Le test de la tâche de Gordon Gallup
Dans un
numéro spécial de " Pour la Science " : " L'intelligence
", N° 254, Décembre 1998, G. Gallup publie un article où
il expose très clairement les expériences qu'ils a menées
sur le chimpanzés et les conclusions, qui d'après lui, s'imposent
: il n'hésite pas à affirmer :
" Les chimpanzés et les orangs-outans sont conscients de leur propre
existence : face à leur image dans un miroir, la plupart des animaux
réagissent comme s'ils rencontraient l'un de leur semblables, mais les
chimpanzés et les orangs-outans, comme, bien sûr, les humains apprennent
que le reflet du miroir est une représentation d'eux mêmes. En
outre, les animaux conscients de leur propre existence attribuent des intentions
et des émotions à leurs congénères ou à des
individus d'autres espèces. "
Il s'appuie sur les tests suivants :
Dès 1969, Gordon Gallup a décrit des réactions
de reconnaissance de soi chez les chimpanzés face au miroir, après
quelques jours de confrontation : toilettage, inspection des zones du corps
invisibles sans le miroir, comme la bouche ou la zone anogénitale. On
parle alors de " comportements autodirigés ".
Dans un second temps, G. Gallup a donc fait subir à ces chimpanzés
le " test de la tâche " : on anesthésie l'animal et on
le marque de deux tâches rouges, une sur l'arcade sourcilière,
l'autre sur la moitié supérieure de l'oreille opposée.
En l'absence de miroir, le chimpanzé ignore ces tâches. Mais lorsqu'on
place une glace dans la cage, il les examine avec une très grande attention,
les observe de près et utilise le reflet pour les explorer et les frotter
avec sa main. Parfois, il flaire ses doigts après avoir touché
une tâche. Par ailleurs, les chimpanzés qui n'ont pas été
préalablement habitués au miroir se comportent comme s'ils rencontraient
un autre chimpanzé et ne se préoccupent pas des marques rouges.
G. Gallup a interprété cet ensemble de réactions comme
la première démonstration de l'existence de la reconnaissance
de soi chez une espèce non humaine. Pour lui, cette conscience de soi
est cruciale, car elle est la porte ouverte à la pensée élaborée
:
" Lorsque j'ai mis au point le premier test de reconnaissance de soi, il
y a près de 30 ans, j'ai utilisé ma propre expérience et
mon imagination pour prévoir quelle serait la réaction des chimpanzés
qui s'observeraient dans un miroir. Si, comme je le pense, la capacité
de se concevoir d'abord soi-même est ce qui rend possible la conscience
et la pensée, alors nous devrons transformer la célèbre
phrase de Descartes en : "Je suis, donc je pense." "
Depuis, il a effectué de nombreux autres tests,
sur différentes espèces :
" Nous avons fait subir le même test à de nombreux autres
animaux, notamment des primates, des éléphants, des oiseaux et
des dauphins. Seuls les chimpanzés, les orangs-outans et les humains
recherchent sur eux-mêmes les taches colorées qu'ils voient dans
le miroir. Avec d'autres tests de psychologie cognitive, par exemple des tris
ou des classements d'objets, les différences de performance entre les
espèces sont plus progressives et dépendent de la complexité
du test, pas de sa nature. Pourquoi le test du miroir est-il si particulier
? "
Gallup classe donc clairement les animaux en deux groupes : les chimpanzés,
les orangs-outans et les humains d'une part, les autres d'autre part, les premiers
conscients d'eux mêmes, les autres non, en se basant sur le test du miroir.
De plus, Gallup est persuadé qu'il y a une corrélation forte entre
la conscience de soi dans un miroir et la capacité à l'empathie.
Il essaie de le démontrer dans la
suite de son article.
Remarques et réactions
La réaction de Povinelli :
Povinelli concède cette faculté : "
Les chimpanzés qui se voient dans un miroir ont des comportements qui
révèlent que ces animaux ont conscience de leur propre existence.
Cette capacité n'est partagée que par l'espèce humaine
et par quelques espèces de grands singes. "
Mais Povinelli quant à lui nie
formellement qu'on puisse associer aussi facilement ces deux facultés.
Capacités des autres espèces et fiabilité des tests de
Gallup
D'autres études mettent pourtant en évidence les signes d'une
conscience de soi chez le dauphin, à partir de tests du miroir. Il
y a également le cas troublant de Koko
(lien le cas de Koko) qui amène à revoir l'affirmation selon laquelle
" les gorilles n'ont pas conscience d'eux mêmes ". Vauclair,
en réaction aux articles de Gallup et Povinelli dans ce fameux "
Pour la Science ", le fait d'ailleurs remarquer : " notons que Gallup
comme Povinelli omettent les travaux de Francine Pattreson et Ronald Cohn, de
la Gorilla Foundation, qui ont montré que les gorilles, comme les autres
anthropoïdes, reconnaissent leur images dans un miroir ", en évoquant
explicitement le cas de Koko.