Les législations européennes

 

sur l’euthanasie

 

 

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ANNEXES :

 

 

 

 Questionnaire à remplir par les médecins des Pays Bas avant de pouvoir faire une euthanasie

 

 

 

RENSEIGNEMENTS CONCERNANT LE MEDECIN

Nom :

Initiales : Sexe : M/F

Fonction :
· médecin de famille


· médecin d'une institution de long séjour


· spécialiste

Nom de l'institution :

Adresse du lieu de travail :

Code postal et localité :

RENSEIGNEMENTS CONCERNANT LE DEFUNT/LA DEFUNTE

Nom :

Initiales : Sexe : M/F

Date du décès :

Commune où a eu lieu le décès :

I. HISTOIRE DE LA MALADIE

1. De quelle affection souffrait le patient ? Depuis quand ?

2. Quels traitements médicaux ont été essayés ?

3. Y avait-il encore un espoir de guérison ?

4. Quelle était la nature des souffrances du patient ?

5a. Existait-il encore des moyens d'alléger les souffrances du patient ?

5b. Si oui, quelle était l'attitude du patient à l'égard de ces possibilités ?

6. Dans quel délai estimez-vous que serait intervenue la mort du patient si vous n'aviez pas pratiqué l'euthanasie sur demande ou si vous ne lui aviez pas fourni une aide au suicide ?

II. DEMANDE D'INTERRUPTION DE LA VIE OU D'AIDE AU SUICIDE

7a. Quand le patient a-t-il demandé l'interruption de la vie ou l'aide au suicide ?

7b. Quand a-t-il réitéré cette demande ?

8. En présence de qui a-t-il fait cette demande ?

9a. Existe-t-il une déclaration écrite exprimant la volonté du patient ?

9b. Si oui, veuillez en indiquer la date et la joindre au rapport.

9c. Si non, dites pourquoi.

10. Y a-t-il des indications selon lesquelles le patient aurait formulé sa demande sous la pression ou sous l'influence d'autrui ?

11. Y a-t-il une raison de douter qu'au moment de la demande, le patient n'était pas pleinement conscient de la portée de sa demande et de son état physique ?

Remarque : Tout acte visant à interrompre la vie de patients dont les souffrances sont au premier chef d'origine psychique ou de patients dont la capacité à formuler une demande mûrement réfléchie a pu être affectée, par exemple par suite d'une dépression ou de l'apparition d'une démence, doit être signalé selon la procédure applicable aux cas d'interruption de vie sans demande. L'interruption de la vie de patients mineurs doit être pratiquée selon cette même procédure.

12a. L'interruption de la vie a-t-elle fait l'objet d'une concertation avec le personnel traitant ou soignant ?

12b. Si oui, avec qui et quelle était l'opinion de ces personnes ?

12c. Si non, pourquoi cette concertation n'a-t-elle pas eu lieu ?

13a. L'interruption de la vie a-t-elle fait l'objet d'une concertation avec des proches ?

13b. Si oui, avec qui et quelle était l'opinion de ces personnes ?

13c. Si non, pourquoi cette concertation n'a-t-elle pas eu lieu ?

III. CONSULTATION D'UN CONFRERE

14. Quel médecin ou quels médecins ont été consultés ?

15a. En quelle qualité ont-ils été consultés :

· médecin de famille

· spécialiste

· psychiatre

· autre (précisez)


15b. Ce médecin ou ces médecins faisaient-ils partie de l'équipe soignante ?

15c. Quelle est sa/leur relation avec vous ?

16a. Quand le ou les médecins consultés ont-ils vu le patient ?

16b. Si le ou les médecins consultés n'ont pas vu le patient, dites pourquoi.

17. Remarque : Veuillez joindre à votre rapport, le rapport écrit du ou des médecins consultés dans lequel ils expriment leur jugement quant au caractère insupportable et sans perspective des souffrances du patient et quant au caractère exprès et mûrement réfléchi de sa demande.

Si le ou les médecins consultés n'ont pas formulé leur jugement par écrit, quel est ce jugement ?

