Aubrey de Grey est un scientifique anglais né en 1963 à Londres.
Après des études scientifiques à l'université de Cambridge, il obtient en 1985 un « bachelor of arts » en informatique et est embauché en tant qu'ingénieur informaticien par une compagnie anglaise. Il travaille ensuite, toujours en tant qu'informaticien, pour le département de recherche en génétique de Cambridge. En 1999 il publie The Mitochondrial Free Radical Theory of Aging, livre dans lequel il expose les bases d'une théorie très controversée: selon lui, le vieillissement cellulaire, dont il affirme avoir trouvé les sept uniques causes, peut être combattu comme n'importe quelle autre maladie, et ainsi en développant les remèdes appropriés on pourrait étendre l'espérance de vie humaine jusqu'à plusieurs milliers d'années!
Grâce à ce livre il obtient en 2000 un PHD à Cambridge, et se lance dans un projet baptisé S.E.N.S. ( pour Strategies for Engineered Negligible Senescence) dont le but est de développer une méthode pour combattre efficacement les sept causes du vieillissement, en finançant par des levées de fond des équipes de recherches spécialisées. Il créé aussi en 2003 la fondation Mathusalem, qui récompense les chercheurs ayant réussi à maintenir en vie une souris pendant un temps record, afin d'encourager l'exploration de toute technique concrète d'accroissement de l'espérance de vie.
Grey gagne peu à peu en notoriété, mais c'est en 2005 qu'il commence à se faire vraiment connaître du grand public: après avoir publié un article critiquant les théories d'Aubrey de Grey sans justification, le MIT Technology Review annonce qu'il accordera un prix de 20 000$ à qui prouvera scientifiquement que le projet SENS est inutile et les théories de Grey inexactes. A ce jour, personne n'a encore remporté le prix.
Cette controverse va permettre à Grey de gagner le devant de la scène. Toujours en quête de financement pour la fondation Mathusalem et le projet SENS, Grey participe à de nombreux colloques au sujet du vieillissement humain, et publie de nombreux articles dans des revues scientifiques afin de faire connaître ses thèses. Il publie également des articles dans Rejuvenation Research, revue qu'il a créé et dont il est le rédacteur en chef. Les interviews qu'il a accordé et les reportages à son sujet contribuent aussi à le rendre célèbre sur internet, ou ses supporters, souvent membres de la communauté des transhumanistes, sont très actifs.
Il publie en 2007 un deuxième ouvrage intitulé Ending Aging ou il décrit en détail le projet S.E.N.S. , les avancées scientifiques qu'il connait ainsi que les conséquences sociales qu'il pourrait entrainer.
Pour Aubrey de Grey, la célébrité est vitale: en effet ses projets sont quasiment uniquement financés par des dons émanant de particuliers. Il lui faut donc absolument se faire connaître, à la fois du grand public, mais aussi de la communauté scientifique dont le soutien de certains de ses membres joue pour beaucoup dans la crédibilité d'Aubrey de Grey auprès du grand public qui ne peut comprendre ses théories très complexes.
Auprès du grand public: les sites internet du projet S.E.N.S. et de la fondation Mathusalem mettent fortement en avant leur besoin de subvention. Cette dernière a d'ailleurs récemment créé un « club des 300 » appelé à regrouper les 300 plus généreux donateurs, qui auront la possibilité de discuter avec Aubrey de Grey ainsi qu'avec d'autres scientifiques influents tels Ray Kurzweil. Certains donateurs célèbres contribuent aussi à asseoir sa crédibilité. En savoir plus sur les soutiens financiers d'Aubrey de Grey.
A plus petite échelle de nombreuses vidéos d'interview ou de prise de parole d'Aubrey de Grey lors de colloques circulent sur internet (plus de 310 sur youtube), avec des titre accrocheurs comme «la quête de l'immortalité ». De nombreuses chaines télévisées ont consacré un reportage ou même un documentaire entier sur le « phénomène Aubrey de Grey » (comme par exemple la chaine Arte en 2008), reportages qui sont ensuite relayés sur internet. Aubrey est aussi présent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, My Space,...). Même si il semble peu privilégier ces derniers, il a quand même réussi à collecter plus de 3000 euros pour la cause facebook « fight aging » qu'il a créé.
Auprès de la communauté scientifique:
Ses publications: Un coup d'oeil sur les différentes publications d'Aubrey de Grey peut donner le vertige. En effet celui-ci a publié des articles au sujet de sa théorie dans près d'une cinquantaine de revues spécialisées dans le domaine de la biologie et la biochimie (on trouve des dizaines de pages de liens à son sujet sur googlescholar, et quelque 72 articles publiés par lui sur pubmed). Ceci lui confère un double avantage: d'une part il acquiert de la notoriété en écrivant dans des journaux influents (par exemple European journal of biochemistry, gerontology, EMBO report) et d'autre part cela contribue à faire connaître ses thèses auprès de la communauté scientifique.
