Cultiver le coton Bt en Afrique du Sud
Des Makhathini Flats au problème global
 
   
   
   

 


 

Interviews de différents chercheurs :

Introduction

Durant notre enquête, nous nous sommes déplacés pour rencontrer trois chercheurs sur les organismes génétiquement modifiés appartenant à différentes institutions afin de mieux cerner notre sujet. En voici les retranscriptions :

 

 

Cliquer sur un nom pour acceder à l'interview

  • Emmanuel Guiderdoni du CIRAD
  • Alain Weil
  • Rémy S. Pasquet de l'ICPE

 

 

 

 

 

 

  • Est-ce que les OGM en Afrique sont une solution viable ? Est-ce qu'il peuvent contrer les problèmes de famines ?

    C'est pas la bonne manière de poser le problème. Les problèmes sont compliqués, il y a des causes techniques et autres. Pour ce qui est des causes techniques, il y a toute une palette de solutions possibles, et je dirais qu'en dernier ressort, notamment à cause des conséquences environnementales et sociétales, les OGM peuvent être une bonne stratégie. Il serait idiot de se priver d'une solution pour des problèmes qu'on ne sait a priori pas résoudre pour l'instant. C'est avant tout une solution de dernier recours, quand on n'a rien d'autre, et surement pas tout seul – en combinaison avec d'autres cultures. Ça dépend beaucoup des situations locales, des OGM dont on parle (c'est quelque-chose qu'il faut marteler parce qu'il n'y a pas UN OGM mais DES OGM particuliers qui ont été obtenus de manières différentes), si ce sont des petits ou de grands agriculteurs dont on parle. A chaque fois c'est du cas par cas.

  • Que pensez-vous des personnes anti-OGM qui clament que l'Afrique a surtout besoin d'aide sur le plan technique, et pas d'OGM ?

    Il n'y a pas seulement la sécheresse à prendre en compte. En effet, il s'agit plus d'une gestion du risque : que faire si la saison des pluies arrive 15 jours plus tard ? Si on créé des plantes plus résistantes, cela permettrait éventuellement à l'agriculteur de ne pas perdre sa récolte.

  • En parlant de sécheresse, j'ai lu un rapport décrivant une nouvelle variété de maïs résistante à la sécheresse. Cependant, s'il y a plus de pluie que prévue, les rendements sont encore plus faibles. Est-ce que c'est possible?

    Bien entendu c'est possible. Cependant, en Afrique, ils ont surtout besoin de plantes résistantes aux insectes, qui produisent peut-être moins en moyenne, mais qui nécessitent moins d'intrants, moins de traitements phytosanitaires (et l'eau ça fait une partie de l'ensemble). Donc il ne faut pas viser une optimisation des rendements comme on peut obtenir en station, mais voir les rendements aux champs, qui traduisent les rendements qu'on peut espérer avoir dans les conditions actuelles.

  • Un des grands problèmes, il me semble, est celui de la législation.

    Globalement, en Afrique, c'est vrai qu'il y a un retard au niveau de la législation. Mais l'Afrique du Sud est le pays le plus avancé en la matière, même si je ne sais pas où ils en sont exactement. Mais c'est vrai que c'est quelque-chose qui a freiné pendant un bon bout de temps les développements et les coopérations. Donc tous ces pays sont entrain de mettre en place une législation, et un système permettant de l'appliquer. Il faut des administrations compétentes, des experts qui puissent avoir un avis éclairé, des dispositifs de surveillance,... Ça commence par la législation.

  • Certaines personnes craignent que les fermiers n'aient pas le choix entre les cultures traditionnelles et les cultures OGM. Du moment qu'il y a des OGM, il y a des risques de pollinisation, et si la compagnie (par exemple Monsanto) détient des brevets, les agriculteurs risquent d'être poursuivis en justice.

