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Icône Chez le généraliste
Quel est véritablement le rôle du généraliste dans le parcours d’un enfant atteint du TDAH ? C’est avant tout sur la proximité avec l’enfant et sa famille que le généraliste va pouvoir jouer, en parvenant parfois à faire ressortir une certaine génétique du trouble. Si le traitement en lui-même est assuré par d’autres personnes, le généraliste établit un premier diagnostic et suit l’évolution de son patient tout au long du traitement. L’importance de ce protagoniste apparaît dans certaines controverses, comme en Espagne où les généralistes ont été les premiers accusés lorsque l’on a annoncé que, chez trois quarts des enfants atteints du trouble, ce dernier ne serait pas détecté.

Ci-dessous se trouvent les comptes-rendus de deux interviews que nous avons réalisé avec des médecins généralistes.
Interview de J.M., médecin généraliste
En quoi constitue véritablement le trouble ? Quels sont les symptômes spécifiques que vous avez pu observer au sein de votre clientèle ?
J.M. : Il est tout d’abord intéressant de noter que dans 90% des cas, il s’agit de garçons. Pour l’essentiel des patients atteints du trouble, il s’agit d’un problème avec le contrôle. L’enfant n’arrive pas à contrôler sa parole, interrompt constamment les gens, a du mal à rester assis, immobile. Il assimile difficilement les interdits de base et a un trouble majeur de l’attention. Son cerveau est constamment en éveil, il se disperse…L’enfant atteint du TDAH se révèle être insupportable en famille et à l’école. Toutefois on ne veut plus verrouiller ces enfants et c’est pourquoi on en fait des entités médicales. A sept ans, l’âge de la raison, on aperçoit généralement l’enfant se calmer. A l’hyperactivité sont souvent reliés d’autres troubles: la dyslexie, la dysorthographie,…
L’hyperactivité constitue-t-elle un phénomène de société ?
J.M. : Il est nécessaire de comprendre que le TDAH a toujours existé. Simplement, le trouble était bien moins pris en compte dans le passé. Lorsque l’enfant devenait impossible à gérer, on réglait cela « à la main » ou on envoyait le sujet en pension. On ne s’inquiétait guère de la spécificité des enfants hyperactifs. Ce n’est donc pas un phénomène de société. Avant les enfants étaient en quelque sorte cadenassés. Maintenant, on s’intéresse à leur trouble, on les médicalise. Le trouble a été conceptualisé.
Notre sujet de controverse de départ était: les enfants turbulents sont-ils vraiment malades? Selon vous où se trouve la controverse ?
J.M. : Certaines personnes basent leurs théories sur des structures du cerveau qui définissent l’hyperactivité. On a alors mis au point un traitement : la Ritaline, qui a pour particularité de diminuer les capacités cognitives. Elle a en réalité des effets sédatifs sur toute personne qui la prend, qu’elle soit ou non hyperactive. Selon moi, le TDAH est un trouble du comportement mais on ne peut pas en faire une maladie, c’est trop excessif. C’est un trouble du comportement comme être obsessionnel, angoissé... C’est un dysfonctionnement. Il y a deux approches différentes. On peut dans un premier cas de figure dire que l’hyperactivité est due à des problèmes neurologiques et prescrire des médicaments. Mon attitude personnelle est de la considérer telle un trouble comportemental, génétique, transmissible. Il est intéressant de comparer le TDAH avec la maladie de Parkinson. C’est un exemple type. Cette maladie est caractérisée par des tremblements, une rigidité du corps et le fait que les personnes atteintes doivent vouloir leurs mouvements. Dans ce cas précis on a démontré qu’il y a une structure du cerveau qui fonctionne mal : c’est un problème au niveau des neurotransmetteurs. Dans ce cas, c’est univoque, il n’y a pas controverse.
Comment établissez-vous à votre échelle le diagnostic du TDAH ?
J.M. : En général, dès qu’il arrive, l’enfant fait la guerre sur mon bureau ! Je ne prends pas en compte les classifications que font les Américains. C’est le besoin américain de cataloguer. Ceux-ci ne font plus de la psychiatrie mais de la neuropsychiatrie. Les hyperactifs doivent surtout être gérés mais c’est très lourd.
Quelles sont les thérapies alternatives à la prise de Ritaline ?
J.M. : La psychothérapie, l’orthophonie et la psychomotricité (cette dernière a beaucoup de résultats). Ce sont des thérapies alternatives non médicamenteuses qui visent à prendre en compte l’enfant avec des soutiens, des activités où il apprend le contrôle (je soutiens d’ailleurs par exemple le chant en chorale car cela aide à travailler le contrôle de soi et le travail en groupe). Avec la Ritaline on ne guérit rien: on coiffe le symptôme, c’est comme donner des calmants à des anxieux : à long terme cela ne règle rien.2
Quel est véritablement le rôle du généraliste dans la vie d’un enfant atteint du TDAH ?
J.M. : Un rôle de dépistage et d’orientation vers des structures thérapeutiques adaptées. Le généraliste a la chance de souvent bien connaître les parents. On arrive souvent à la conclusion que le père de famille était aussi hyperactif et on peut alors parler et aider les parents, surtout le père qui souvent rejette l’enfant car ce dernier lui reflète une image de lui-même. Il faut en théorie demander l’avis du psychiatre avant d’être éligible pour la Ritaline. Cependant, je n’en ai jamais prescrit une seule fois depuis 25 années. 50% de ma clientèle a moins de 16 ans. En tant que « généraliste à orientation psychiatrique », j’estime que les traitements à base de Ritaline constituent une simple solution de facilité.
Voici les conclusions de la seconde interview de Daniel Damman, qui est spécialiste en Médecine Générale, Lauréat Médaille d'Argent de la Faculté de Médecine de Paris, Professeur Agrégé de l'Université de Science Physiques et Spécialiste en Biologie et Médecine Nucléaires.

