Les récidivistes



Le terme de récidive est très ambigu, car la loi ne donne pas un sens aussi large à "récidiviste" que l'opinion populaire. En effet, on ne qualifiera pas de viol avec récidive légale un viol suivi d'une agression sexuelle, deux agressions sexuelles consécutives. De même, la récidive désigne toujours un acte qui survient après une condamnation. Si le criminel commet plusieurs viols avant d'être condamné, il ne sera pas considéré comme un récidiviste. Ces particularités faussent nécessairement les chiffres que nous fournit le ministère de la Justice.
Les récidivistes ont une position très partagée en ce qui concerne la castration chimique. Une grande partie d'entre eux la considère comme la solution au problème qui les touche quand certains ne veulent pas en entendre parler.
La première partie d'entre eux ont un problème psychologique vis-à-vis de la castration. Sans être toujours informés des particularités du traitement chimique, ils sentent qu'il peut s'agir d'une atteinte à leur virilité. Il s'agit de l'angoisse de la castration, qui est un concept fondamental de la psychanalyse.
La majorité des criminels considèrent que leur place n'est pas en prison, mais qu'il doivent recevoir un traitement adéquat. Certains même, comme Francis Evrard, demandent à subir une castration physique, comme cela se fait dans d'autres pays du monde.

Un exemple très médiatisé: Francis Evrard. « je demande à pouvoir être libéré de mes pulsions »
Le 15 août 2007, alors qu'il venait d'être libéré de la prison de Caen après y avoir passé 18 ans de réclusion pour le viol de deux petits garçons, il avait enlevé le petit Enis, 5 ans, en début d'après-midi à Roubaix et lui avait fait subir des violences sexuelles dans un garage.
En octobre 2009, il a demandé par courrier au Président de la République, M. Sarkozy, de bénéficier d'une castration physique, demande qui a aussitôt relancé le débat autours de la prévention de la récidive. La castration physique est interdite en France mais elle est appliquée ailleurs. Sur ce sujet, Michel Alliot-Marie a été interpellée par les propos tenus par le récidiviste dans sa lettre: «je sais que je suis dangereux, je ne veux pas l'être et je demande à pouvoir être libéré de mes pulsions».  Pour la ministre la question de castration physique peut se poser et être débattue, y compris au Parlement.

Jacques Corneau, un cas canadien
Jusqu’à présent, les chercheurs canadiens du Groupe de recherche sur les agressions sexuelles (Gras) orientaient surtout leurs travaux sur les liens entre le passage à l'acte de l'agresseur sexuel et les troubles de sa personnalité, nés de sa petite enfance. Cette doctrine, mondialement reconnue, est mise à mal dans ce pays, particulièrement en pointe en matière de lutte contre la délinquance sexuelle : un pédophile récidiviste a relancé une polémique en affirmant, pour l'avoir subie lui-même, que la castration chirurgicale est la seule porte de sortie pour les pédocriminels.
Les thérapies psychanalytiques et le suivi social après la sortie de prison n'auraient, selon lui, aucune efficacité. « Je suis pédophile. On ne peut pas changer ça. Ce n'est pas avec une thérapie ou quelque chose comme ça que tu peux changer une orientation sexuelle. Ça ne change pas », a déclaré Jacques Corneau, sur les antennes de Radio Canada. Pendant vingt ans, ce pédophile a sévi dans le petit village de Saint-Charles-de-Bourget, au Québec, y faisant vingt-trois petites victimes, des enfants âgés de 2 à 11 ans. Condamné une première fois et soumis aux thérapies classiques, Jacques Corneau, toujours habité par ses démons, est à nouveau arrêté pour d'autres viols d'enfants, en 1999. Au début de son deuxième procès (qui lui vaudra sept ans de prison supplémentaires), le récidiviste prend une décision radicale qu'il communique à son avocat, Charles Cantin : se faire enlever les testicules. « C'est lui-même, témoigne son défenseur, qui a décidé de son propre chef de subir une castration. »