IV. MISE EN OEUVRE DE L'INTERRUPTION DE LA VIE SUR DEMANDE OU DE L'AIDE AU SUICIDE

18a. Y a-t-il eu :

interruption de la vie sur demande (dans l'affirmative, passez à la question 18b)

ou

aide au suicide ?

18b. Par qui l'interruption de la vie sur demande a-t-elle été effectivement pratiquée ?

19. Quels ont été les moyens et méthodes utilisés pour interrompre la vie ?

20. Des informations ont-elles été recueillies au préalable sur la méthode à appliquer et, dans l'affirmative, auprès de qui ?

21. Qui, en dehors de vous même, était présent lors de l'interruption de vie ?

V. AUTRE REMARQUES

22. Y a-t-il d'autres points que vous souhaitiez porter à la connaissance de la commission régionale de contrôle et qui n'ont pas été abordés dans le présent questionnaire ?

Date :

Nom :

Signature :

 

 

 

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Sondage réalisé en 2001 par la SOFRES pour l’ADMD

 

 

 

Question 1
En cas de maladie grave et incurable s'accompagnant d'une souffrance insurmontable, seriez-vous favorable ou opposé à ce que soit reconnu au malade le droit d'être aidé à mourir à sa demande ?

 

1987

1997

2001

·  favorable....................................................................................

85

84

86

·  opposé.......................................................................................

11

9

9

·  sans opinion..............................................................................

4

7

5

 

100%

100%

100%





Question 2
Qui, selon vous en cas d'aide active à mourir, devrait en priorité mettre en oeuvre les moyens de cette mort volontaire ?

 

1987

1997

2001

·  le malade lui-même.....................................................................

37

48

51

·  un de ses proches........................................................................

7

8

7

·  le médecin qui le soigne.............................................................

46

33

34

·  sans opinion..................................................................................

10

11

8

 

100%

100%

100%





Question 3
Pour un malade devenu incapable de manifester sa volonté mais qui aurait exprimé au préalable par écrit ou par mandataire son désir que l'on ne prolonge pas sa vie dans de telles conditions, que doit-on faire ?

 

1987

1997

2001

·  il faut respecter son désir de mourir comme il l'a demandé
  de façon libre et réfléchie...........................................................

79

82

88

·  on ne peut pas exécuter la volonté d'un malade qui n'est
  plus en mesure de confirmer son accord ...............................

15

11

7

·  sans opinion..................................................................................

6

7

5

 

100%

100%

100%





Question 4
Actuellement, les personnes qui ont aidé à sa demande expresse un malade atteint d'une maladie grave et incurable sont passibles de poursuites judiciaires*.
Personnellement, seriez-vous favorable ou opposé à ce que l'on modifie le code pénal pour mettre fin à ces risques de poursuites judiciaires ?

 

1987

1997

2001

·  favorable........................................................................................

76

82

77

·  opposé...........................................................................................

15

10

13

·  sans opinion.................................................................................

9

8

10

 

100%

100%

100%

* Dans les vagues précédentes, l'intitulé exact était:"Actuellement, les personnes qui ont aidé à mourir à sa demande uin malade atteint d'une maladie incurable s'accompagnant d'une souffrance insurmontable, sont passibles de poursuites judiciaires.

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AFP International
 International, jeudi 16 mai 2002
 

 La Belgique, deuxième pays au monde à légaliser partiellement l'euthanasie (PAPIER GENERAL)

