1) Les études inter-populations
Stewart Truswell de l'Université de Sidney a comparé
une population africaine vivant de cueillette et de chasse et une population
urbaine typique londonienne. Presque sans exception et quel que soit
l'äge des individus, les populations non industrialisées des cinq continents
ne connaissent pas l'hypertension. Cela suggère fortement que ce sont
des facteurs environnementaux liés à l'industrialisation qui sont responsables
de l'augmentation de la pression artérielle avec l'âge.
Les études de migration de populations vont aussi dans
ce sens. Neil Poulter ( Ecole de Médecine University College de Londres),
par exemple, a suivi les 2500 membres de la tribu Luo sur les bords
du lac Victoria au Kenya. Aucune hypertension n'y a jamais été détectée.
En revanche, pendant les deux ans de son étude, ce chercheur a observé
une élévation progressive de la pression artérielle diastolique parmi
les 310 membres de cette tribu qui ont migré vers la capitale Nairobi.
Une étude particulièrement révélatrice de Lot Page,
du Centre médical des vétérans à Manchester, décrit six populations
des îles Solomon ayant un mode de vie de type rural et peu ou pas de
contact avec la société industrielle. Une seule se caractérise par une
alimentation riche en sodium, de l'ordre de 4,5 g par jour, car elle
prépare sa nourriture avec de l'eau saumâtre d'origine marine. C'est
aussi la seule population dans laquelle l'incidence de l'hypertension
n'est pas négligeable.
Un autre exemple vient de certaines populations rurales
du Nord du Japon. En raison, là encore, d'habitudes alimentaires trés
particulières, elles consommaient de 8 à 18 g de sodium par jour. Et
comme l'a montré Naosuke Sasaki de l'Ecole de Medecine de Hirosaki,
l'incidence de l'hypertension y était supérieure de 60% à celle observée
en France ou aux Etats-Unis. De même, les décès par infractus du myocarde
et accidents vasculaires cérébraux y battaient des records.
Ces résultats ont amené les chercheurs à postuler intuitivement
un argument darwinien en faveur de la réduction sodée: les humains évoluaient
dans un environnement pauvre en sel, dans lequel ont survécu ceux qui
étaient les mieux adaptés à la rétention de sel. Cette caractéristique
aurait été préservée alors que nous vivons à présent dans un environnement
où les apports sodés sont importants. Dans cette logique, les apports
appropriés en sel seraient ceux des sociétés primitives- quelques grammes
par jour - tandis que touts les sociétés industrialisées qui en consomment
davantage payent cet excès sous forme d'accidents cardio-vasculaires
et cérébraux.
Toutes ces études semblent aller dans le sens
d'une relation causale entre le sel et l'hypertension.
2) Les études inta-population
Les études intra-population comparent les apports sodés
et la pression artérielle dans un groupe de population- les hommes de
Chicago par exemple- et invariablement ne montraient aucune
relation entre consommation de sel et pression artérielle.
Parmi ces études inta-population négatives, on peut trouver une étude
sur plus de 20000 Américains, conduite par le Centre National de Santé
dans les années 80.
En 1984, l'épidémiologiste Tunstall-Pedoe et ses collègues
du Ninewells Hospital de Dundee, en Ecosse. Les chercheurs ont utilisé
des questionnaires, unexamen physique et des recueils urinaires des
24 heures pour établir les facteurs de risque de maladie cardiovasculaires
chez 7300 écossais de sexe masculin. Cette étude était bien plus vaste
que toutes celles déjà faites. Le BMJ publia ces résultats en 1988:
le sodium n'avait aucun effet.
1) Remise en cause des résultats des études
interpopulations.
Les études d'observation sont certainement les moins
correctes d'un point de vue scientifique, et les épidémiologistes leur
accordent aujourd'hui peu de crédit. Le défaut potentiel des études
d'observation est toujours l'existence de variables autres que celle
testée, qui peuvent différer entre les 2 populations et expliquer l'effet
mesuré.Les populations qui consomment peu de sel par exemple consomment
aussi moins de calories et mangent davantage de fruits et légumes et
de produits laitiers; elles sont aussi plus actives, les gens sont plus
minces, consomment moins d'alcool... et sont enfin moins industrialisés.
Chacune de ces différences ou une certaine combinatoire de ces différences
pourrait être à responsable d'une pression artérielle faible. Les indigènes
ont aussi tendances à mourir plus jeunes de maladies infectieuses ou
traumatiques, note Epstein, alors que dans les sociétés industrialisées
on vit suffisamment longtemps pour mourir d'une affectation cardiovasculaire.
