôle, de production, d’évaluation, etc., l’atrophie des réseaux d’expertise indépendants ».
La concrétisation du programme international ITER, avec notamment la décision de l’implanter en France, à Cadarache, a été l’événement déclencheur de l’introduction du sujet dans la sphère publique. Il est rapidement apparu comme fédérateur tant pour ses partisans que pour ses opposants. Subséquemment, des débats publics ont structuré « cette mise en forme du social » appelant à une ré-évaluation des risques.