 
 Philippe SIUBERSKI
 
 BRUXELLES (AFP) - Les députés belges ont adopté jeudi soir une loi faisant de la Belgique le deuxième pays au monde, après les Pays-Bas, à légaliser partiellement l'euthanasie, a constaté un journaliste de l'AFP. Le texte a été adopté par 86 voix pour, 51 voix contre et 10 abstentions, au terme de deux journées de débat. Après l'entrée en vigueur de la loi, d'ici environ trois mois, la pratique de l'euthanasie restera strictement encadrée. Pour éviter les abus, les pouvoirs publics belges devront en outre assurer le développement dans les hôpitaux du pays de programmes de "soins palliatifs". Le médecin qui procèdera à une euthanasie "ne commettra pas d'infraction", dès lors que son patient, affligé d'une "souffrance physique ou psychique constante et insupportable" des suites d'une "affection accidentelle ou pathologique incurable", "se trouve dans une situation médicale sans issue". Le praticien devra aussi s'assurer que le patient est "majeur et conscient", que sa demande est "formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée" et qu'elle "ne résulte pas d'une pression extérieure".
 Ce vote constituait la dernière étape d'un parcours législatif entamé en 1999, après l'arrivée au pouvoir d'une coalition "arc-en-ciel" (libérale, socialiste, écologiste) ayant rejeté pour la première fois en quarante ans dans l'opposition les partis chrétiens.
 Le sénateur libéral Philippe Monfils, l'un des initiateurs de la loi sur l'euthanasie, a estimé à l'issue du vote qu'il s'agissait d'une "victoire de la liberté et du respect de la dignité des patients". L'opposition sociale-chrétienne, qui avait présenté une centaine d'amendements, a voté sans surprise contre le texte.
 "Nous voulons des pouvoirs publics qui incitent à la solidarité entre les générations. Nous combattrons cette loi jusque devant la Cour européenne des droits de l'Homme", a dit à la tribune de la Chambre le chef de file des sociaux-chrétiens flamands, Tony Van Parys.
 Une loi sur les "soins palliatifs", adoptée également dans la soirée, impose aux pouvoirs publics de "garantir le droit pour chaque patient" à bénéficier de ces soins.
 L'objectif est d'éviter que des personnes défavorisées, isolées ou fragiles ne soient tentées d'en finir avec la vie pour des raisons économiques. Tout médecin répondant à une demande d'euthanasie devra informer le malade de l'existence de tels soins.
 Selon un sondage publié l'an passé par le quotidien catholique La Libre Belgique, 72% des Belges étaient favorables à la légalisation sous conditions de l'euthanasie. Jusqu'à ce jour, seuls les Pays-Bas avaient légalisé l'euthanasie, en avril 2001, dans des conditions comparables à celles adoptées en Belgique. En levant à son tour le tabou de la "mort douce", la Belgique illustre les disparités à l'égard de cette pratique en Europe. Le vote belge intervient moins d'une semaine après le décès dans la souffrance de Diane Pretty, une Britannique de 43 ans paralysée et incurable à qui les tribunaux du Royaume-Uni et la Cour européenne des droits de l'Homme ont refusé le droit de se faire aider par son mari pour mourir.
 
 

 

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La Croix
SOCIETE, mercredi 3 avril 2002, p. 4

 Aux Pays-Bas, l'euthanasie entre dans la loi. Reportage, de notre correspondante

 JONG Ariane De

 Objet de l'attention du monde entier, qualifiée de progressiste par les uns, d'abjecte par d'autres, la loi légalisant l'euthanasie adoptée par les Pays-Bas en avril 2001 est entrée officiellement en vigueur lundi. Les Pays-Bas sont ainsi devenus le premier pays au monde à reconnaître l'euthanasie comme un acte légal, à condition que certains « critères de minutie » aient été respectés.

 Ces critères stipulent que le patient doit être atteint de « souffrances insupportables et incurables ». Il doit également avoir formulé clairement son souhait de mettre fin à ses jours. Avant de procéder à l'acte, le médecin devra consulter au moins un autre de ses confrères au jugement indépendant. Chaque acte d'euthanasie devra ensuite être signalé à une commission composée d'un médecin, d'un spécialiste en éthique et d'un juriste, qui décidera si les critères de minutie ont été respectés. En cas de non-respect, le cas sera signalé à la justice.

 Cette loi, qui ne fait dans ses grandes lignes que légaliser une pratique déjà tolérée depuis 1997, bénéficie du soutien de la grande majorité des médecins néerlandais. Elle permet d'établir clairement les règles en matière d'euthanasie tout en établissant une sécurité légale pour les praticiens, expliquent des responsables du monde médical.