    Là encore, c'est du cas par cas, il y a des espèces qui peuvent en polliniser d'autres, y en a d'autres qui ne peuvent pas, il y en a pour lesquelles le pollen ira plus loin, il y en a d'autres pour lesquelles il suffit de dire « il n'y aura pas de cultures traditionnelles à moins de 300 mètres ou 3 km des cultures OGM »... Il n'y a pas de réponse générale.De plus, la question des brevets se pose spécialement dans le cas de l'Afrique : il faut que les brevets qui aient été déposés soient valides, il faut qu'ils reconnaissent la propriété intellectuelle par l'intermédiaire du brevet, il faut que l'intérêt des firmes soit respecté, … Avant ça, l'une des questions est celle des variétés introduites, car ça coûte cher de les introduire, ça coûte cher de les transformer, de les faire homologuer, donc les premières introductions étaient avec des variétés qui étaient des variétés du nord essentiellement, des variétés américaines, qui de toute façon n'étaient pas adaptées. Tout ça est en train de changer. Monsanto monte des associations avec des structures locales, avec des centres de recherche locaux. La propriété industrielle fait partie des discussions.
  • Comment trouver des données chiffrées et ciblées qui s'écartent de la simple vulgarisation ?

    La FAO organise régulièrement des débats par l'intermédiaire d'internet sur des thèmes particuliers concernant les OGM, les biotechnologies en général. La première des questions est la suivante : les biotechnologies regroupent des applications beaucoup plus vastes que les OGM, qui peuvent être un outil de recherche sans nécessairement devenir les plantes que l'on met dans les champs. Il ne faut pas oublier cette différence car il peut s'agir d'un raccourci, par exemple si l'on veut comprendre la fonction d'un gène, la meilleure manière de comprendre ce qu'il fait est de l'insérer dans une plante ou de supprimer son expression et de voir ce que ça donne. Une fois qu'on a compris on peut faire des croisements classiques et identifier (ce sont les techniques modernes utilisées par les sélectionneur qui s'appellent sélection assistée par marqueur) l'intérêt d'avoir ce gène. On peut détecter sa présence dans le génome des plantes qu'on envisage de croiser. Dans les croisements effectués, qui sont des croisements sexués traditionnels, le processus complet est alors beaucoup plus rapide. Les OGM ne servent pas qu'à faire des OGM, mais aussi des plantes traditionnelles. Ensuite, la frontière entre les techniques utilisées qui sont des techniques pour faire des OGM ou pas, la frontière entre ce qui est OGM ou pas, a tendance à être de plus en plus floue. Il s'agit souvent de définitions assez subtiles et des experts peuvent discuter pendant longtemps pour savoir si telle espèce est un OGM ou pas. Par exemple, il y a des méthodes qui permettent simplement d'aller plus vite pour faire ce qu'on pourrait faire par croisements sexués. On peut prendre un gène de maïs et le transférer dans du maïs. Il n'est pas nécessairement évident de savoir s'il s'agit d'OGM ou pas. Simplement on ira beaucoup plus vite que quand on croise deux variétés qui se mélangent de façon non contrôlée, et où il faut faire par la suite des croisements à répétition pour se débarrasser de tout ce qu'on ne veut pas et qu'on a importé en faisant le croisement. Grâce à la technologie on introduit le gène qu'on veut, on modifie le gène qu'on veut, de plus en plus on saura le faire à un endroit précis. Pour l'instant c'est quand même encore à l'aveuglette, on introduit le gène on ne sait pas très bien où, ensuite on regarde ce qui se passe. Il est vrai que c'est encore beaucoup de bricolage, mais les techniques sont de toute façon en train de s'affiner, donc déjà dans le débat sur les OGM, il y a ça à prendre en toile de fond. Les OGM ne sont pas une catégorie fixée précisément. C'est un peu flou, et on peut utiliser des techniques de biotechnologie pour faire autre chose que des OGM. A mon avis, il faudrait aller regarder sur le site de la FAO les différents débats qu'ils ont organisé. Ça tourne forcément autour de ce thème là, il y en a eu beaucoup. Ensuite, sur les données chiffrées de ce qui se passe en Afrique, il y a un site très bine fait, mais qui est malheureusement la seule source d'information sur ces surfaces, et qui est nécessairement biaisé car financé par des fondations américaines et des firmes comme Monsanto, c'est l'ISAA, qui est la source de toutes les statistiques qu'on voit dans le monde sur les surfaces cultivées en OGM. Donc c'est toujours extrêmement dithyrambique. Cependant ce qui demeure un fait est que la croissance de l'utilisation d'OGM reste extrêmement soutenue depuis qu'ils ont été introduits et que leurs surfaces deviennent extrêmement importantes. Les premiers pays restent les États-Unis, l'Argentine, le Canada et le Brésil mais effectivement il commence à y avoir de plus en plus de pays en développement, et les pays les plus intéressants à regarder à ce titre là sont la Chine et l'Inde, qui considèrent qu'elles ne pourront pas se passer des OGM pour nourrir leur population. La question n'est pas « est-ce que les OGM vont nourrir le monde ? », elle est de savoir si avec notre densité et les surface agricoles utiles, les problèmes qu'il y a par rapport à la population, il va falloir avoir recours à certains types d'OGM. Pas les OGM en général. C'est du long terme, on ne peut pas savoir si c'est vrai ou pas . Politiquement en tout cas, c'est une décision forte qu'ils ont prise. L'Afrique n'est pas dans le même cas, mais il faut raisonner pays par pays. Le Zaïre par exemple n'a aucun problème de surface, l'Afrique du Sud pourrait probablement se passer d'OGM, simplement dans ce pays il y a une partie sous développée et l'autre qui fait de l'agriculture intensive, ce qui n'est pas homogène : il y a la petite Afrique noire et les complexes agro-industriels. En Afrique, les pays qui officiellement ont des cultures OGM en champs sont l'Afrique du Sud, le Kenya (décision adoptée depuis un certain temps, avec beaucoup d'organisations qui surveillent cela, dont AGRA : allez sur le site, créé par la fondation Bill Gates et la fondation Rockfeller, dirigée par Kofi Annan, l'AGRA a de gros moyens), l'Égypte (ou il y a plein de choses en recherche qui commencent à avoir des applications commerciales). Pour les autres pays, c'est surtout de la recherche, qui comporte aussi de l'expérimentation aux champs. A peu près tous les pays s'intéressent aux OGM, au niveau de la recherche, des essais, de la définition des conditions réglementaires et administratives dans lesquelles on pourrait essayer d'introduire des OGM. A mon avis, la plante pour laquelle ça a le plus d'intérêt jusqu'à présent c'est le coton.

