Une critique essentiellement fondée sur la méthode

La plupart des détracteurs d’Aubrey de Grey lui reprochent d’être vague dans l’analyse des causes du vieillissement et dans la description des thérapies envisagées. Ainsi Nuland lui juge sa terminologie floue, tandis que Preston W. Estep l’accuse de raisonnements simplistes. Selon Estep, le projet SENS trahit une compréhension trop superficielle des phénomènes biologiques. Cependant, Aubrey de Grey riposte que cette apparente simplicité constitue l’originalité même de sa démarche. En effet, il revendique une approche nouvelle, de type ingénieur : au lieu de considérer le problème du vieillissement dans sa complexité, il le décompose, en isolant les facteurs pathologiques et en les traitant séparément.

De plus, Aubrey de Grey est avant tout un théoricien, et à l’heure actuelle, peu d’expériences ont été menées dans le cadre du projet SENS. Preston W.Estep interprète cette absence de confirmation expérimentale comme un manque de rigueur, voire de la mauvaise foi. Le jury du challenge lancé par le MIT Technology Review préfère y voir une phase normale dans l’évolution d’une théorie. Pour eux, le projet en est encore au stade des hypothèses, il convient donc de réserver son jugement et d’attendre les résultats expérimentaux.

Pour élaborer ses théories sans support expérimental, Aubrey de Grey s’appuie sur les travaux d’autres chercheurs, et multiplie les références. Là encore, Preston W.Estep l’accuse de manquer de rigueur, voire de détourner le travail de ses confrères. Par exemple, dans un article sur les mutations de l’ADN, il se réfère à plusieurs reprises à un article du biogérontologue Dolle et son équipe, paru en 2002 dans la publication Mechanisms of Ageing and Development pour en tirer une conclusion opposée à la leur.

Enfin, tous ses détracteur reprochent à De Grey de spéculer sur les progrès de la science. Nuland le dit trop optimiste, Olshansky dénonce les exagérations et les fausses promesses, et Estep souligne la naïveté du propos.

Les critiques méthodologiques se font parfois violentes. L’équipe d’Estep affirme que SENS relève de la pseudoscience, c’est-à-dire qu’il revêt l’apparence d’une théorie scientifique tout en bafouant les règles élémentaires de la méthode. Jason Pontin, rédacteur en chef du Technology Review, va plus loin, qualifiant le projet de science-fiction.