2) Remise en cause des résultats des études
intrapopulation
- difficultés des mesures
Il est trés difficile de savoir dans les études intrapopulation
comment mesurer précisément la pression artérielle moyenne - qui varie
de façon importante d'un jour à l'autre - ou encore comment mesurer
les apports sodés moyens qui varient tout au long de la vie. "
il faut au moins 5 à 10 mesures de sodium dans l'urine, effectuées des
jours différents pour mesurer les apports habituels " indique Daan
Kromhout, épidémiologiste en nutrition à l'Institut National de la Santé
publique et de l'Environnement aux Pays-Bas.
Pour les chercheurs acquis à la cause de la relation
sel-pression artérielle, ces problèmes de mesure servent à expliquer
pourquoi les étiudes intrapopulations seraient incapables de voir une
association même si elle existait . Simplement, l'association sel-pression
artérielle, même si elle était forte,pourrait être rendue inapparente
par les erreurs de mesure. De plus, toute étude suffisamment vaste pour
avoir une puissance statistique permettant de dépasser le risque d'erreur
aurait un coût prohibitif.
- impossibilité pour une telle
étude de prouver un lien entre 2 facteurs
Au début des années 80, Geoffrey Rose,épidémologiste
à la London School of Tropical Medecine and Hygiène avançait une autre
hypothèse pour expliquer pourquoi les études intrapopulation pourraient
ne pas détecter les bénéfices de la réduction sodée. Rose spéculait
que si l'ensemble de la population du monde consommait trop de sel aucune
étude épidémiologique ne pourrait jamais trouver le lien entre sel et
hypertension quel que soit sa force. Imaginez ecrivait-il, que chacun
fume un paquet de cigarettes par jour; toute étude intrapopulation nous
amènerait à conclure que le cancer du poumon est une maladie génétique...
car si chacun est exposé à l'argent causal, alors la distribution des
cas est entièrement déterminée par une susceptibilité individuelle."
Ainsi, comme pour le sel et la pression artérielle, " les indices
devraient provenir des différences entre populations ou de modifications
au sein d'une population au cours du temps". Selon cette même logique,
la réduction modérée des apports sodés alimentaires n'aurait que peu
d'effets à l'échelon individuel- tout comme passer de 20 à 19 cigarettes
par jour- mais aurait un impact majeur sur la mortalité à l'échelle
d'une population entière.
1) L'étude Intersalt
L'étude Intersalt sous la direction de Stamler et Elliott
a comparé plus de 10000 hommes et femmes appartenant à 52 populations
réparties dans 32 pays.
Intersalt devait devenir létude la plus influente et
la plus controversée dans le débat sur le sel. Intersalt était spécifiquement
dessinée pour résoudre les contradictions entre les études écologiques
et les études intrapopulation. Elle devait comparer pression artérielle
et consommation sodée (mesurée par recueil urinaire des 24 heures) dans
52 communautés à travers le monde, allant des apports sodés les plus
modestes aux plus élevés ; 200 individus étaient randomisés dans
chaque communauté : 50% dhommes, 50% de femmes, et 50 personnes
pour chaque décennie entre 20 et 60 ans. Au total, Intersalt devait
être « 52 petites études intrapopulation identiques combinées au
sein dune vaste et unique étude écologique ».
Après plusieurs années de travail pour environ 150 chercheurs,
les résultats furent publiés en 1988 dans le BMJ
à quelques pages
des résultats de létude SHHS. Intersalt avait échoué à confirmer
lhypothèse dune relation linéaire entre apports sodés et
pression artérielle. Sur les 52 populations, 4 étaient -comme les Yanomamo-
des communautés primitives, ayant une pression artérielle basse et des
apports sodés inférieurs à 3,5 g par jour ; elles étaient aussi
différentes pour pratiquement toutes les autres variables des 48 communautés
provenant de pays industrialisés, qui avait une pression artérielle
plus élevée. Les 48 populations industrialisés nadmettaient pas
de relation entre apports sodés et pression artérielle. Les populations
ayant les apports sodés les plus forts, par exemple celle de Tianjin
en Chine (14 g par jour) avaient une pression artérielle moyenne de
119/70 mmHg, tandis que celles qui avaient les apports sodés les plus
bas (une population Afro américaine de Chicago, avec 6 g/j) avaient
une pression artérielle moyenne de 119/76 mmHg. Seul le poids corporels
et la consommation dalcool étaient corrélés à la pression artérielle
dans cette comparaison.