Tout d'abord, il nous présente son étonnement face au sujet. Les termes « turbulent » et « malade » ne sont pas des termes médicaux. En effet, 90% des enfants turbulents sont agités mais demeurent « normaux ». L'origine de leur état est de nature psychologique et il faut répondre par une thérapie familiale. En revanche le sujet « Les enfants hyperactifs sont-ils malades? » n'est pas sujet à controverse selon lui. La réponse est évidemment oui et par conséquent la controverse nait de l'imprécision des termes.

Le diagnostic

Le syndrome de déficit d'attention et d'hyperactivité déficitaire, c'est à dire le TDAH est un syndrome « bien carré » qui est diagnostiqué par un psychiatre à partir de tests précis. Les troubles causés par le TDAH sont bien formulés mais cependant il insiste bien sur le fait que 90% des diagnostics conduisent uniquement à un traitement psychiatrique causé par des troubles familiaux. Les troubles nécessaires afin de détecter un cas de TDAH sont importants et permettent de conclure à un cas d'hyperactivité qui requiert un suivi médical. On sait aujourd'hui que le TDAH est une maladie dont le cadre est relativement cerné: un cas de TDAH est causé par un déficit de dopamine et de noradrénaline. Le plus difficile pour un psychiatre est de distinguer l'enfant hyperactif, c'est à dire qui est incapable de se maitriser et qui ne peut avoir un comportement social normal de l'enfant ayant un trouble comportemental de l'attention.

