Vers une nouvelle législation ?

Objectif

Dans la proposition, le texte de loi[48] est précédé d'un "Exposé des motifs" qui vient présenter l'objectif de la loi. Afin de comprendre l'objectif, il peut être intéressant de retenir le passage suivant :


Cette proposition de loi a pour objectif de moderniser l’encadrement de cette intervention [la résidence alternée], en instaurant le principe général de résidence des enfants chez chacun de leurs parents, afin de traduire leur égalité, cela toujours dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Nous avons rencontré Philippe Latombe[42] afin qu’il réponde à nos questions au sujet de sa proposition de loi. Lors de cet entretien, il nous a exposé son but :


L'objectif de la loi, c'était aussi de dire : est-ce qu'on ne peut pas remettre les choses dans le bons sens ? Le couple parental, il existait avant le divorce, il existe toujours après. C'est pas parce que les deux conjoints sont séparés qu'ils ne sont plus parents. Quand il n'y a pas de violence ni avec l'enfant ou les enfants, il n'y a pas de raison de considérer que l'un des deux parents est moins parent que l'autre.

Le député remet en question la procédure judiciaire actuelle. En effet, au début de la procédure, dans l’ordonnance de non-conciliation, des mesures provisoires sont prises par le juge concernant la garde de l’enfant. Or, dans 80% des cas, la garde est provisoirement donnée à la mère et, dans 71% des cas, cette décision provisoire est conservée comme décision définitive le plus souvent un an plus tard[38]. Philippe Latombe est donc convaincu que ces mesures provisoires ont une influence sur la prise de décision définitive du juge. Il veut donc rétablir l’égalité entre les deux parents en particulier à ce moment crucial.

Évolution

Philippe Latombe est à l’origine de cette proposition de loi parce qu’il a été personnellement confronté à la question de la résidence alternée. Il a ensuite cherché d’autres députés ou membres de l’Assemblée Nationale qui partageaient son point de vue pour l’aider dans l’écriture de sa proposition de loi. Par ailleurs, il a été en contact avec des associations de défense des pères comme SOS Papa afin de comprendre leur demande.


Au départ, on voulait dire : la résidence alternée doit être systématiquement proposée, examinée en premier lieu. C'était la proposition initiale.[42]
Philippe Latombe

Au fur et à mesure des discussions, la proposition de loi a été allégée et raccourcie pour ne pas imposer un changement trop brusque dans la législation concernant la procédure de divorce. En effet, le projet initial qui guidait vers une répartition égalitaire entre les deux conjoints au sujet de la garde de l’enfant représentait un changement radical à l’Assemblée qui aurait été difficilement accepté.

Philippe Latombe l’a ensuite déposée face à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, le 17 octobre où elle a été considérée comme étant en accord avec la constitution. Cette commission examine les propositions de loi avant qu’elles ne soient débattues à l’Assemblée Nationale pour certifier leur constitutionnalité.

Le texte de loi

Le texte de proposition de loi[48] est finalement composé d'un article unique. Le voici :


La résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents, selon les modalités déterminées par convention d’un commun accord entre les parents ou, à défaut, par le juge.

Si la résidence de l’enfant ne peut être fixée, pour une raison sérieuse, au domicile de chacun de ses parents du fait de l’un deux, elle est fixée au domicile de l’autre.

Dans ce cas, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite. Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut être exercé dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée.

Cette loi vient donc imposer le statut de double résident à l’enfant avant toute autre procédure. Lors de la prise de décision provisoire du juge, ce statut remet sur un pied d’égalité les deux parents.

Voir l'intégralité de la proposition de loi[48]

Accueil et débats

À l’Assemblée Nationale

Sous la Présidence Macron, le MODEM s’est vu attribué deux niches parlementaires par an.


Qu’est-ce qu’une niche parlementaire ?

C’est une séance spéciale à l’Assemblée Nationale lors de laquelle un parti a la possibilité de présenter ses propositions de loi pour qu’elles soient débattues et éventuellement votées!