Les chercheurs de létude Intersalt dérivèrent tout
de même deux corrélations positives entre sel et pression artérielle.
Mais les observations ont fait l'objet d'interprétations
discordantes.
2) La controverse
John Swales écrivit dans léditorial du BMJ accompagnant
larticle que les bénéfices potentiels, sils existaient,
était si minces « quil ny avait pas de quoi amener
les nutritionnistes sur les barricades (à lexception peut-être
de ceux qui y étaient déjà). » Aujourdhui, la majorité des
chercheurs interviewés par Science, dont des membres dIntersalt
comme Daan Kromhout et Lennart Hansson, interprètent cette étude comme
négative : « elle na pas montré que la pression artérielle
monte si vous mangez beaucoup de sel. »
Stamler et dautres leaders de létude Intersalt
étaient en profond désaccord avec cette interprétation. Lorsque les
résultats furent publiés, Stamler les décrivait comme « abondants,
riches, et une confirmation précise » de la relation sodium-pression
artérielle, permettant de recommander une « réduction des apports
sodés à 6 g pour tout le monde ». Selon ce point de vue, la découverte
dintérêt était la corrélation entre la consommation de sel et
laugmentation de pression artérielle avec lâge.
Hugo Kestelhoot, de létude Intersalt, épidémiologiste
à lUniversité catholique de Louvain en Belgique, pense quil
sagissait là « des résultats les plus intéressants »
et « confirmatoires ». Les officiels du NHBPEP et du NHLBI
étaient en phase avec cette interprétation. En 1993, le rapport du NHBPEP
sur la prévention primaire de lhypertension citait létude
Intersalt comme confirmant la « forte relation positive »
entre consommation sodée et pression artérielle rapportée par Dahl en
1972, ce que précisément elle ne faisait pas
Cutler, du NHLBI,
décrit encore ces résultats comme « extrêmement positifs ».
Les critiques notaient cependant que cette association entre
apports sodés et augmentation de la pression artérielle avec lâge,
si parlante pour Stamler et ses collègues, ne faisait pas partie des
hypothèses de départ de létude Intersalt, notamment lors de la
description méthodologique publiée alors que létude débutait.
Ce type danalyse post hoc donne habituellement des résultats
péjorativement qualifiés de « résultats de repêchage ». En
pareille situation, les chercheurs ne testent plus lhypothèse,
ainsi que la méthodologie scientifique le prévoyait, mais trouvent les
hypothèses en adéquation avec les résultats obtenus. Cela ne veut pas
dire que les hypothèses sont fausses mais indique simplement quelles
nont pas été correctement testées.
Comme létude Intersalt nétait pas dessinée pour
tester un lien entre sel et augmentation de la pression artérielle avec
lâge, explique Bill Harlan du NIH, lassociation démontrée
pourrait aussi bien être interprétée comme une interférence : « si
vous la considérez comme une hypothèse spécifique, vous devez mettre
en place une étude différente », en incorporant par exemple un
éventail dâge plus large et un échantillon de chaque population
plus vaste. David Freedman, statisticien à Berkeley, dit les choses
de façon plus abrupte : pour lui la conclusion quant au sel et
à laugmentation de la pression artérielle avec lâge ressemble
à « quelque chose quils ont rafistolé quant les analyses
initiales nallaient pas dans le bon sens ».
Les organisateurs de létude Intersalt reconnaissent
que tester lhypothèse dune association entre sel et augmentation
de la pression artérielle avec lâge navait pas été proposé,
mais envisagé « On ne la pas écrit par omission. Bêtement, »
indique Paul Eliott, épidémiologiste au London College School of Medicine.
Pour Alan Dyer de lUniversité Northwestern et biostatisticien
dIntersalt, « Ca fait partie de ces choses qui nont
pas été écrites ». Stamler ajoute que la proposition avait été
enregistrée lors dune réunion et lors dune publication précoce,
et que les accusations de « résultats de repêchage », totalement
fausses, devraient être rétractées.
Loin de clore le débat sur le sel, Intersalt a donc fourni
des résultats ambigus et des interprétations contradictoires. Mais il
ne sagissait là que du premier round.
