Prospective


Lisbonne, 24 Mai 2007

Mariann Fischer Boel, devant le Comité d’Agriculture du Parlement Portugais, a annoncé les modifications qu’elle souhaite inclure dans le projet de réforme qui devrait voir le jour, sous sa forme définitive, le 4 juillet de cette année. Elle a tout d’abord réaffirmé son souhait de supprimer les aides à la distillation. « Honnêtement, ces aides sont une voie sans issue. Cela n’a rien fait pour encourager la compétitivité ou pour construire une industrie du vin durable – c’est même l’opposé qui s’est produit. […]Cela encourage la production de vins qui n’ont pas d’acheteurs. Et c’est 500 millions d’euros par an qui sont versés pour financer ces mesures. »

La commissaire danoise s’est ensuite prononcée sur la suppression des droits de plantation en rappelant que ceux-ci sont prévus d’expirer dans tous les cas en 2010 – selon le Conseil de Régulation. « Ils n’a jamais été prévu que ces droits deviennent des outils permanents de politique. Mais nous pensons désormais qu’il serait préférable de les garder en place pendant quelques années encore afin de permettre la mise en place, en premier lieu, d’ajustements structurels. Par conséquent, nous considérons abolir les droits de plantation en 2013 plutôt qu’en 2010.» Mariann Fischer Boel pense qu’au moment de la suppression des droits, les producteurs les plus compétitifs seront libres de produire plus mais que l’activité sera régulée par la demande du marché puisque l’on sera sortis de la situation actuelle et de ses aides aux producteurs.
En clair, l’idée de la Commission est de découpler dans le temps arrachage et droits de plantation afin d’éviter ce que certains dénonçaient, à savoir le message contradictoire qui inciterait à planter alors que l’on essaie de réduire les volumes de production en arrachant.

La deuxième annonce qui marque le discours donné à Lisbonne et celle de la volonté d’augmenter les primes d’arrachage définitif ainsi que la permission donnée aux Etats Membres de renchérir sur les primes. Même si le montant de la somme n’a pas été annoncé, on retrouve ici encore la controverse sur le montant de la prime. De plus, le programme d’une durée prévue de cinq ans devrait être concentré sur les deux premières années, avec sans doute à la clef des primes plus importantes au début de la période.
Autre carte de la commissaire pour séduire les professionnels, l'éligibilité du vignoble au système des aides directes de la politique agricole commune (PAC). Au même titre que les céréaliers, que les producteurs de lait ou les éleveurs, il n'y a pas de raison, estime la Commission, de ne pas offrir aux viticulteurs la possibilité de toucher ces subsides. A condition, bien sûr, qu'ils respectent un certain nombre de critères environnementaux.

Mais surtout on retiendra l’annonce de la Commission de baisser la superficie de vignes à arracher à 200 000 hectares. Ce changement majeur pose de nombreuses interrogations déjà soulevées lors de la première estimation quant à la superficie optimale à arracher. En réduisant la superficie Bruxelles estime-t-elle qu’il y a encore de la place sur le marché pour les 200 000 hectares épargnés, ou alors pense-t-elle que c’est un premier pas vers un arrachage plus important qui se fera plus naturellement par la suite ? Cependant cette annonce peut être à rapprocher avec celle nouvelle de mettre en place une structure plus claire et surveillée pour suivre l’arrachage, mais surtout le dernier point du discours : « Durant ces derniers mois, j’ai vu et entendu le besoin de plus de fonds pour promouvoir les vins européens à l’étranger. Les commentaires sur ces points ont été exprimés haut et fort. D’un côté, j’ai à dire que je pense que le secteur lui-même doit fournir des efforts sur ce point. Mais ces efforts pourraient certainement bénéficier de plus de subventions européennes, et je pense débloquer une importante somme pour la promotion du vin. »

Mais la commissaire sait que ce sujet est délicat et ne compte pas aller à contre-courant de la politique de lutte contre l'abus d'alcool. Elle devrait limiter les campagnes publicitaires aux pays situés hors de la Communauté européenne. A l'intérieur de l'Union, des campagnes d'information sur les indications géographiques et sur la consommation modérée et responsable d'alcool pourraient être menées. En revanche, que ce soit sur les mécanismes de gestion des marchés ou sur les critères de qualité du vin, Mme Fischer Boel est résolue à balayer les règles actuelles, comme elle l'avait indiqué en juin 2006. A ses yeux, la libéralisation des pratiques œnologiques et de l'étiquetage doit permettre aux vins européens de contrer les vins du Nouveau Monde sur les marchés émergents tels que la Chine. Et la fin de la distillation des surplus de vin dégager des marges de manœuvre importantes pour le budget de Bruxelles.

 

On remarquera que tous les points controversés, à l’exception de la suppression des distillations, ont été remaniés, repensés ou tout au moins abordés dans cette annonce qui définit les enjeux plus ou moins définitifs qui composeront le projet final. La surface à arracher, le montant des primes, le marketing, l’avenir des terres, tout semble avoir été revu et la Commission montre bien qu’elle a écouté ces derniers mois ce que les professionnels du milieu avaient à dire. On ne peut cependant pas encore mesurer l’importance de ces changements puisque on ne dispose pas encore d’une nouvelle proposition de projet, mais on peut s’attendre avec grande certitude à ce qu’un nouveau projet filtre rapidement de la Commission de manière à évaluer les dernières réactions avant de proposer le projet final le 4 juillet.
Mais les remarques et contestations n’ont pas attendu pour se faire entendre. Certains jugent le texte quasi-définitif « inacceptable » et font remarquer que le seul point à avoir réellement changé est la surface d’arrachage définitif au niveau européen. Peu de détails ont été précisés sur ce qui sera réellement fait pour appuyer la filière et de nombreux syndicats affirment que le niveau des aides ne sera pas suffisant puisqu’il dépendra en partie du programme de Développement rural de chaque pays, et en l’occurrence le programme français a récemment été déposé jusqu’en 2013 et ne devrait pas évoluer. Les financements attendus en termes de moyens d’investissement sur les outils de transformation et de commercialisation sont jugés insuffisants : « Il n’y a pas une politique de filière c’est pourquoi la réforme est un échec », dit Joël Castany, chargé des questions européennes à la CCVF.
Mariann Fischer Boel devrait se rendre à Montpellier le 22 juin et rencontrer les responsables professionnels, mais nombreux sont ceux qui pensent que les dés sont jetés et la commissaire ne devrait pas avoir de mal à compter, au Conseil, sur une majorité qualifiée favorable au projet. Joël Castany appelle pourtant à « stopper cette réforme ». Les coopérations demande donc aux pouvoirs publics français, malgré la période de transition du pouvoir consécutive aux élections présidentielles, de « prendre leur responsabilités » et de se positionner pour que le Conseil n’adopte pas cette réforme en l’état.

 

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