 La notion de « souffrances insupportables » reste imprécise

 Pour autant la nouvelle loi ne met pas un terme aux discussions sur la fin de vie. « Les médecins continueront de considérer l'euthanasie comme un acte difficile, que l'on pratique uniquement si l'on est convaincu intimement que rien d'autre ne peut être fait », affirme Dick Willems, un spécialiste des soins palliatifs à Amsterdam. « La discussion se poursuivra en permanence », confirme Ruud Hagenouw, président de l'Association royale de médecine (KNMG). La notion de « souffrances insupportables et incurables » occupe le centre des débats. « La définition de ces notions reste difficile à établir. Nous sommes toujours en recherche », ajoute Ruud Hagenouw.

 Une récente affaire devant la justice néerlandaise a posé la question de savoir si la « lassitude de vivre » pouvait constituer une souffrance insupportable. Dans un arrêt qui fera jurisprudence, la cour d'appel d'Amsterdam a finalement estimé le 6 décembre dernier que cette notion n'était pas couverte par la loi, les problèmes existentiels ne pouvant être considérés comme des souffrances médicalement diagnostiquées. Le médecin qui avait pratiqué une euthanasie sur l'ancien sénateur Edward Brongersma, « fatigué de vivre », a donc été condamné.

 

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Le Monde
Horizons - Débats, samedi 1 juin 2002, p. 18

 L'euthanasie est dépassée

 LA MARNE PAULA

 IMPOSSIBLE d'être philosophe et de continuer à se taire plus longtemps face au mouvement général d'apologie de l'euthanasie. A force de nous dire que l'euthanasie serait la mort « douce », on insinue beaucoup de choses : la médecine offrirait couramment en fin de vie ces tourments et tortures dont seule l'euthanasie pourrait nous délivrer et, surtout, la seule façon « douce » de mourir serait d'anticiper la mort.

 Quant à la dignité, loin d'être une valeur irréductible attachée à la personne, elle semblerait se réduire à la possession de moyens parfaits dont la défaillance signerait la dégradation de la personne humaine elle-même.

 Parler de douceur par l'euthanasie, c'est ignorer tous les progrès spectaculaires accomplis contre la douleur ces dernières décennies ; la levée progressive des préjugés, y compris médicaux, contre la morphine par exemple ; l'abandon, que l'on doit à Bernard Kouchner, du carnet à souches qui freinait la prescription des morphiniques ; l'obligation d'enseigner désormais le traitement antalgique pendant les études de médecine ; la banalisation et la diversification des traitements de la grande douleur.

 C'est ignorer, enfin, que, dans les cas de grandes souffrances persistantes, l'endormissement artificiel (dit sédation) et réversible (la personne peut être réveillée plus tard) est une méthode ultime, rare d'ailleurs, mais qui existe bel et bien.

 Sans cette volonté de poursuivre les soins de soulagement, nul progrès n'aurait été réalisé. Et pour avancer ainsi, il fallait voir, derrière les aléas et les attaques de la maladie, la permanence de la personne, sa dignité n'étant pas relative à son état.

 Alors pourquoi toute cette publicité faite à l'euthanasie, qui est, sur le plan médical et moral, pour peu que l'on soit informé, tout simplement dépassée ? En l'absence de savoir- faire et de médicaments appropriés, l'euthanasie pouvait épargner de terribles souffrances, mais on n'en est plus là !

 On ne peut qu'être choqué par la publicité faite à l'heure actuelle à cette vision pessimiste, voire dramatisante, qui est présentée du mourir à travers l'euthanasie. Comme si on était condamné à une terrible fin qui serait devenue un vaste problème de société ! Il n'y a rien d'étonnant à ce que les sondages soient si massivement favorables à l'euthanasie avec leurs questions habituelles sur « les souffrances insupportables » qui, à force d'être martelées, apparaissent comme une donnée évidente de la fin de la vie et entretiennent chez certains soignants le mépris à l'égard de la douleur, puisqu'on dispose de l'euthanasie.

