Les OGM
1) Qu’est-ce qu’un OGM ?
Tout organisme vivant est sujet à des modifications naturelles de son patrimoine génétique, c’est le principe même de l’évolution des espèces. On considère qu’environ le tiers des espèces végétales a évolué à partir d’hybrides naturels qui ne sont pas forcément stériles, contrairement aux hybrides animaux comme le mulet. Un organisme génétiquement modifié végétale (OGM) est un organisme dont le matériel génétique a été modifié par la technique de transgénèse végétale ou bien par l’annulation de la fonctionnalité d’un gène de l’organisme (annihilation d’un gène). L’annihilation consiste à rajouter une séquence (=ATTA par exemple) qui a pour effet de dérégler le gène et donc d’annuler sa fonctionnalité. La transgénèse végétale est née de la volonté des biologistes moléculaires de dépasser le stade de l’exploration des gènes et de parvenir à les manipuler. Le but, qui définit aussi la technique, est d’insérer dans le patrimoine héréditaire d’un organisme un gène supplémentaire (appelé transgène) conférant une nouvelle caractéristique. L’histoire de la transgénèse végétale a débuté en 1973 avec celle des micro-organismes lorsque la bactérie Escherichia coli a été génétiquement modifiée pour la première fois et a ainsi indiqué les principes de bases de toute transgénèse. Pour les plantes, le premier organisme génétiquement modifié a été un tabac résistant à un antibiotique.
2) Comment obtenir un OGM ?
L’étape préliminaire à l’obtention d’une plante transgénique est l’isolement du gène que l’on souhaite transférer. Ce gène est extrait puis purifié avant d’être intégré dans une construction moléculaire constituée de trois éléments : le promoteur qui est une séquence placée en amont du gène et qui est nécessaire à la transcription du gène ; le gène en question que l’on nomme « gène d’intérêt » ; un site de terminaison, séquence positionnée en aval et au niveau de laquelle la transcription de l’ARN* est stoppée. Il s’agit maintenant d’introduire l’ADN recombinant dans le génome de la cellule que l’on désire transformer. Il faut utiliser une grande quantité d’ADN, ce qui nécessite un clonage préalable pour disposer de nombreuses copies identiques d’un fragment de gène. On se sert pour cela de petites molécules d’ADN circulaires, les plasmides, qui se trouvent chez plusieurs bactéries hors de leur chromosome. Ces boucles sont ouvertes grâce aux enzymes de restriction*, tandis que les ligases* collent le fragment génomique à multiplier. Les plasmides sont réintroduits dans les bactéries et on tire alors parti d’une qualité fondamentale des micro-organismes unicellulaires* qui est de se diviser à une fréquence élevée. Comme à chaque division, l’ADN des bactéries s’est répliquée et donc la séquence portée par le plasmide a été copiée autant de fois.
Lorsque la construction génique est clonée, son introduction dans le génome de la cellule végétale devient accessible à l’aide de deux méthodes principales :
-Le transfert biologique ou indirect : ce procédé met en œuvre un processus naturel d’infection bactérienne. Il s’agit en fait de provoquer une tumeur chez la plante, grâce à une bactérie : l’Agrobacterium tumefaciens. Ces micro-organismes font produire à la cellule qu’ils infectent des molécules nutritives, les opines, essentielles à leur croissance. La faculté d’Agrobacterium de faire pénétrer un fragment d’ADN dans les cellules infectées est utilisable pour créer des plantes transgéniques.
-Le transfert mécanique ou direct : la transformation direct a lieu grâce à des techniques physico-chimiques et consiste en l’introduction dans le génome de la plante de la construction génique véhiculée. La technique la plus courante est l’utilisation d’un canon à gènes qui assure le transfert. Parmi toutes les cellules végétales soumises à ce traitement, seule une minorité va intégrer spontanément les transgènes dans le génome.
Les succès de l’ensemble des opérations de transgénèse est conditionné par le fait de pouvoir reconnaître , au milieu de toutes les cellules végétales que l’on a exposées à la transformation, celles qui ont effectivement intégré le transgène (utilisation de marqueur), ainsi que la capacité de régénérer des plantes entières (culture in vitro).
Les cellules transformées se développent d’abord en cals, larges amas de cellules indifférenciées, et après quelques semaines, on observe des pousses que l’on installe dans un nouveau milieu de culture autorisant la croissance des racines. Lorsque les racines ont une taille suffisante, les plantules sont repiquées en pot et acclimatées en serre.