Le 8 mars 2000, Jacques Corneau tient sa promesse. Un chirurgien procède à l'ablation de ses organes. Depuis lors, Corneau prétend que ses pulsions pédophiles l'ont totalement abandonné. Il a demandé à la Cour suprême, qui doit statuer en octobre prochain, de le dispenser des mesures de suivi psychiatrique et social qui lui seront imposées au terme de sa peine, en 2006. Son avocat compte bien convaincre les magistrats que la castration subie par son client serait le remède miracle pour les pédophiles, une assurance anti-récidive. Son conseil scientifique, le psychiatre Pierre Mailloux n'en doute pas : « C'est le traitement le plus efficace au monde », avance ce médecin, pour lequel l'ablation des testicules diminue radicalement l'appétit sexuel, même « si un pédophile sera toujours un pédophile ».

 

Pédophile récidiviste sous traitement anti-hormonal : « Je voulais me faire arrêter, j’en avais marre. »
Un témoignage d’un pédophile récidiviste, recueilli par  la journaliste Anne Diatkine pour le journal Libération.
« Jean, 38 ans, chauffeur routier. Je prends un anti-hormonal depuis un an. Mais ma maladie est encore présente, même s'il m'arrive d'en parler au passé. Dans la rue, je regarde les enfants. Parfois je les regarde longuement, parfois je tourne la tête. Ça dépend de mon état. Quand je suis très stressé, très angoissé, je suis à deux doigts de recommencer. Et l'angoisse va me donner du plaisir. Je ne suis pas tous les jours pareil, c'est ça qui est compliqué. Avant mon traitement, un enfant, pour moi, c'était un objet. Je vois aussi une psychiatre avec qui je parle et que je peux joindre à tout moment. Prendre un anti-hormonal ne sert à rien si on n'a pas la possibilité d'exister un petit peu par la parole. Enfin, ça peut servir mécaniquement pour protéger les enfants, mais dès qu'on arrête le traitement, on recommencera. […]
A l'âge de onze ans, je me suis fait violer par un homme dans la rue, et il a été attrapé parce qu'il m'avait donné rendez-vous au même endroit. Dans un sens, je voulais me faire arrêter, car j'en avais marre. Cette obsession des garçons, ça gâchait toute ma vie. C'est le sexe, mes pulsions, mes désirs, qui dirigeaient ma vie. Et à cause de ça, j'ai perdu plein de choses. Par exemple, quand j'avais rendez-vous pour un travail, et qu'en chemin, je croisais un garçon, je préférais le suivre. Parfois, j'ai l'impression qu'ils sont une invitation.[…]
Quand on attrape un enfant, souvent il ne bouge pas tellement il a peur. Ou alors il détale. Comme les petits garçons ont souvent des érections, je pensais que je leur procurais du plaisir, qu'ils étaient consentants. C'est ce que je me disais. Mais avec la thérapie, j'ai carrément changé d'idée sur le sujet. Disons que j'ai plus d'espace pour réfléchir. […]
 J'ai entendu parler de la rétention de sûreté après la prison. Je ne crois pas que l'enfermement changera grand-chose. Il vaut mieux être soigné en liberté. En prison, je voyais une psychologue une fois par semaine, quinze minutes. Ce n'était pas du soin. J'ai eu une vie tristounette, et je ne me rends compte que maintenant que dans ce malheur, j'ai énormément de chance : mes filles, leur mère, ma belle-famille, ma femme, ne m'ont pas laissé tomber. Si je peux m'en sortir, c'est grâce aux soins, mais aussi parce que je peux compter sur mon entourage et que j'ai un métier. »

 

 

Compte-rendu de l'interview d'un violeur récidiviste de la maison d'arrêt de Bois d'Arcy

Le vendredi 29 janvier 2010, à Bois d'Arcy.

