L'affichage correct du site nécessite l'activation de Javascript. Controverse sur les abeilles: Mines de Paris

Les pesticides sont-ils responsables du déclin des abeilles?
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Systèmes de preuves scientifiques

• Présentation des systèmes de preuve

Dans une controverse, les acteurs s’appuient sur la science comme source de la vérité, et sont prompts à utiliser les résultats des différentes études pour appuyer leur argumentaire. Mais « la » science ne fournit pas « la » vérité. Dans le cas étudié, les protocoles expérimentaux sont souvent mis en question.

D’abord, il existe trois types d’expériences : les expériences en laboratoire, en champ, et en « semi-champ » . Les premières ont l’avantage d’être parfaitement contrôlables, et fournissent des résultats précis en excluant tous les paramètres naturels perturbateurs. Mais représentent-elles pour autant la réalité ? Les apiculteurs et les associations de défense des abeilles préfèrent les expériences sur le terrain, plus réalistes.

Les expériences sur le terrain regroupent des acteurs et des méthodes très différentes. De nombreux apiculteurs ont réalisé eux-mêmes des expérimentations, sur quelques ruches. Par exemple, Joël Schiro, apiculteur, témoigne sur le site beekeeping. Ces résultats sont publiés sur les sites d’associations de protection de l’abeille, principalement tenus par des apiculteurs.
Des scientifiques ont aussi réalisé des études sur le terrain, et publient leurs résultats dans des revues scientifiques. Par exemple, l’expérience d’une équipe de chercheurs publiée dans Science, le 29 Mars 2012 a eu un retentissement mondial (voir Source 20).

Entre ces deux extrêmes, on trouve toute une gamme d’expériences en semi-champ, elles aussi critiquées par les apiculteurs parce que dénaturant l’instinct des abeilles.


• Durée des expériences

La majorité des expériences ne tient pas compte des différentes échelles de temps d’une ruche, ou même d’un individu. Il y a deux décalages temporels que l’on néglige le plus souvent : les durées de butinage qui entraînent des effets cumulatifs sur les butineuses, et la consommation future des nutriments ramenés à la ruche par le reste de la colonie.

Prenons l’exemple du tournesol : la durée de floraison d’une plante dure 8 à 10 jours, celle d’une parcelle dure 15 à 21 jours (les pieds ne sont pas forcément synchrones), celle de plusieurs parcelles peut s’étendre jusqu’à 50 jours (site agro paris).

En comparaison, l’étude du 29 Mars 2012 (voir Source 20) a duré 2 jours et 2 heures. Les abeilles ont ingéré une seule dose de pesticides pour simuler un effet chronique. Puis les résultats de l’expérience ont été extrapolés grâce à des modèles de dynamique des populations d’abeilles.

Afin de rendre l’expérience possible, certains aspects temporels n’ont pas été pris en compte, ou très grossièrement modélisés (par exemple, une seule dose pour un effet chronique).

Un autre aspect temporel essentiel lorsqu’on considère le phénomène à l’échelle d’une colonie est la consommation future des réserves de miel et de pollen. Les études statistiques sont faussées parce que certaines ruches vont disparaître longtemps après une période de floraison de semences enrobées. Le lien entre les deux ne sera pas évident et ces ruches ne seront pas comptées comme atteinte du syndrome de déclin des abeilles, mais comme une perte accidentelle.


• Echantillon

Pour effectuer des expériences, les acteurs se basent sur un certain nombre d’abeilles ou de ruches, et généralisent leurs résultats à l’aide de modèles mathématiques (voir Source 20).