D'un autre côté Grey publie, de manière plus régulière, dans de plus petits journaux consacrés essentiellement à la lutte anti-vieillissement (comme experimental gerontology et journal of anti-aging medicine) où il semble plutôt essayer d'assoir sa notoriété en tant que fer de lance du mouvement de combat contre le vieillissement.
Enfin Grey publie régulièrement dans son propre journal, rejuvenation research, bi-mensuel créé en 2003 et qui connait un certain succès: le classement effectué à l'aide de « l'impact factor », indice calculé sur la base du nombre d'articles d'un journal scientifique cité par les autres journaux, le place en 2007 à la 130ème position des journaux scientifiques les plus influents, ce qui correspond à la 20ème position dans la catégorie biologie-biochimie, et à la première position dans la catégorie gérontologie.
Les colloques: Aubrey participe à de nombreux colloques, lorsque ce n'est pas lui-même qui les organise: il a par exemple participé à un congrès à Montréal en 2005 sur la «Révolution numérique et transformation du secteur de la santé : Quelques exemples québécois». Il a organisé en 2003 un congrès à Cambridge où sont intervenus Karine Nizard et Bertrand Friguet, travaillant au laboratoire de Biologie et Biochimie du vieillissement de Paris 6. Il organise à nouveau un congres à Cambridge, du 3 au 7 septembre 2009. Des conférences auront lieu autour du projet SENS : il s’agit d’une série de congrès ayant pour thème ce projet, celui-ci en sera la quatrième occurrence. Ces colloques sont un bon moyen pour lui de toucher le grand public ainsi que d'intéresser des membres de la communauté scientifique.
Mal habillé, mal peigné, avec une barbe digne de Mathusalem, Aubrey de Grey n'est pas un modèle d'élégance; dans l'article qui est à la source de la controverse du MIT review, Sherwin Nuland n'hésite pas à critiquer fortement cet accoutrement: pas de place dans l'éminente communauté des biogérontologues pour cet informaticien velu et ignare.
Pour autant, le style relaché à l'extrême de Grey dessert-il sa crédibilité? Pas si sûr! Au contraire, le côté prophétique de ses théories se marie bien avec son style, ce qui contribue à en faire un personnage très charismatique. Dans les sites internet du S.E.N.S. Et de la fondation Mathusalem, ainsi que dans ses interviews, Grey insiste à la fois sur la prodigieuse opportunité que la possibilité d'extension de la durée de vie représente, ainsi que sur la rapidité avec laquelle les progrès pourraient être effectué si les subventions sont suffisantes. N'hésitant pas à affirmer que l'homme immortel est peut-être déjà né, et intitulant ses ouvrages end aging, Grey cherche manifestement à surprendre et à capter l'attention. Son apparence extérieure amplifie la profondeur du personnage, tout en le rendant attractif auprès des médias de masse comme internet, la télévision ou les journaux. Courier international a d'ailleurs consacré un numéro entier à Aubrey de Grey, intitulé « Cet homme veut vous rendre immortel ».
Aubrey de Grey misant beaucoup sur la communication et le dialogue pour convaincre les futurs donateurs,il est de plus important pour lui de paraître aux yeux du grand public quelqu'un de proche et compréhensif, et non un éminent scientifique; cet apparence négligée joue alors en sa faveur. Néanmoins, a mesure qu'il gagne en notoriété et se voit de plus en plus médiatisé, il devient logiquement moins accessible au dialogue, comme nous l'affirme la directrice du département recherche de Dior, Karine Nizard.
Enfin, alors que certains lui reprochent son parcours atypique (il a commencé en tant qu'ingénieur informaticien, et a obtenu son PHD en biologie par une procédure spéciale, due à son livre et non à des études de doctorant) lui affirme au contraire que c'est son point de vue d'ingénieur qui lui a permis de synthétiser les découvertes en biogérontologie et de proposer les solutions adéquates: «[I want to] expedite the development of truly effective therapies to postpone and treat human aging by tackling it as an engineering problem: not seeking elusive and probably illusory magic bullets, but instead enumerating the accumulating molecular and cellular changes that eventually kill us and identifying ways to repair - to reverse - those changes, rather than merely to slow down their further accumulation»(traduction : faciliter le développement de thérapies qui fonctionnent véritablement afin de retarder et soigner le vieillissement en considérant le problème avec le point de vue d'un ingénieur: au lieu de rechercher des « solutions miracles » introuvables et probablement illusoires, considérer une à une les mutations molléculaires et cellulaires qui s'accumulent et provoquent finalement notre mort, et identifier les moyens de réparer, ou d'inverser, ces mutations, plutôt que de se contenter de ralentir leur accumulation). Là encore, il cultive sa singularité comme un atout.