Cette affirmation devait n'être à l'origine qu'une simple interrogation. Depuis quelques années en effet cette guerre dont nous pensions la mémoire enfouie sous des commémorations presque immémoriales redevient d'une actualité si brûlante que son souvenir réveille en nous des sentiments, des émotions même, qui ne peuvent que nous surprendre. Brûlant est sans nul doute l'adjectif qui convient.
Le nombre d'articles consacrés au sujet n'a cessé de croître depuis une dizaine d'années. L'évènement effroyable que l'on croyait enseveli sous le poids écrasant de la Seconde Guerre Mondiale devient l'écheveau dans lequel s'entremêlent les fils de notre histoire la plus récente.Chacun, à travers les publications nombreuses et parfois incontrôlées, semble découvrir qu'un de ces dormeurs des vals de la Somme, de Verdun, ou du Chemin des Dames est un des membres de sa famille. L'Europe redécouvre, a la fois effrayée et émerveillée, son propre suicide.
Car l'image commune du soldat a elle aussi radicalement evoluée. Le sublime martyr endormi dans le cresson du poème de Rimbaud a laissé place au tueur ordinaire. La victime est devenue un bourreau. Et, dans la pensée collective de cette dernière décennie, a surgi la douloureuse question : Peut on condamner la guerre en acquittant le guerrier ?
Deux grandes écoles d'historiens s'affrontent en effet sur le sujet. La première soutient la thèse de la "brutalisation" des hommes et d'un consentement unanime des soldats au conflit. la deuxième au contraire met l'accent sur la "contrainte" subie tant par les soldats que par les sociétés.