Toutefois, d’autres acteurs vont dénoncer ces résultats en critiquant l’échantillonnage, qui ne représente pas les réelles caractéristiques démographiques des abeilles. Par exemple, lors de l’entretien avec Syngenta, son représentant nous a affirmé qu’un apiculteur avait divisé une ruche en deux, en plaçant la première partie en montagne, loin des pesticides, et la deuxième en plaine, proche de cultures traitées. L’apiculteur n‘aurait alors constaté aucune différence entre le développement des deux populations d’abeilles. Syngenta se base sur cette étude comme référence, mais lorsqu’on la cite à d’autres acteurs, ceux-ci dénoncent une faute scientifique majeure. En effet, une ruche n’est pas un échantillon représentatif dans le cas des abeilles. Il faudrait pour généraliser un résultat que celui-ci concerne plusieurs ruchers, qui contiennent eux-mêmes parfois des dizaines de ruches.

L’expérience dans le cas d’une ruche peut être considérée comme une « mesure isolée », c’est-à-dire que l’expérience est valide mais qu’elle ne peut représenter à plus grande échelle la réalité de l’évolution.

Ainsi l’échantillonnage est un point très controversé, car il remet en cause la validité des expériences sur lesquelles chacun des acteurs se base pour fonder ses arguments.


• Conditions environnementales

Des études scientifiques sont utilisées comme arguments dans le débat. Mais elles ont été réalisées dans certaines conditions environnementales que les acteurs qui les citent oublient de mentionner. Par exemple, certaines études se sont déroulées dans des zones de monoculture de maïs ou de tournesol utilisant des semences enrobées. Mais un facteur secondaire d’affaiblissement, soutenu par les firmes de pesticides, est la carence alimentaire qu’engendre le butinage d’un seul genre de plantes.

Il est donc nécessaire d’identifier les conditions environnementales d’expérimentation avant d’utiliser une étude comme argument dans la controverse.

Exemple : commentaires aux articles de vulgarisation scientifique

Exemple d’étude : Direction des Services Vétérinaires de la Vendée, le 29 septembre 1997; Chambre d'Agriculture de la Vendée, FDSEA de la Vendée, FDSEA des Deux Sèvres, 1999


• Doses de pesticides utilisées

Lorsque les scientifiques étudient l’impact des pesticides sur les abeilles, ils leur infligent certaines doses de pesticides, et observent leurs effets. Ils publient ensuite leurs résultats, souvent accessibles au plus grand nombre.

Les acteurs de la controverse vont alors utiliser les résultats scientifiques comme arguments. Toutefois, ces études sont très largement contestées.

Par exemple, lorsque Syngenta affirme que les doses administrées par les scientifiques ne perturbent pas les abeilles, la communauté apicole réagit en affirmant que les tests ne reproduisent pas la stricte réalité ( source : entretien avec Syngenta ).

En effet, l’administration, à un instant donné, d’une dose supérieure à la concentration moyenne de pesticides dans un champ de cultures systémiques et inférieure à une dose létale est discutable. L’abeille, en butinant, va absorber des milliers de fois une dose, certes plus faible, mais qui aura un effet à long terme car répétée dans le temps.

C’est sur ce point que se basent les apiculteurs pour infirmer les arguments de Syngenta.


Réciproquement, les firmes de pesticides s’opposent aux résultats que les apiculteurs soutiennent, qui démontrent que des doses régulières infligées aux abeilles les perturbent grandement. Les fabricants de pesticides affirment en effet que les doses sont jusqu’à 30 supérieures aux doses réellement absorbées
(voir Source 32).

Il existe de nombreux autres points d’opposition sur les systèmes de preuve des différents acteurs. À titre d’exemple, le phénomène de guttation. La transpiration des plantes produit des gouttelettes d’eau suintant des feuilles de la plante, fortement concentrées en pesticides. Les firmes de pesticides soutiennent que les abeilles n’y touchent pas, les apiculteurs soutiennent le contraire, les scientifiques s’interrogent. Des études sont en cours pour estimer l’impact de ce phénomène biologique sur les abeilles (voir ici).

Ainsi, les doses infligées sont donc largement sujettes à controverse, aussi bien pour un acteur que son détracteur.



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