En 1993, après que le NHBPEP eut cité Intersalt pour recommander
une réduction universelle des apports sodés, le Salt Institute,
organisation des producteurs de sel basée à Washington, entreprit dobtenir
les données brutes de létude Intersalt. Le directeur de linstitut,
Richard Hanneman, indiqua quil voulait examiner lassociation
entre apports sodés et augmentation de la pression artérielle avec lâge.
Lui-même, ainsi que les consultants payés 3.000 dollars par an
- du Salt Institute (McCarron, Suzanne Oparil, cardiologue
à lUniversité dAlabama; Alexander Logan, épidémiologiste
à lUniversité de Toronto, et le nutritionniste Judith Stern) furent
étonnés par des données à priori contradictoires. Si les apports de
sel les plus élevés étaient associés à une plus forte augmentation de
la pression artérielle avec lâge, pensaient-ils, alors les centres
où les apports sodés étaient élevés devaient avoir des pressions artérielles
moyennes plus élevées aussi, ce qui nétait pas le cas. La seule
façon pour les centres où les apports sodés étaient élevés davoir
une pression artérielle moyenne comparable aux autres, comme le reportait
létude Intersalt, était davoir une pression artérielle relativement
basse chez les jeunes. Ces résultats - la pression artérielle des sujets
âgés de 20 à 29 ans -, qui auraient permis de vérifier indépendamment
les hypothèses avancées, nont pourtant pas été publiés par Intersalt.
Hanneman na pu avoir accès aux données brutes dIntersalt,
mais a obtenu suffisamment dinformations pour publier un article
en mai 1996, dans un numéro du BMJ consacré à cette étude. Hanneman
souhaitait avoir la confirmation que dans les centres Intersalt avec
apports sodés élevés, les patients les plus jeunes avaient des pressions
artérielles systoliques plus basses. Les éditoriaux accompagnant cet
article, tous écrits par des partisans de la réduction sodée, rejetaient
durement cette analyse. Malcolm Law par exemple, décrivait lidée
de Hanneman comme « une hypothèse bizarre » et un exemple
de « la force avec laquelle la groupe commercial entend protéger
son marché lorsquon présente des preuves qui nuisent à ses intérêts. »
Cependant aucun des commentateurs nenvisageait de répondre aux
contradictions apparentes dIntersalt. Dautres chercheurs
ayant lu ces articles - le collaborateur dIntersalt Friedrich
Luft, néphrologue à lUniversité Humbolt de Berlin, et Freedman,
à la demande de Science- notaient des faiblesses dans la réanalyse
de Hanneman, mais saccordaient sur le fait que les résultats dIntersalt
semblaient inexplicables.
Ce point de désaccord devait toutefois passer au second
plan, du fait de la controverse brûlante alimentée par un autre article
dans la même revue : la réanalyse par le groupe Intersalt de ses propos
résultat. Sous le titre de « Intersalt revisité », Stamler
et coll. soulevaient un problème potentiel lors de la publication initiale
: ils auraient en effet pu sous-estimer lexistence réelle dune
association entre sel et pression artérielle.
Leur réanalyse impliquait un champ très controversé de lépidémiologie,
connu sous le nom de biais de régression par dilution. Le problème est
que si une association entre deux variables - telles que le sel et la
pression artérielle - est vraie, toute erreur dans la mesure de lune
ou lautre des variables modifiera la cause apparente, et les effets.
Dans ce cas, les recueils urinaires des 24 heures et une simple mesure
de pression artérielle nétant pas forcément le reflet de moyennes
sur le long terme, lanalyse Intersalt aurait pu sous-estimer la
véritable force de leffet du sel sur la pression artérielle. « Si
[lassociation] est réelle, » dit Elliot, « elle
est biaisée vers la non significativité, et vous devrez accepter que
la réalité est certainement plus importante que ce qui est mesuré. »
Des techniques statistiques peuvent être utilisées pour corriger cette
erreur et ramener lassociation de 2 variables à sa puissance réelle.
Linconvénient, bien entendu, est que de telles corrections peuvent
aussi majorer une association fausse.
Stamler et collaborateurs, certains de la réalité de lassociation
sel - pression artérielle, réajustaient donc leurs estimations de 1988
en fonction de lexistence dun biais de dilution par régression.
