Soutenu par l'administration du centre de détention de Caen, le psychologue Jacky Bourillon se bat depuis deux ans pour aider les détenus qui en font la demande à à réaliser leur introspection, à se reconstruire afin d'éviter un futur passage à l'acte. Il leur propose une "cure d'inspiration psychanalytique". Les détenus contribuent financièrement, de l'ordre de 8 € par séance quand leur salaire mensuel est de 300 euros. Les plus motivés vont jusqu'à supprimer le prix de la location d'un téléviseur pour pouvoir s'offrir la thérapie. Cette prison de Caen regroupe 420 détenus, dont 60% de criminels sexuels. 150 sont passés chez le puy, et 20 y vont régulièrement. Mais ce type de psychothérapie n'est possible qu'avec certains détenus, motivés et intelligents, en peine de longue durée. Si ces conditions sont réunies, assure Jacky Bourillon, tous les espoirs sont permis: «A partir du moment où ces gars-là ont vraiment fait un travail sur eux-mêmes, dit-il, je peux vous assurer qu'ils ne seront plus dangereux.» Cette expérience est totalement isolée.
Une expérience totalement isolée car, dans les prisons françaises, on ne fait pas grand-chose pour traiter les criminels sexuels. Les 19 services médicopsychiatriques régionaux, installés dans les maisons d'arrêt, sont parfaitement insuffisants. Dans les centres de détention de longue durée, un psychiatre passe, le temps de prescrire «la fiole» - un flacon dans lequel est dilué un cocktail de neuroleptiques et de sédatifs - ou quelques «anonymes», comme disent les détenus, ces cachets qui font tout oublier. A Mende, par exemple, où est détenu Van Geloven, à l'isolement, le psychiatre ne vient qu'une fois par semaine, selon son avocate Martine Figueroa, qui proteste: «Ces gens sont anormaux, et on ne les soigne pas.» Constatant son impuissance, un directeur de prison soupire: «Pour débloquer 400 000 francs pour un mirador, il n'y a pas de problème. Mais pour payer un psychologue 3 000 francs par semaine, il n'y a jamais d'argent...»
Si les dangers existent sur le plan physique, ils sont aussi présents sur le plan psychologique. C’est ce qu’évoque Charles Casanova, psychologue clinicien et criminologue, dans une interview. Dans cette interview dont le texte est retranscrit ci-après, le médecin déclare que la castration chimique n’est pas adaptée à tout délinquant sexuel et ne saurait se généraliser. L’hypersexuel y est très réceptif, mais, à l’inverse, le perverse pourrait interpréter une telle mesure comme la preuve irréfutable qu’il n’est pas la cause de son comportement criminel et que c’est la société elle-même. Pour ce dernier cas d’agresseur, au comportement tout simplement violent envers autrui, la castration n’est d’aucune utilité et ne les empêchera en rien de nuire.
« La castration chimique, je crois qu’il y a un danger auquel on doit réfléchir de plus en plus. C’est : « Qu’est-ce qu’on suggère au patient à qui l’on va proposer une castration chimique ? ». Moi, ça me pause question. C’est quelque chose que l’on a envisagé à une époque pour certaines catégories de délinquants sexuels qui sont les hypersexuels, qui ont une espèce de stimulation hormonale du comportement sexuel qui fait qu’il y a quelque chose de complètement débridée, que l’on ne peut que très difficilement endiguer autrement. Mais il n’y a pas que cette catégorie de délinquants sexuels là. Les autres, si l’on envisageait une réponse systématique du côté de la castration chimique, ce serait prendre le risque de leur faire croire que l’agression sexuelle n’est qu’une histoire de sexe ou d’organe et qu’à partir du moment où l’on neutralise l’organe qui constitue cette espèce d’arme contre l’autre, il n’y a plus de problème. Et dire cela à un patient qui aurait par exemple une composante perverse, ce serait d’abord lui faire croire que la solution est chez nous et pas chez lui, que c’est nous qui avons la solution qui va le rendre inoffensif, qui va le guérir – toujours le fantasme de la guérison ; ce serait aussi lui faire croire que tout n’est que sexualité organique – ce qui est bien son problème la plupart du temps ; et on oublie complètement ce que c’est que le fantasme, on oublie complètement ce que c’est que la pulsion, on oublie complètement ce que c’est que l’agressivité à l’égard de l’autre, l’objectalisation de l’autre, la domination de l’autre… Donc faire de l’agression sexuelle une question d’hormones ou d’organe qui va fonctionner ou pas, donc avec une récidive plus ou moins importante, moi ça me semble intéressant pour certains criminels, mais pas pour tous. Qu’est-ce que vous faites, si après avoir castré un criminel, les fantasmes et les pulsions massifs qui sont à l’œuvre n’ont pas du tout été traités et qu’il va violer quelqu’un en utilisant un objet, ou qu’il va passer au meurtre, ou qu’il va passer à n’importe quelle autre forme d’agression de l’autre ? Parce que ce que l’on ne dit pas souvent non plus, c’est que l’agression sexuelle n’est pas du sexe, c’est de la violence. Et castrer quelqu’un chimiquement, à mon sens, en tout cas pour une grande partie des patients que je suis, c’est avoir avant tout un problème avec l’autre et un problème avec la violence. Donc ces solutions là doivent être envisagées au cas par cas et par des spécialistes. »