Lors d’une de ses niches, le 30 novembre 2017, la proposition de loi sur la résidence alternée a été présentée en fin de séance aux alentours de 21h et a été débattue jusqu’à 1h du matin, heure de clôture obligatoire du débat[58]. Ainsi, la proposition n’a pas été votée, c’est la limite de la niche parlementaire.


Le texte n’est ni voté, ni adopté, ni rejeté. Il faut donc le réinscrire dans une autre niche, ou attendre le gouvernement.[42] Philippe Latombe

Les trois principaux axes de débat à l’Assemblée Nationale au sujet de la proposition :

  • Automatisation de la résidence alternée
    Opposition : Donner systématiquement la double résidence à l’enfant implique d’automatiser la résidence alternée. Cette automatisation n’est pas légitime, chaque famille est un cas particulier.
    Philippe Latombe : Donner la double résidence à l’enfant permet de commencer la procédure de divorce sur un pied d’égalité entre les deux conjoints vis à vis de la garde.

  • Violences conjugales
    Opposition : La mise en place d’une résidence alternée peut prolonger le traumatisme de la victime qui aura toujours un lien avec l’agresseur.
    Philippe Latombe : Les cas de violence conjugale sont pris en charge par d’autres lois spécifiques. Cette loi ne s’applique donc en rien aux cas de violences conjugales ou sur l’enfant.

  • Pourcentage des divorces concernés
    Opposition : La proposition de loi touche seulement 1,5% des couples divorcés pour lesquels le père demande la résidence alternée sans l’obtenir.
    Philippe Latombe : La petite proportion de résidence alternée refusée est une cause de la procédure judiciaire asymétrique actuelle.
  • Par les associations

    Associations féministes

    À la veille du débat à l’Assemblée, 11 associations féministes (dont Les Effronté-e-s, Osez le Féminisme ou encore la Fédération nationale solidarité femmes) ont signé une tribune dans Le Monde pour dénoncer différents impacts négatifs de cette loi :


    • Paupérisation des femmes seules
    • Violence pendant la garde
    • Pourcentage minime des couples touchés
    • Loi tournée vers les parents

    Accéder à cette tribune[4]

    Associations de défense des pères

    Le président de SOS Papa a expliqué son mécontentement dû au changement entre la loi dont il avait été question lors de sa discussion avec Philippe Latombe et celle finalement proposée à l’Assemblée Nationale.

    Voir l'interview sur Europe 1 [59]

    Le Collectif de la Grue Jaune a soutenu la loi Latombe notamment en affichant son soutien lorsque Philippe Veysset s’est perché dans une grue dans le VIIème arrondissement de Paris.

    Voir leur communiqué [50]

    Conseil International de la Résidence Alternée (CIRA)

    Michel Grangeat, membre fondateur du CIRA, s’oppose à cette loi qu’il trouve artificielle. Lors d’un entretien qu’il nous a accordé, il a expliqué[40] :


    Cet article dit que l’enfant dont les parents ont divorcé aura deux résidences, celle chez la mère et celle chez le père, mais que les modalités d'hébergement restent à la discrétion du juge et à la discrétion des parents, c'est à dire que ce n'est pas parce qu’il a deux résidences officielles qu’il sera automatiquement en train de vivre dans ces deux résidences. En fait ça ne change rien, c'est du cosmétique. […] Pour l'enfant ça ne change rien.


    On s’est rendu compte que sur ce sujet, un consensus n’existait pas et qu’il n'existerait jamais.[42] Philippe Latombe

    Le futur de la proposition

    En 2018, LREM a pour projet de reprendre le texte de loi concernant le divorce. D’après Philippe Latombe, il se pourrait que la proposition de loi se transforme en projet de loi en étant incluse aux modifications proposées par le gouvernement. En devenant un projet de loi, cela impliquerait nécessairement un vote à l’Assemblée Nationale…




    A retenir

    étape suivante
    Opposition parentale

    Cette proposition de loi a été révélatrice d’une véritable opposition entre conjoints basée sur l’existence d’inégalités. Le débat est devenu genré : les hommes s’opposent aux femmes et les associations de défense des pères font face aux associations féministes.