Accueil | Historique | Législation | Acteurs | Exemples | Et ailleurs ? |
L'Office Européen des Brevets (ou OEB) a été créé en 1977 avec l'application de la Convention Européenne sur la délivrance de brevets européens (ou Convention de Munich), signée par plusieurs pays européens à l'issue d'une conférence sur l'uniformisation des législations dans ce domaine.
Ses rôles relativement aux brevets dans les pays européens sont les suivants : recueillir et examiner les demandes de dépôts de brevets effectuer des recherches d'antériorité afin de savoir si un prevet couvre bien une invention nouvelle juger du fait que l'invention pour laquelle un brevet a été demandé satisfait aux critères énoncés par la Convention de Munich à propos de la brevetabilité examiner les recours et oppositions éventuelles déposés dans un délai relativement bref après que la demande de dépôt de brevet ait été effectuée d'enregistrer effectivement le brevet s'il a été accordé.
Par deux de ces rôles l'OEB intervient en pratique pour juger de ce qu'est une invention, par son pouvoir d'interpréter le texte de la Convention. En effet, par l'examen de la brevetabilité et des recours sur la validité du brevet il est chargé de définir pour chaque demande si l'objet sur lequel porte le nouveau brevet est ou non une invention. Dans le compte rendu d'une décision rendue par sa Chambre de Recours, l'OEB affirme qu'une méthode impliquant des moyens techniques est une invention, posant ainsi la question sous un angle plus précis : quels objets impliquent des moyens techniques ?
On peut en effet s'interroger sur le cas du logiciel. Afin de clarifier la situation et d'uniformiser ses pratiques, l'OEB a publié un document au cours de ces dernières années sur ce qu'il appelle les "inventions mises en oeuvre par ordinateur".
Dans cet écrit, l'OEB confirme que les programmes d'ordinateurs ne sont, selon la Convention de Munich aujourd'hui en vigueur, pas brevetables ; mais que cependant des inventions "mises en oeuvre par ordinateur", qu'il définit comme des inventions fonctionnant en utilisant un ordinateur, un réseau informatique ou d'autres machines programmables et qui possèdent des fonctionnalités mettant en oeuvre des programmes informatiques tout en respectant les critères classiques de brevetabilité peuvent se voir couvertes par des brevets.
Il rappelle ainsi que son objectif est de délivrer des brevets sur des solutions techniques, conformément à la conception classique du brevet. Une telle invention doit pouvoir apporter une contribution au-delà des intéractions ordinaires entre logiciel et matériel.
Deux exemples sont pris pour illustrer ces positions. Tout d'abord, un brevet sur un système d'enchères par Internet serait refusé car il ne ferait qu'usage de moyens et réseaux informatiques conventionnels, n'apportant ainsi qu'une innovation commerciale et non technique. D'autre part, un brevet sur un logiciel permettant d'accroître la qualité de signal entre un téléphone mobile et son relai pourrait être accordé car l'innovation technique serait dans ce cas bien réelle.
L'OEB tient explicitement à se distinguer de l'Office des Brevets des États-Unis d'Amérique, qui selon sa propre jurisprudence accorde des brevets sur des logiciels n'apportant pas de contribution technique au sens strict, comme justement les méthodes commerciales en ligne.
Cependant il est intéressant de constater que le document de l'OEB sur les inventions mises en oeuvre par ordinateur affirme qu'il refuserait un brevet sur un système d'enchères par Internet ; en effet, la société Hitachi a bien déposé un brevet européen sur une telle invention. Dans un premier temps, cette demande portant sur une "Methode d'Enchères Automatique" a été refusée au motif qu'elle couvrait une méthode commerciale et non une invention technique, puis accordée par la Technical Board of Appeal de l'OEB qui a écrit dans le compte-rendu de sa décision que l'objet comprenait clairement des composantes techniques, puisqu'il faisait mention d'un serveur et de clients informatiques ainsi que d'un réseau. Le fait que l'OEB ait considéré que les intéractions classiques entre ces composants ne constitue pas une contribution technique est balayé par le fait qu'il ne doit pas être nécessaire d'avoir une connaissance de l'état de l'art dans le domaine concerné pour juger du caractère technique d'une invention.
Cette décision semble donc bien montrer qu'il existe des divergences de vues et de pratiques au sein même de l'OEB que sa communication ne révélait pas à première vue. En réaction à des attaques d'associations sur son interprétation jugée trop large du caractère technique des inventions, l'OEB a appelé à de nouvelles lois de clarification sur la brevetabilité ; il a cependant aux yeux de beaucoup outrepassé son rôle en faisant ainsi pression sur le législateur et en allant même jusqu'à financer des campagnes de lobbying en ce sens.