La veille de l'entretien, nous apprenons que le détenu que nous devons rencontrer s'est rendu coupable de cannibalisme puisqu'il a mangé une partie de son co-détenu après l'avoir tué. Cependant, le directeur de la maison d'arrêt, M. Soleranski, nous propose de rencontrer un autre détenu, mais joint à l'aspect de l'établissement, qui ressemble à un four crématoire, cet événement n'est pas fait pour rassurer.
Nous devons taire le nom du détenu que nous avons rencontré, car cela nous a été demandé. Ayant eu accès à son dossier peu avant la rencontre, nous savions qu'il s'était rendu coupable de viols avec agressions sexuelles sur un garçon né en 1980. Il s'agissait du fils de sa première femme (il s'est marié trois fois et ne se souvient plus de sa seconde femme) qu'il a violé entre 1990 et 2006. Il faisait cela tous les mois environs et remettait au garçon un petit pécule à la fin. Le garçon a été examiné et a révélé présenter une insuffisance mentale qui expliquait qu'il se laissait faire. Le détenu ressent de la honte pour ce qu'il a fait, mais il n'a pas de remord, ayant la sensation d'agir aussi pour le bien du garçon, étant donné l'argent qu'il lui remettait. S'il ressent de la honte, c'est parce que tous ses proches le considèrent différemment désormais, et qu'il est très sensible à leur regard. Il a la cinquantaine, jouait dans un club de football dans sa cité et est originaire de la Martinique.
Parlons de son incarcération. Ayant une conduite exemplaire, il a été chargé d'un travail d'auxiliaire, qui lui permet de mettre de l'argent de côté, mais aussi d'en envoyer à sa dernière femme avec laquelle il est toujours en contact et de rembourser sa peine. Il s'occupe des poubelles, du ménage, mais aussi de la distribution des repas, que les détenus doivent distribuer aux détenus. Il est actuellement seul dans sa cellule. Il affirme ne pas profiter de sa position pour aider les détenus à faire passer des objets dans leur cellule sans l'avis des surveillants et il refuse systématiquement de faire passer de la drogue en douce. Il est en effet très fier de la reconnaissance qu'il tire de son travail, s'y sentant très professionnel. Il doit s'agir pour lui d'une des premières fois où il reçoit des compliments sur un travail. Il m'a donc donné l'air d'être chez lui dans la maison d'arrêt. Ayant appris la veille qu'il devait être transféré en centre de détention à Châteaudun, il se sent mal à l'aise et espère qu'il trouvera rapidement un travail similaire là-bas. Néanmoins, cette évolution le rapproche de sa libération, et il en est ravi, même s'il pense être perdu une fois qu'il sera de retour dans la société.
Ayant réussi à nous rapprocher de lui en le faisant parler de ce qu'il aimait, nous avons alors abordé les questions qui nous avaient spécifiquement amenés à le rencontrer. Nous lui avons demandé comment il vivait ce qu'il avait fait, et, comme je nous l'avons précisé précédemment, il n'en ressent aucun remord. Il est totalement sûr qu'une fois libre, il ne recommencera jamais, ce qui n'est pas l'avis des conseillers qui le suivent régulièrement depuis qu'il est arrivé à Bois d'Arcy. On ressent chez lui, ce que nous a confirmé sa psychiatre, qu'il a particulièrement peur de la castration, et c'est pour cela qu'il a mis en place un schéma de déni vis-à-vis de ses actes. Il refuse donc une opération physique, mais aussi une opération chimique, peut-être aussi car il ne sait pas exactement ce en quoi elle consiste. Nous rappelons qu'il s'agissait d'un homme assez frustre, et il serait bien malaisé de tenter de lui en expliquer le principe. Il a subi une épreuve importante au moment où il a été incarcéré, du fait de sa séparation par rapport à ses proches, plus que par le remord de ses actes. Il faut aussi savoir qu'il a été emprisonné en même temps que deux autres détenus, dont il se sentait très proches, et qui se sont suicidés dans le mois qui a suivi. Le suicide ne l'a jamais tenté.