  • Il est vrai qu'au début nous avions pensé travailler sur le coton Bt...

    Il y a eu des rapports sur le coton notamment en Afrique du Sud. Il s'agissait de projets de Monsanto chez de petits exploitants, qui n'a pas été un grand succès pour des raisons autant socio-économiques que techniques. Il faudrait aller voir d'un peu plus près, mais c'est notamment les conditions dans lesquelles les graines étaient vendues, rachetées, liées à des questions de prix, de crédit. Il y a eu beaucoup d'études pour comparer les plantes OGM, non OGM, etc. Forcément, d'une part les études varient entre elles, parce qu'elles dépendent beaucoup du lieu, des conditions climatiques, du fait de savoir si cette année-là il y a eu des infestations ou pas. S'il y avait une nuée d'insectes contre lesquels la plante est censée être protégée, c'est effectivement intéressant, s'il n'y en a pas eu on dit : les OGM ont coûté plus cher, les autres ont eu un aussi bon rendement meilleur marché. Il y a eu des méta-études qui ont été des synthèses de toutes les études qui ont été faites qui semblent conclure que sur le coton, on observe une diminution assez sensible de l'emploi des pesticides (dont le coton est très consommateur en règle générale), et donc que son utilisation est intéressante. Sur les autres, c'est plus sujet à caution, puis ce qui est vrai une année n'est pas forcément vrai dans la durée. Il faut distinguer dans les OGM ce que l'on fait maintenant et ce qui va pouvoir être fait dans quelques années, avec des techniques intelligemment utilisées, dans 5, 10 ou 15ans. Les processus d'homologations sont tellement longs pour ces technologies assez récentes que ce qui est aux champs maintenant est sorti des labos il y a 6 ou 7 ans, et l'innovation date peut-être d'il y a 10 ans. Ce qui est important c'est ce qui sortira des labos dans 5 ans et qui sera aux champs dans 10 ans. Ma conviction personnelle est qu'il y aura là-dedans des choses intéressantes. Il ne faut pas faire n'importe quoi, être prudent, mais décider à cause de ce qui s'est fait dans les labos il y a un certain nombre (important) d'années que ça n'aura jamais aucun intérêt, je trouve que c'est un peu dommage compte tenu des contributions potentielles que ça pourrait apporter. Il faut prouver les choses. Pour certaines c'est de la science fiction, on ne pourra jamais y arriver, d'autres ont des effets nocifs comme les médicaments qui ont des effets secondaires et qu'on ne met pas sur le marché. Il me semble que l'on a pas le droit de décider a priori de se passer de ces OGM. Les discours que l'on entend des organismes internationaux qui traitent ces questions là sont des réponses prudentes de ce style, en disant « on ne sait jamais, il faut ménager l'avenir, ça peut être utile, ne pas s'interdire de, ne pas faire n'importe quoi, mais ne pas fermer la porte ».