Les espèces concernées : Liste des produits OGM commercialisés en Europe
3) Les applications potentielles :
Les apports des biotechnologies dans la connaissance des patrimoines génétiques : Grâce à la génomique (ou étude de l’ensemble des gènes qui composent le patrimoine génétique d’un espèce) et au séquençage, les scientifiques bénéficient d’une masse immense de données sous forme de génomes complets et incomplets. L’intercomparaison de génomes présentant des similitudes est une bonne approche pour accroître les connaissances sur la fonctionnalité des gènes.
Ainsi, la génomique garde son intérêt en ce sens qu’elle favorise l’approfondissement des savoirs relatifs au domaine complexe de la génétique.
Les plantes transgéniques en agriculture :
Le vœu initial de l’amélioration génétique des plantes cultivées est l’optimisation agronomique sous ses multiples aspects. C’est la poursuite des progrès accomplis dans la sélection des espèces et des pratiques culturales, tout en effaçant les aspects négatifs de l’intensification (impact environnemental). Plusieurs voies sont actuellement explorées dans cette direction.
La résistance des plantes aux insectes :
Diverses méthodes de technologie génétique permettent de transférer aux plantes une propriété de résistance aux insectes. Une seule à ce jour a atteint le stade de l’exploitation commerciale : elle consiste à transférer un gène de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt) qui code pour une protéine insecticide. Le maïs a ainsi fait l’objet de modification génétique en vue de résister à son ravageur principale : la pyrale. Les chenilles de ce petit papillon s’attaquent aux parties aériennes du maïs, se nourrissent de la plant et l’affaiblissent. Les larves progressent depuis la face intérieure des feuilles, où les oeufs ont été pondus, jusqu’au bas de la tige où elles vont hiverner. Les galeries creusées par cette migration perturbent la circulation de la sève et favorisent la pénétration de micro-organismes pathogènes dont certains champignons produisant des toxines dangereuses pour les consommateurs humains et animaux.
La lutte à base de produits chimiques est efficace avant la pénétration des larves dans la tige, ce qui se fait sur une période très courte. Outre le coût élevé des traitements, la manutention et la pulvérisation d’insecticides constitue l’une des activités les plus risquées de l’exploitation agricole moderne et ces produits entraînent des perturbations profondes au niveau des écosystèmes agricoles.
Une réduction des épandages d’insecticides laisse donc à présager d’énormes avantages environnementaux et des bénéfices potentiels pour la santé humaine.
La tolérance des plantes aux herbicides :
Les « mauvaises herbes » sont indésirables dans les cultures car elles détournent à leur profit une partie des nutriments et de l’eau du sol. Le rendement de la plante cultivée est de ce fait diminué. Les agriculteurs ont donc recours à des herbicides dont il existe près d’une centaine de types dotés de spécificités plus ou moins large. Les deux herbicides les plus connus sont le Round up et le Basta. Des variétés de grandes cultures capables de tolérer des herbicides totaux ont été créés par transgénèse, avec pour objectif invoqué de remplacer les traitements traditionnels par des molécules au profit environnemental plus favorable puisque les herbicides totaux sont généralement considérés comme peu nocifs pour l’environnement. Les techniques de transfert de gènes issus de bactéries remplient cette objectif et ont été testées sur de nombreuses espèces végétales (soja, maïs, betterave, laitue, melon, pomme de terre, blé, colza, tournesol,…).
La résistance des plantes aux maladies :
Divers agents pathogènes comme les virus, les champignons ou les bactéries sont en mesure d’occasionner des maladies chez les plantes avec des incidences plus ou moins graves sur les rendements. La lutte contre les maladies virales est sans doute la plus problématique puisqu’on ne détient aucun traitement préventif ou curatif contre elles.
L’adaptation des plantes à des conditions climatiques extrêmes :
Ce domaine d’application fait encore partie des perspectives car à l’inverse des caractères modifiés précédents qui étaient monogéniques., il s’agit ici de fonctions biologiques complexes, polygéniques et pour lesquelles les transformations paraissent moins faciles. Si l’identification des molécules impliquées dans la tolérance des plantes cultivées aux nombreux stress de leur environnement (froid, chaleur, sécheresse), est déjà effective, la connaissance des gènes en cause et surtout les résultats de leur transfert, n’ont pas encore abouti.
Les recherches entreprises se vouent à la création de plantes plus résistantes au gel, à la sécheresse, capables de se développer dans les sols salinisés. Une autre percée de la recherche a récemment fait état de la possibilité de cultiver du soja dans les sols inondés à cause d’une pluviométrie importante (caractéristique climatique).