Avec quelques corrections supplémentaires, le bénéfice apparent de la
réduction sodée semblant incertain en 1988 devenait « fort est
positif » en 1996. Réduire la consommation de sel à 6 g/j, concluaient-ils
à présent, permettrait de réduire la pression artérielle de 4,3/1,8
mmHg, soit un bénéfice 3 fois plus important que ce qui avait été évalué
initialement. « A présent les résultats sont clairs » écrivait
Law. « toutes les analyses Intersalt confirment que le sel est
un déterminant important de la pression artérielle. »
Mais les résultats nétaient pas clairs. Les éditeurs
du BMJ avaient initialement sollicité un commentaire pour accompagner
la ré-analyse Intersalt à deux épidémiologistes (George Harvey Smith
de lUniversité de Bristol et Andrew Phillips du Royal Fee Hospital
de Londres) ; leurs critiques à légard de la ré-analyse Intersalt
fut si sévère que les éditeurs se sentirent obligés de révéler leur
contenu aux auteurs dIntersalt avant la publication. Selon léditeur
du BMJ Richard Smith, Stamler et coll. sopposèrent avec
une telle véhémence à ces commentaires que le BMJ accepta de
les publier de façon dissociée de larticle, six semaines plus
tard.
Comme Davey Smith lexpliquait à Science, ces
commentaires avaient identifié de nombreux problèmes dans larticle
« Intersalt revisité », allant des « erreurs mathématiques
basiques » aux fait de baser les corrections statistiques sur des
assertions non prouvées par les données initiales. Par exemple, pour
corriger le biais de régression par dilution, Stamler et coll. partaient
du principe que les modifications des apports sodés et de la pression
artérielle chez chaque individu étaient indépendantes les unes des autres
sur des périodes séparées de plusieurs semaines. Mais si la pression
artérielle et les apports sodés fluctuaient ensemble, alors, selon Davey
Smith et Phillips, « la correction aboutirait à une exagération
inappropriée ». Smith et Phillips citaient des études montrant
que la pression artérielle et les apports sodés étaient associés à court
terme et faisaient remarquer que « lhypothèse à tester elle-même
- apports sodés ... liés à la pression artérielle - pourrait prédire
ces associations. »
Dans leur réponse, publiée dans le même numéro de la revue,
Stamler et coll. justifiaient leur correction par « labondance
de preuves - seule base pour juger dans ce domaine - qui permet
de conclure que cette association est causale. » et de citer le
« groupe indépendant experts, nationaux et internationaux, »
qui avait conclu que les apports sodés usuels étaient un facteur causal
de lhypertension artérielle, sans pour autant mentionner que ces
groupes mêmes basaient leurs conclusions sur les résultats de létude
Intersalt 1988. Stamler et coll. énuméraient aussi 7 raisons pour lesquelles
les résultat originaux dIntersalt étaient « probablement
sous-estimés », mais omettaient de mentionner le risque de surestimation.
« cétait embarrassant à lire, » reconnaît Jamie Robins
(épidémiologiste à Harvard), en décrivant largumentaire dIntersalt
comme « complexe, bizarre, un véritable plaidoyer ».
Commentaires et réponses sous forme de lettres suivirent
dans le numéro du mois daoût du BMJ. A présent Davey Smith
et Phillips étaient rejoints dans leurs critiques d « Intersalt
revisité » par une demi-douzaine dautres chercheurs, dont
Nick Day, chef du département du bureau statistique du British MRC à
Oxford. « Dès que vous commencez à faire des corrections importantes
à vos résultats initiaux, » explique Day, « les gens deviennent
suspicieux. »
Day décrit le problème dIntersalt revisité bien au-delà
de la controverse du sel : Stamler et coll., comme de nombreux épidémiologistes,
sont partis du principe quils pouvaient corriger les incertitudes
sous-jacentes à leur données avec des méthodes statistiques
»Cela
ne marche pas
Il y aura toujours des incertitudes concernant ces
corrections, et si elles mènent à une différence notable avec les résultats
initiaux, lensemble paraîtra douteux. La correction statistique
des incertitudes ne permet pas de transformer le plomb en or. »
Ces critiques sont réfutées par Stamler et la plupart des
co-auteurs dIntersalt revisité, mais pas tous. Michael Marmot,
par exemple, épidémiologiste à lUniversité de Londres et signataire
dIntersalt revisité, indiquait à Science, que rétrospectivement,
cette réanalyse des résultats nétait pas enthousiasmante. « Quelquun
qui verrait les choses de lextérieur, » dit-il, « pourrait
bien penser que les corrections étaient faites pour une seule raison,
qui était daugmenter limportance de lassociation. »
3) Schéma récapitulatif