  • Nous avions au départ pensé ne pas parler du coton parce que nous avions pris le sujet de la controverse de façon plutôt alimentaire : comment l'Afrique peut-elle nourrir sa population dans des conditions agricoles difficiles ? Mais il est vrai que l'on peut penser le débat de façon plus économique, en prenant en compte rendements et productivité. En nous focalisant sur le coton nous avions peur de passer à côté des débats sanitaires qu'entraîne l'utilisation d'OGM.

    La difficulté c'est que si vous voulez vous appuyer sur des choses concrètes, il n'y a pas beaucoup d'autres plantes sur lesquelles vous allez pouvoir vous appuyer en Afrique. Il y a eu un peu de maïs en Afrique du Sud, il y a eu quelques essais, vous risquez de vous retrouver à faire des développements sur le développement africain, sur l'agriculture africaine, où in fine vous direz trois mots sur les OGM parce que ce n'est pas actuellement au centre de la problématique alimentaire des pays du Sud, ce qui semble évident. Et de toute façon, si vous voulez dire quelque chose, il va falloir que vous alliez regarder ce qui se passe à l'extérieur de l'Afrique. Vous allez vous appuyer soit sur des études américaines, soir sur des études qui ont été faites par exemple au Mexique sur le maïs, avec la polémique sur la dissémination involontaire à partir d'OGM, soit sur des études faites dans des pays comme la Chine (et il y en a eu pas mal, notamment sur le coton), ou l'Inde (où on a assisté à la polémique sur les suicides d'agriculteurs que certains imputaient aux OGM). Si vous vous focalisez sur l'Afrique en ne regardant que les cultures en champs qu'il y a en Afrique, vous n'allez pas avoir beaucoup de matériaux. Je pense qu'il faut que vous ayez une problématique assez générale, qui soit une problématique d'OGM pour des pays pauvres, pas très formés avec peu de moyens financiers qui ont des petites parcelles, ce qui pose un certain nombre de problèmes techniques sur les conditions d'utilisation, et puis ensuite que vous appliquiez ça à une problématique africaine.

  • Donc cela vaudrait la peine de se focaliser sur le coton, et avec cela nous aurions suffisamment de données...

    Je vous suggèrerais de ne pas restreindre bille en tête. Rentrez dans la problématique OGM, et OGM pour les pays pauvres, et en ramenant ce que vous aurez dans vos filets, regardez si vous avez la matière pour mener ces recherches. Parce que si vous définissez votre question de façon trop étroite, de toute façon vous aurez besoin d'un éclairage général sur ces notions, le développement, l'alimentation, et l'économie fait partie de ces notions, est-ce qu'il faut des cultures essentiellement vivrières ou pas, ce sont des polémiques qui ont une dizaine d'années, il y a une époque où on expliquait qu'il était idiot de faire des cultures de rente type hévéa, palmier à huile, et coton aussi, qu'il valait mieux produire des cultures capables de nourrir la population, puis on s'est rendu compte que ce n'était peut-être pas idiot non plus puisque de toute façon les pays auraient besoin d'importer, ne serait-ce que du pétrole pour faire tourner les engins agricoles, et apporter la récolte à la ville, et pour ça il faut de l'argent et faire du latex ou de l'huile de palme est un moyen d'en gagner, plus rentable que de cultiver du riz dans de mauvaises conditions, de fil en aiguille la situation devient compliquée.