 Et que dire de certains témoignages qui font frémir, venus de pays où le patient légalement euthanasié, ne parvenant pas à mourir, a dû être achevé, conscient, dans la précipitation, par le médecin rappelé à son chevet... La mort est toujours une surprise, y compris pour ceux qui croient aux plans douceur.

 Où est par ailleurs la « liberté » de mourir quand on ne fait que céder à l'horreur de la souffrance ? La vraie liberté du patient et le souci de sa dignité ne sont-ils pas plutôt du côté des traitements inventés par les soins palliatifs contre toutes les formes d'inconfort qui assaillent effectivement le grand malade ? C'est par des soins continus et attentifs aux besoins évolutifs du patient, sans verser dans l'acharnement thérapeutique, qu'on prouve à ce dernier qu'il demeure une personne à part entière.

 Puisqu'il reste tant à faire pour généraliser le traitement contre la douleur et pour que les soins palliatifs deviennent plus accessibles, pourquoi ne parle-t-on pas plus de ces aspects urgents et prioritaires ? Moins de la moitié des facultés de médecine ont mis en place l'enseignement sur la douleur exigé par la loi ! Trop de patients encore ne sont pas soulagés. Tant que les douleurs physiques et morales du mourant sont mal prises en compte, malgré les progrès, pourquoi ne pas cultiver l'espoir et le réalisme (soins palliatifs) plutôt que le défaitisme et la noirceur (euthanasie) ?

 Jusqu'ici, cependant, on se contentait de défendre l'euthanasie au nom de la liberté individuelle, même s'il n'y a malheureusement rien de libre à céder à la souffrance au point de vouloir la mort : « Si le patient le demande ! » Cette liberté tenait lieu de garde-fou face aux dérives possibles.

 Mais voici que les choses prennent une autre tournure et, avec la grâce des sondages, le soutien à peine déguisé des médias et même celui tout récent de M. Kouchner, on s'enhardit. Dans un vaste fourre-tout, alors que les problèmes ne sont pas les mêmes pour un comateux ou un sujet conscient, on nous dit qu'en réanimation on pratique massivement des euthanasies, ou encore que des médecins et des infirmières agissent ainsi, même à l'insu du patient conscient, par « compassion ». On tente donc de justifier toute forme d'euthanasie.

 On ne peut certes en vouloir aux partisans de l'euthanasie de chercher dans les faits de quoi nourrir leur argumentaire. Mais les choses deviennent alors plus graves. Car nous touchons là à ce qu'il faudra bien regarder comme l'un des plus gros scandales de notre société, connu de milliers de soignants, pratiqué dans la plus grande discrétion : le fait de précipiter la mort de malades incurables conscients, parce qu'on en a souverainement décidé ainsi entre soignants, sans l'avis du principal intéressé, par ailleurs laissé dans ses souffrances sans traitement sérieux plus souvent qu'on ne le croit.

 Qui viendra prendre la défense de tous ces patients abandonnés dans l'ombre ? Qui parlera au nom de ces malades que l'on a trahis, qui se sont éteints en donnant leur confiance à des gens dont le métier est de leur porter secours ? Qui effacera le souvenir des douleurs intenses de tel patient qu'on laisse souffrir, parfois des semaines, pour l'achever en quelques heures ? Qui soutiendra ces familles qui ont soupçonné quelque chose, et qui, faute de pouvoir prouver quoi que ce soit, ruminent leur amertume et leur remords en silence ? Qui protégera ces milliers de gens faibles et seuls, si exposés, si fragiles, livrés au pouvoir de décision des autres ? Et on voudrait faire passer ces pratiques pour des arguments supplémentaires au service de la grande cause de l'euthanasie ? Qui honorera le courage de ces soignants qui ont su dire non, inventer d'autres méthodes de prises en charge et qui se sentent incompris ?

 Rousseau disait que « force ne fait pas droit » : on ferait bien de cesser de croire que des pratiques peu avouables, sous prétexte qu'elles existent, sont nécessairement bonnes. On finit par se demander si l'on est en plein cauchemar, ou déjà dans le monde cynique que nous annonçait la science-fiction.

