INTERVIEW
Stats
nom Roland HUITRIC et Élodie RENAUD
lieu Total
profession Ingénieurs
sujets DESERTEC
Questions concernant les points techniques de la controverse
1.Une usine de concentration d'énergie solaire permet elle vraiment de stocker la chaleur la journée et de l'utiliser aux heures de pointes.
Oui : la surface de miroirs est surdimensionnée et l’énergie en excédent produite pendant la journée est stockée dans des réservoirs à chaleur puis alimente la turbine pendant les heures creuses.
2.Ce système est il viable?
Oui : ce système a déjà fait ses preuves, ce n’est pas là que réside la controverse, ce qui est mis le plus en doute c’est l’échelle du projet et sa capacité à voir le jour.
3.Le besoin d'eau pour le refroidissement des usines de concentration d'énergie solaire et le nettoyage des miroirs n'est il pas un problème pour les zones arides?
Oui et non : pour le refroidissement, l’utilisation d’eau peut être évitée et remplacée par l’utilisation d’air (mais plus couteux…)
Par contre pour le nettoyage, actuellement on utilise essentiellement de l’eau régulièrement (tous les deux jours…) et dans des proportions importantes. Un système à air comprimé pourrait être envisagé mais n’existe pas pour le moment.
4.Est ce que les installations pourront supporter les conditions climatiques difficiles du désert?
La réponse est forcément oui, mais on ne sait pas dans quelles proportions.
5.La taille des installations ne représente elle pas un danger pour l'environnement
Pas de soucis a priori
6.Le transport de l'énergie produite dans le désert du Sahara jusqu'à l'Europe ne sera t-il pas trop couteux?
Très couteux et peu modulable dans le sens où ce n’est qu’un transport pur d’énergie et non un réseau de distribution. Par contre, transporter l’électricité par courant continu est bel et bien la meilleure solution actuellement bien que très onéreuse (nécessite de convertir en courant alternatif à l’entrée et à la sortie)
A titre de comparaison, l’électricité issue de l’énergie solaire coûte 350€
Le MW/h tandis que l’électricité issue du nucléaire ou du gaz est de 50€ le MW/h d’où la nécessité d’avoir des subventions. (à qui donner les subventions : à la R&D ou à la commercialisation grand publique)
Un réseau international Versus une autonomie en énergie décentralisée
1.Est-il nécessaire d'importer de l'énergie en Europe?
Ça dépend de l’orientation politique : si on veut effectivement développer les énergies solaires pour le grand public oui on sera obliger de l’importer car nous ne disposons pas des terrains et de l’ensoleillement nécessaire :
Un CSP (Concentrated Solar Panel) nécessite deux choses : un ensoleillement de qualité (irradiation directe en grande proportion) et de grandes surfaces. La région du Sahara apparait dès lors comme une zone très avantageuse pour ce genre de projet : ceci fait l’unanimité de tous.
2.Ne risque t on pas de faire disparaître les sources de production d'énergie en Europe?
Question politique : quelle direction veut-on prendre ?
Energie solaire trop onéreuse pour le moment.
3.N'est-il pas préférable d'utiliser des sources domestiques d'énergie?
Des installations domestiques de photovoltaïque (PV) ne pourront jamais satisfaire toute la demande en énergie sur un pays industrialisé.
Dépendance et sécurité de l'approvisionnement en Energie
1.L'Europe ne risque-t-elle pas de devenir complètement dépendante des sources d'énergie étrangères?
Non : la même question se pose pour le pétrole. Ce genre de problème ne se pose pas lorsque qu’il y a une interdépendance entre les acteurs : pour valoriser le projet sur place, il est nécessaire d’impliquer les locaux.
2.Ne s'expose-t-elle pas à des pressions étrangères?
On arrive à le gérer (parole de Total actuellement). Par contre, cela nécessite de diversifier son approvisionnement).
3.N'est-il pas très dangereux de dépendre de pays politiquement instables?
4.Dans l'hypothèse où les installations du projet Desertec sont prises pour cible par des groupes terroristes, l'approvisionnement en énergie de l'Europe pourra t-il être alors subitement immobilisé?
Dans le projet Desertec, les installations sont disposées dans de divers pays, ce qui minimise l’impact d’une telle attaque.
5.Le Moyen-Orient et le Nord de l'Afrique ne sont t-elles pas des régions trop instables pour un investissement à long terme comme celui ci?
Interdépendance : ils ont besoin que quelqu’un leur achète leur électricité et entretienne leurs installations.
Les bénéfices pour le Moyen Orient et le Nord de l'Afrique
1.L'Europe n'exploite-t-elle pas à nouveau l'Afrique?
Non : Desertec s’inscrit dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. Il y aura des installations dans de nombreux pays de l’EUMENA qui auront pour vocation d’approvisionner en énergie tous ces pays. Actuellement, le projet Desertec (pour Total) intègre de plus en plus les pays du MENA.
2.Quels bénéfices pour les régions du Moyen Orient et du Nord de l'Afrique?
Ils se sentent concernés par tous les problèmes environnementaux mais pour le moment la plupart de ces pays sont encore alimentés par des énergies fossiles fortement polluantes (charbon, gaz…). Ces pays sont donc intéressés par les investissements européens afin de disposer des technologies nécessaires à l’exploitation du solaire. Les pays producteurs de pétrole préfèrent l’exporter que le bruler, d’où l’intérêt des installations solaires.
3.Pourquoi les pays arabes qui possèdent pour certains de gigantesques ressources pétrolières et gazières auraient intérêts à exporter de l'énergie solaire?
7.Durabilité : Desertec annonce une durabilité de 40 ans. Qu’en pensez-vous ? Cela vous semble-t-il faisable ? Si oui est-ce qu’un investissement de 500 milliards de dollars vaut le coût pour une telle durée ?
Ce genre de donnée nécessite d’être comparée à celles du nucléaires et des autres sources d’énergie conventionnelles. Actuellement, les centrales nucléaires sont conçues pour produire pendant 20 ans, puis sont rallongées par tranche de 10 ans grâce à des remise à niveaux et autres visites… En ce qui concerne les CSP de Total, ils tablent sur 20/25 ans (en sachant que ces valeurs sont indicatives : ils espèrent le faire durer plus longtemps mais ne peuvent toutefois pas s’y engager dès le départ en raison des trop nombreux paramètres entrant en jeu : stabilité politique, évolution des technologies et matériaux …)