  • La question de comment sauver l'Afrique est extrêmement complexe c'est vrai...

    Surtout que si vous parlez de sauver l'Afrique avec un grand A, les gens vous répondront que ça n'existe pas, puisqu'il y a des pays riches et des pays pauvres, des pays enclavés des pays non enclavés.

  • Puis ils n'attendent pas nécessairement d'être sauvés par les occidentaux.

    C'est autre chose. Évidemment, ce que vous allez voir partout c'est qu'ils disent : laissez-nous définir notre propre politique. De toute façon, pour votre travail, si vous vous restreignez sur quelque chose de trop précis, ou bien vous allez prendre des études qui ont déjà été faites intégralement et ça n'aura aucun intérêt, ou bien vous n'aurez pas les données. Sur le coton en Afrique du Sud il doit y avoir des choses, il y a des expérimentations qui ont été faites au Burkina, des études brutes que vous arriverez peut-être à vous procurer, ceci étant vous ne saurez pas quoi en faire car ce sont des études qui ont été faites par Monsanto en utilisant l'organisme burkinabé de recherche agronomique, et vous n'aurez aucun recul par rapport à ça. Je vous ai mis sur ce document (cf feuille) les informations bibliographiques que j'avais déjà, [description des sites, aller voir celui de la FAO, autour de 30 min si besoin de précisions]. Avec ça vous devriez trouver pas mal de matière.

  • Et vous si l'on vous pose une grande question du type :les OGM peuvent-ils sauver l'Afrique ?

    Posée comme ça, on ne peut répondre que « non », car les problèmes de l'Afrique ne peuvent pas être résolus par une technique particulière. Parmi beaucoup d'autres techniques, je pense que les OGM pourront à l'avenir apporter une contribution importante. Certains OGM pourront à l'avenir avoir un intérêt.

  • Par rapport aux risques alimentaires liés aux OGM que l'on consomme, est-ce qu'il y a des expérimentations qui sont menées?

    Bien évidemment, et il y en a beaucoup. C'est pour cette raison qu'il est peut-être plus fiable de consommer des OGM que les autres produits qui sont beaucoup moins surveillés (et qui son remplis d'additifs alimentaires pouvant être cancérigènes). Il y a des centaines de millions de gens qui consomment des OGM depuis un nombre respectable d'années, et sans problème de santé lié à cette consommation. S'il y avait eu des risques sérieux, on s'en serait aperçu ! Il n'y a rien qui prouve une innocuité des OGM.

  • Est-ce que les OGM permettent une réduction de l'utilisation des pesticides ?

    Ça dépend des OGM. Les OGM les plus répandus sont des OGM résistants aux herbicides, car ça facilite énormément le travail des agriculteurs : ils pulvérisent tout le champ d'herbicides, et il ne reste que les OGM. Cependant, cela augmente la consommation de pesticides. Économiquement, les OGM ont un intérêt à la fois pour Monsanto et pour les agriculteurs (car les statistiques montrent une augmentation de l'adoption des OGM). Cependant, pour le consommateur, cela n'a aucun intérêt.Reste à voir si la consommation d'herbicides diminue au fil des années. Il y a des études qui ont montré que les mauvaises herbes deviennent plus résistantes, ce qui fait augmenter la consommation de pesticides.De toute façon, il s'agit d'un problème connu, puisque c'est pareil pour les insecticides. On sait qu'à force d'utiliser le même insecticide, il y a des insectes qui deviennent résistants. Il faut donc envisager de varier les insecticides, des zones de refuge.Pour des plantes comme le coton, extrêmement consommatrices de produits phytosanitaires, la plupart des études montrent une diminution de la consommation de pesticides pour les plants OGM.

  • Comment est-ce qu'une plante peut être résistante aux insectes?

    Il existe des bactéries (Bt signifie Bacillus thurigiensis) qui détruisent de manière extrêmement ciblée des insectes. Le Bt est utilisé en lutte biologique depuis le début du XXe siècle (notamment sur des forêts au Canada) !On est donc allé chercher dans le Bacillus thurigiensis les gènes qui permettent la production d'une toxine, fatale aux insectes. Quand on met ce gène dans la plante, la plante se met à produire ces toxines.On a fait des essais avec du venin de scorpion, du venin d'araignée, … Pour l'instant, on n'a rien trouvé de mieux que Bt, mais on cherche d'autres choses, justement pour diversifier les modes d'action.