 A moins que la triste logique de tout cela ne se résume à ces mots d'un ami médecin : « Aujourd'hui, dans bien des décisions hospitalières, c'est l'économique qui l'emporte sur l'éthique. » Serait-ce la vraie cause, plus ou moins consciente, de tout ce vacarme sur l'euthanasie ? Cherche-t-on à masquer sous de beaux alibis philosophiques (l'autonomie, la dignité, etc.) des problèmes d'une tout autre nature ? Partiellement, voire partialement informés, sommes-nous conscients des vraies questions attachées à la mort médicalisée ?

 Note(s) :

 Paula La Marne, agrégée de philosophie, est attachée  au département d'enseignement et de recherche en éthique médicale de la faculté de médecine Henri Mondor de Créteil

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La Croix
MONDE, vendredi 17 mai 2002, p. 11

 La loi belge sur l'euthanasie est peu limitative. ETHIQUE. La Belgique, deuxième pays à légaliser l'euthanasie, a refusé de la cantonner aux malades en phase terminale. BRUXELLES, de notre correspondante.

 CALMES Nathalie

 «Visiblement, le débat est loin d'être épuisé », relevait hier un député belge alors que 27 de ses collègues demandaient à prendre une dernière fois la parole à la Chambre avant le vote final de la loi légalisant l'euthanasie en Belgique, qui devait intervenir hier soir. Et pourtant : il avait déjà fallu trente mois de travail parlementaire, des dizaines d'auditions et des milliers de pages de rapport avant que le projet de loi - qui fait du royaume le deuxième pays du monde, après les Pays-Bas, à autoriser sous conditions l'euthanasie - ne soit soumis à l'approbation définitive de l'Assemblée.

 Ce long chemin est à la mesure des questions soulevées par ce texte dans un pays à forte tradition catholique, mais aujourd'hui très laïcisé. La proposition de loi sur l'euthanasie, déposée en 1999 et adoptée largement par le Sénat à l'automne dernier, n'était pas la première à voir le jour en Belgique. Mais les précédentes tentatives avaient échoué en raison de l'opposition des sociaux-chrétiens, qui ont été membres pendant plusieurs décennies de tous les gouvernements. L'arrivée au pouvoir, il y a trois ans, d'une coalition libérale-socialiste-écologiste a changé la donne.

 En Belgique, d'après les nouvelles dispositions, un médecin ne commettra plus d'infraction s'il pratique une euthanasie, à condition de respecter des critères très précis. Le malade, majeur et conscient, doit se trouver « dans une situation médicale sans issue », faire état « d'une souffrance physique ou psychique constante ou insupportable », liée à « une affection accidentelle ou pathologique incurable ». Sa demande doit être « réfléchie et répétée ».

 La procédure est stricte et comporte de nombreux garde-fous, font valoir les artisans de cette loi, devenue à leurs yeux indispensable car des euthanasies étaient pratiquées régulièrement dans des conditions semi-clandestines et une grande insécurité juridique. « C'est la rencontre de deux libertés, celle du patient en droit de demander une euthanasie et celle du praticien en droit de ne pas la pratiquer », résume un député libéral. La nouvelle législation s'accompagne aussi d'une autre loi qui garantit à tous l'accès aux soins palliatifs.

 Les sondages ont montré que l'opinion en Belgique était largement favorable à une législation sur l'euthanasie, mais le corps médical reste divisé et la controverse a continué jusqu'au bout. A la chambre, l'opposition chrétienne-sociale a tenu à faire savoir une dernière fois qu'elle jugeait le texte « inacceptable » en l'état, notamment parce qu'il ne se limite pas aux malades en phase terminale. Ce reproche a d'ailleurs conduit certains députés de la majorité à choisir l'abstention. « Notre message, c'est non à l'euthanasie, sauf exceptions », ont répété les sociaux-chrétiens, tandis que sur les bancs adverses on les accusait « d'avoir bloqué pendant dix ans tout débat sur des sujets éthiques tels que celui-ci ».