La modification du système de reproduction : la stérilité mâle.
Beaucoup de végétaux peuvent s’autoféconder, leurs fleurs étant le siège de la reproduction sexuée à partir de laquelle se forme la graine contenue dans le fruit. Sans l’aide de la transgénèse les sélectionneurs ont déjà orienté certaines espèces vers une pollinisation croisée alors que ce n’était pas leur mode naturelle de reproduction.
La stérilité mâle correspond à l’absence d’émission de pollen fertile. Elle peut résulter d’une opération de transgénèse. Les gènes ajoutés fonctionnent comme des interrupteurs biologiques car ils déclenchent la production d’une protéine qui bloque le fonctionnement des gènes responsables de la formation du pollen.
Les plantes transgéniques et l’alimentation :
La conservation des produits :
C’est l’aspect pour lequel les recherches sont les plus avancées. La première plante transgénique à finalité alimentaire commercialisée a été la tomate à maturation prolongée vendue en 1994 par la firme californienne Calgene. En Europe, la première commercialisation fut celle de la tomate déliquescence retardée créée par ZENECA pour s’adapter aux besoins de la conserverie. Dans ces deux fruits, la synthèse de l’enzyme polyganacturonase a été empêchée en bloquant l’expression de son gène. Cette enzyme est impliquée dans la dégradation des parois cellulaires et joue donc un rôle dans la maturation (ramollissement). D’autres fruits sont la cible d’un contrôle de leur maturation car la maîtrise du processus de ramollissement revêt une grande importance commerciale et peut parallèlement avoir une influence positive sur la saveur.
Les plantes transgéniques et les applications médicales :
Les projets d’application ne manquent pas la non plus, notamment dans un secteur d’application situé à la frontière entre les médicaments et les produits alimentaires et qui correspond à la création d’« alicaments ».
Les alicaments :
La consommation de ces produits est censée guérir ou prévenir certaines infections. Ils sont caractérisés par la présence d’additifs supposés améliorer le fonctionnement de l’organisme humain par leurs propriétés spécifiques. Il peut s’agir de micro-nutriments présents naturellement dans certains aliments et pour lesquels, une action bénéfique ayant été démontrée, on essaie d’augmenter la teneur. Ainsi en va-t-il des antioxydants (minéraux, vitamines, pigments végétaux).
La production de molécules thérapeutiques par les plantes :
Les protéines humaines purifiées employées pour des applications médicales ont déjà bénéficié du génie génétique. Leur obtention depuis des sources telles que le sang, le placenta ou d’autres tissus humains étant limitée et de surcroît risquée, la technologie de l’ADN recombinée a été d’un grand secours pour les produire avec des bactéries ou des levures. Les protéines recombinées issues de la fermentation à grande échelle des organismes unicellulaires, sont actuellement commercialisées (cas de l’insuline, de l’interféron*, de l’hormone de croissance). Dans ce cas là, il est important de noter que ce que les malades consomment n’est absolument pas l’OGM en lui-même (la bactérie), mais bien la protéine. La bactérie n’est qu’un outil pour fabriquer le produit.
Les applications industrielles de la transgénèse :
Beaucoup de secteurs industriels peuvent tirer profit de la transgénèse. Par exemple, lamodification de la qualité de l’amidon dans le but de le rendre le plus proche possible des caractéristiques requises pour ses applications industrielles, contribue à une réduction de la consommation d’énergie (élimination de traitements intermédiaires) et à celle des déchets (diminution de la pollution).
Le colza est une des cibles les plus intéressantes et la majorité des projets le concerne. On peut citer le colza producteur de palme pour la confection de savons et de détergents ; la colza destinés à la production de biocarburants et plus généralement à des huiles industrielles variées ; du colza pour la fabrication de lubrifiants, de matière plastique et de films.
L’agro-foresterie :
Longtemps limitée par les contraintes de l’amélioration conventionnelle, cette industrie compte sur les biotechnologies. Les travaux sont principalement orientés vers l’augmentation du taux de croissance des arbres, la modification de la structure du bois, la modification du cycle de reproduction , la tolérance à certains herbicides et la résistance à des insectes. Une tentative vise même à faire absorber plus de gaz carbonique aux arbres. On pourrait également assister à l’émergence de végétaux transgéniques spécialement dédiés à la dépollution. Extraction, transport, détoxication, seraient les trois étapes au travers desquelles les plantes deviendraient des dépollueurs de métaux lourds, du mercure, de l’arsenic et du cadmium en particulier.