  • Et cette production de toxines est non nocive pour l'homme, justement parce qu'elle cible certains insectes en particulier ?

    Ça dépend, certains ont des effets. Un des reproches qu'on a longtemps fait aux OGM est : « cela va accentuer les allergies ». Effectivement, un jour, on a voulu transplanter dans une plante un gène qu'on avait pris dans la noix du Brésil. La noix du Brésil est allergène pour beaucoup de monde. On a effectivement constaté que la plante transformée était allergène, ce qui n'est pas étonnant, puisqu'avec le gène qui intéressait les chercheurs, d'autres choses ont été transférées avec. Du coup, ça n'a jamais été mis sur le marché car on s'en est aperçu à temps.Ce n'est donc pas la transgenèse qui créé des allergies, mais si on transfère des allergènes dans une plante, elle va forcément devenir allergène. Et pour les toxines, c'est la même chose. Il faudra faire attention qu'en transférant des choses pour tuer des insectes, on ne transfère pas des choses nocives pour l'homme.On sait parfaitement que le Bt, on en ingère tout le temps, et même sur les insectes, ça un effet très ciblé.Un des buts recherchés, c'est de définir les populations cibles et les populations non cibles, et de créer un OGM qui ne s'attaque pas aux insectes utiles, qui ne tue pas en même temps les insectes pollinisateurs par exemple.Un des reproches fait aux OGM est qu'on va empêcher aux agriculteurs de reproduire leur semence. Mais cela n'a rien à avoir avec les OGM, c'est dû au système industriel et économique dans lequel on est. Il y a des grandes firmes qui investissent beaucoup pour développer des innovations, qui cherchent à rentabiliser leur investissement, et à faire des profits à partir de ça, et qui donc se protègent par des brevets et des règles de propriété intellectuelle.Ce qui est en jeu, ce sont les règles de propriété individuelle, c'est pas les techniques OGM.On peut faire exactement le contraire avec d'autres méthodes de biotechnologie. Dans le cas du maïs hybride, les agriculteurs acceptent d'ores-et-déjà de racheter des semences d'une année sur l'autre, car ils savent que s'ils replantent, leurs rendements diminuent. Donc ils paient plus cher leurs semences pour avoir plus de rendements.Il y a des recherches pour faire que le maïs hybride ne perde pas son potentiel de rendement d'une année sur l'autre (c'est développé par des centres de recherches publics). Si jamais ces recherches aboutissent, le petit paysan africain pourra avoir du maïs qu'il pourra replanter d'une année sur l'autre avec toujours le même rendement. La question est de savoir si on lui vend ou si on ne lui vend pas. SI on le vend cher, si c'est commercialisé, si on lui donne, si une fondation qui l'achète,...Intrinsèquement, il est faux de dire que nécessairement des OGM ne peuvent pas se reproduire.Notamment le gène terminator dont on a beaucoup parlé était un gène de protection physique de la graine qui avait été inséré par Monsanto pour éviter la possibilité de resemer la semence d'une année sur l'autre. Les écologistes trouvaient cela très bien, puisque cela éliminait les risques de passage du gène d'une plante à une autre, puisque le pollen était stérile. En termes environnementaux, c'était une protection exceptionnelle, mais cela voulait dire que l'agriculteur pouvait être dépendant des fournisseurs de semences. Mais encore une fois, il ne faut pas mélanger les arguments techniques sur ce que sont les OGM et les biotechnologies avec les arguments économiques.

 

 

  • Pensez-vous que les OGM en Afrique sont une solution viable ?

    Que cela aide, c'est certain. Que cela sauvera l'Afrique et que seules les OGMs peuvent sauver l'Afrique comme les ultra-pro-OGM le clament (Florence Wambugu par exemple) tient plus de la propagande...

  • Peuvent-ils contrer les problèmes de famines ?