 D'autres auraient souhaité que le projet de loi soit encore amélioré, en obligeant par exemple le médecin à envoyer son patient en consultation chez un spécialiste des soins palliatifs. Mais, aux yeux de ses adversaires, la majorité n'a pas voulu retarder l'adoption d'un texte phare, « même s'il est critiqué, y compris dans ses propres rangs, parce que les élections de 2003 approchent ».

 Nathalie CALMES

 Catégorie : Politique nationale et internationale
Sujet(s) uniforme(s) : Euthanasie et suicide assisté; Hôpitaux, soins hospitaliers et urgences; Religion, philosophie et éthique
Sujet(s) - La Croix : EUTHANASIE; LEGISLATION; ETHIQUE
Lieu(x) géographique(s) - La Croix : BELGIQUE
Taille : Moyen, 412 mots

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La Croix
SOCIETE, lundi 22 avril 2002, p. 10

 Suspicion d'euthanasies à Besançon. ETHIQUE. Des infirmiers du CHU de Besançon dénoncent les thérapies de « fin de vie » du service de réanimation chirurgicale.

 ROYER Solenn De

 Une enquête administrative a été ouverte au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon (Doubs) à la suite d'accusations lancées par des infirmiers à l'encontre des médecins du service de réanimation chirurgicale, dont ils dénoncent les thérapies de « fin de vie ». Les infirmiers ont même évoqué des cas d'euthanasie.

 La Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) et l'Agence régionale d'hospitalisation (ARH) ont transmis fin mars un premier rapport au procureur de la République de Besançon. Ce dernier, Jean-Pierre Nahon, alerté sur des « dysfonctionnements » au CHU, a indiqué avoir ordonné vendredi l'ouverture d'une enquête préliminaire, laquelle a été confiée au SRPJ (Service régional de police judiciaire) de Dijon. Le service concerné devrait être réorganisé.

 La professeur Annie Boillot, chef du service mis en cause, parle d'« insinuations calomnieuses colportées par quelques agitateurs au sein de l'hôpital ». De son côté, l'hôpital affirme que les ratios de morbidité et de mortalité au sein du service, qui comprend une quinzaine de lits, sont tout à fait habituels.

 La direction du CHU de Besançon, jointe hier par téléphone, ne souhaitait pas s'exprimer sur ce sujet. De leur côté, les infirmiers ont choisi de ne pas faire de commentaires, dans l'attente des résultats de l'enquête.

 Pour le docteur Régis Aubry, chef du service de soins palliatifs au CHU de Besançon, les accusations lancées à l'encontre des médecins du service de réanimation doivent être appréhendées avec beaucoup de prudence. « Tous les services de réanimation sont confrontés de façon cruciale à la question de la mort », explique-t-il. Et il faut éviter la confusion entre l'euthanasie - c'est-à-dire la mort donnée intentionnellement et activement - et l'arrêt de soins devenus inutiles, qui peut entraîner la mort. « Quand la vie d'une personne ne tient plus qu'avec le secours d'une machine, poursuit le docteur Aubry, la décision d'arrêter la machine n'est pas illégale. Elle doit être prise dans le calme et la sérénité, en concertation avec les soignants, les médecins et la famille du patient. Ce n'est pas de l'euthanasie, pratique qui tombe sous le coup de la loi en France. »

 Le conflit qui touche le service de réanimation du CHU de Besançon témoigne selon ce responsable médical d'« un déficit de communication » entre les soignants et les médecins et de « la souffrance d'un service confronté tous les jours à la mort ». Il semble en effet que le climat qui règne dans le service de réanimation chirurgicale soit mauvais, « passionnel », voire « délétère », selon le témoignage de plusieurs médecins de l'hôpital. Il se serait détérioré depuis trois ans avec le changement de l'équipe médicale à la tête du service.

 L'enquête administrative en cours va être complétée par la visite d'anesthésistes réanimateurs extérieurs au CHU, qui seront chargés d'expertiser le fonctionnement de l'hôpital. La réanimation chirurgicale, où travaillent cinq médecins dont le chef de service ainsi qu'une quarantaine d'infirmiers, continue de fonctionner. Mais le service devrait être réorganisé.

 Solenn de ROYER



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