    Les problèmes de famines sont rarement dus à des problèmes agronomiques (mais grande sécheresse de 1986 au Niger). Dans la grande majorité des cas, les problèmes économiques (logistique quand le nord du Kenya crevait de fin il y a quelques années alors que le maïs pourrissait faute de moyens de stockage dans l'ouest du pays, ou problème d'échelle sociale quand les pauvres d'Ethiopie sont soumis à des famines récurrentes alors que le pays exporte sa principale céréale, le tef, qui étant sans gluten, rapporte beaucoup de devises) ou politiques (guerres civiles) sont responsables des famines...

  • N'y a-t-il pas un risque de dépendance vis-à-vis des multinationales du secteur ?

    C'est certain, mais il faut bien voir que les paysans commencent à acheter de plus en plus de semences sélectionnées, en particulier ceux qui ont un marché (près des grandes villes ou dans des gros circuits de collecte comme le nord du Nigeria et le sud du Niger qui exportent massivement pout nourrir les mégapoles du sud du Nigeria. A partir de là, le marché s'équilibrera, les paysans achèteront ou non en fonction des prix proposés. Par exemple en Afrique du Sud, du fait de l'apparition de souches résistantes de Busseola fusca, certains paysans sont revenus à du non OGM, le prix des semences OGM ne se justifiant plus. En Afrique du Sud, de toute manière, la quasi totalité de la production de maÎs vient de semences sélectionnées hybrides. Les OGM ne changent rien à ce niveau.

  • Accepter les OGM est-ce renoncer à la biodiversité ? (à cause des problèmes de pollinisation)

    Oui, quand on est dans des zones à forte diversité (maïs au Mexique). Mais pour le maïs en Afrique, il n'y a aucune diversité à perdre. En Afrique, il y a une diversité à perdre avec le niébé-Bt en projet, comme il y une diversité à perdre en Inde avec l'aubergine Bt (et d'autres). Mais si l'on prend le cas de l'aubergine-Bt, les variétés traditionnelles ont déjà beaucoup disparu au profit des semences sélectionnées hybrides dans les zones de grandes cultures (avec marché, beaucoup moins dans les zones reculées), bien avant l'arrivée potentielle des aubergines-Bt. Pour le maïs Bt en Afrique du Sud, on est dans un cas de risque biodiversité nul. Ensuite, il y a le passage des gènes Bt chez les formes sauvages. Mais là, il n'y a visiblement pas de réponse toute faite. C'est au cas par cas. Malheureusement, dans tous les cas (potentiels), il n'y a pas eu de recherche (aubergine Bt en Inde) ou celles-ci ont été intérrompues (tournesol Bt aux USA démarré par Pioneer et niébé Bt en Afrique soutenu au départ par la fondation Rockefeller et l'USAID).

  • A votre avis, est-ce que les multinationales du secteur (telles Monsanto) cherchent à s'implanter en Afrique pour des raisons éthiques et bénéfiques aux populations locales, ou tout simplement pour engendrer des profits ?

    Monsanto est une compagnie privée. Ce n'est pas une fondation philanthropique. Ils doivent faire des bénéfices pour verser des dividendes à leurs actionnaires. Ceci-dit, Monsanto est déjà très bien implanté en Afrique, même sans les OGM. Il faut voir aussi que le coton Bt en Afrique de l'Ouest  a été le plus dénigré par les compétiteurs vendant des insecticides. Le cas du coton-Bt est purement commercial, comme l'est le maïs Bt en Afrique du Sud. Au Kenya, Monsanto va vendre les semences hybrides et "abandonner" son gène dans le domaine des "open-pollinated". C'est le deal qui fonctionnera avec les aubergines-Bt en Inde. Soyons sérieux, qui peut croire à la vocation humanitaire d'une compagnie privée? Ceci-dit, mettre tout sur le dos de Monsanto est un peu exagéré (certes on ne prête qu'aux riches), surtout quand on voit les chinois exporter en Afrique des insecticides de qualité plus que médiocre, qui vont poser de réels problèmes par la suite...

  • En Afrique du Sud, Monsanto envisage la possibilité de maïs résistant à la sécheresse. Pensez-vous que c'est une solution d'avenir?

    L'avenir le dira. Cela peut toutefois être assez efficace pour le maïs qui bénéficie de gros efforts de recherche aux USA sur un maïs qui est surtout en grandes-moyennes cultures en Afrique, en surtout en grandes cultures en Afrique du Sud. Je suis beaucoup plus dubitatif sur les projets similaires sur le sorgho soutenus par la fondation Gates. L'effort financier est minimal (comparé à ce qui est investi en recherche sur le maïs). Les variétés de sorgho sont extrêmement diversifiées et il n'y a pas de variétés cultivées à très grand échelle.

  • Est-ce que l'on ne chercherait pas à faire de l'Afrique le laboratoire du monde (au niveau des conséquences sur les êtres humains des produits génétiquement modifiés) ?

    Cela a été dit pour l'aubergine-Bt en Inde. Dans les cas du maïs Bt, j'ai des doutes. En revanche, et cela n'est mentionné par personne, le projet niébé-Bt en Afrique de l'Ouest et aubergine-Bt en Inde sont des projets "laboratoires". Mettre des plantes cultivées-Bt au milieu de leurs formes sauvages apparentées, alors que c'est interdit aux USA. Le coton-Bt est cultivé partout aux USA sauf en Floride où se trouvent des formes sauvages apparentées. Le tournsol-Bt a été abandonné par Pioneer car il y a des formes sauvages pratiquement partout aux USA...

  • Il y a eu de nombreux débats sur la rentabilité des OGM en Afrique : les cultures sont plus chères, et sont-elles vraiment plus productives ?

    Le maïs Bt, comme le coton-Bt n'est pas plus productif. Il permet surtout d'économiser sur les insecticides. D'où un intérêt pour le producteur, pour le consommateur et pour l'environnement. Si, si, il faut le dire... En particulier en Afrique de l'Ouest où les paysans utilisent leurs insecticides à tort et à travers (insecticides cotons sur plantes vivrières par exemple), avec des morts régulièrement tous les ans.

  • L'Afrique du Sud a été le premier pays du continent africain à se lancer dans la culture OGM. Aujourd'hui, il y a un véritable problème législatif... Par exemple, les populations locales n'ont pas grand-chose à dire sur l'acceptation des cultures OGM dans leur pays. Qu'en pensez-vous ?

    L'agriculture en Afrique du Sud est relativement en pointe. Les petits paysans produisent peu et autoconsomment, ce sont les "fermiers blancs" qui nourrissent les villes et qui rapportent des devises (voir le contre-exemple du Zimbabwe). Eux acceptent ou refusent suivant la rentabilité de ce qui est proposé, comme aux USA. Or le maïs Bt, au prix où sont vendues les semences, est rentable...

 

 

  • Pensez-vous que les OGM en Afrique sont une solution viable ?

    En Afrique, il y a de nombreuses situations particulières. Il y a surtout un problème au niveau de la distribution des semences. Les paysans ont des difficultés d'accès, même aux variétés traditionnelles et aux variétés améliorées (il s'agit d'un secteur privé). De plus, les innovations techniques sont difficiles à mettre en place, mais une résistance des plantes aux insectes serait intéressante. Si le secteur public s'occupait de la distribution des semences, les OGM seraient vraiment une perspective d'avenir, même si ils ne peuvent pas révolutionner les choses.

  • Quel est le risque de dépendance vis-à-vis des multinationales du secteur ?

    La fondation Gates a été développée afin d'avoir des accords pour que les technologies soient distribuées gratuitement aux paysans pauvres. De plus, il y a peu de risques de pollinisation pour le coton.

  • Est-ce que l'Afrique est le laboratoire du monde ?

    Les cobayes sont les Etats-Unis surtout. De plus, les technologies sont relativement éprouvées de nos jours. Par exemple, dans les champs américains, il y a des refuges de plants non-OGM pour les insectes, afin d'éviter le développement d'une résistance. Cependant, dans des conditions tropicales, cette résistance apparaît plus vite, puisqu'il y a 3 cultures par an sur un même bout de terre.
    (Voir les principaux pays producteurs d'OGM)

    - Est-ce que les OGM sont rentables ?

    Il y a des économies faites sur les pulvérisations d'insecticides. Cependant, les semis sont beaucoup plus chers. Michel Foch (CIRAD) a fait une étude sur les aspects économiques de la culture du coton.


 
   
Conclusion