Un trouble familial peut causer la turbulence

Dans la majorité des cas, un enfant turbulent n'est pas vraiment atteint d'hyperactivité mais l'origine du trouble est plutôt d'ordre familial. Un enfant doit passer par différents stades durant lesquels il apprend qu'il a un rôle précis dans la société et qu'il doit aussi se plier à des devoirs. Deux cas extrêmes peuvent se présenter: soit il n'affirme pas sa capacité à dire « non » et il risque de grandir sans personnalité et de présenter un faible esprit critique, soit, au contraire, il dit « non » et ses parents n'ont pas la volonté nécessaire de lui répondre. Dans ce cas il va pousser le « non » dans ses derniers retranchements jusqu'à se croire tout permis (ce qui est le premier stade de la paranoïa). La capacité d'un enfant à pouvoir dire « non » est fondamentale mais les parents ne doivent pas être tétanisés et ils doivent se dresser afin de mettre en évidence l'existence d'une entité devant laquelle il faut s'incliner. Il nous a ainsi raconté qu'une mère lui avait un jour amené sa fille qui lui semblait hyperactive. Celle-ci s'est vraiment révélée incontrôlable durant la consultation et a poussé le vice jusqu'à uriner en plein milieu de son bureau. La mère de la jeune-fille était effarée mais ne savait que dire. Il a alors compris que l'apparente turbulence de la fille était due à l'atonie apparente de la mère. Pour les enfants, cette réalité est comme un jeu privé de tout naturel et dans lequel n'existerait aucun interdit et s'ils ne sont pas soignés, les enfants souffriront en grandissant lorsque les premières désillusions apparaîtront. Pour de tels sujets, la Ritaline n'est d'aucun secours et les enfants, tout comme leurs parents, doivent suivre une cure psychologique afin de bien cerner leur place dans la société.

Le recours à des médicaments

Concernant les amphétamines, ce sont les psychiatres les véritables décideurs. Ce sont eux qui prescrivent des médicaments et dirigent les sujets turbulents vers des généralistes chargés d'effectuer un suivi.
Les amphétamines ont fait leurs preuves dans le passé et ont complètement changé la donne. On a un traitement et on l'applique et ainsi, pour lui, la question « Un enfant pour lequel un psychiatre a détecté un cas de TDAH doit il prendre des amphétamines? » est sur le même plan que la question suivante « Une fracture ouverte nécessite-t-elle qu'on conduise le sujet aux urgences? » Les médicaments prescrit aux sujets souffrant de la TDAH sont proches des amphétamines-like (médicaments généralement utilisés après la seconde guerre mondiale par les étudiants: ils stimulent certes le cerveau mais les connaissances ne sont plus du tout coordonnées et l'individu perd tout sens critique). Les médicaments psychostimulants imitent les amphétamines mais ne présente pas les effets secondaires précédemment cités. On n'a plus le droit de les prescrire directement sans avoir un carnet à souche.
Selon lui, la Ritaline a des effets indéniables sur le sujet affecté de la TDAH. Par exemple, par de circonstances malheureuses, un garçon s'est retrouvé en fin de semaine pendant 24h sans Ritaline et les troubles ont immédiatement repris. Avec le médicament, les troubles s'arrêtent, l'enfant retrouve une activité normale et la vie redevient faisable. Les chercheurs n'ont pourtant pas encore trouvé un médicament capable de soigner l'hyperactivité sur le long terme.

Le suivi de la maladie

Seul le psychiatre peut effectuer un diagnostic, pas le généraliste. Le psychiatre est le maitre d'œuvre du bon déroulement du suivi et il envoie ensuite l'enfant à un généraliste qui est chargé de suivre l'évolution de la maladie et de renouveler les ordonnances. En parallèle, l'enfant doit suivre un traitement psychologique. Le suivi de la maladie et son diagnostic ne va cesser d'évoluer avec les progrès de la médecine: On sait aujourd'hui dans quel partie du cerveau débute le phénomène de l'hyperactivité mais on ne sait toujours pourquoi les neurones sont dans cet état.

La polémique aux Etats-Unis: une origine économique

Les assurances américaines sont très chères et la politique des Etats-Unis concernant les firmes pharmaceutiques et la légalisation des médicaments est différente de celle adoptée en Europe. De nombreuses firmes tentent de mettre leur médicament en situation de monopole et ainsi ils ont été tentés de mettre dans le même tas un enfant hyperactif et un enfant ayant un trouble comportemental de l'attention. Ainsi, selon lui, la polémique concernant la prescription en masse de Ritaline provient de modèles économiques. Cette polémique ne serait pas possible dans la « vieille Europe » où règne un esprit critique et d'initiative. De nombreux contre-pouvoirs existent dans notre continent (par exemple des dispositifs anti-trust ou les commissions du Sénat durant lesquelles les dirigeants doivent rendre des comptes.)
Chez le généraliste
Sujet « Les enfants turbulents » —
Jérémy BLACHIER, Arthur BRIQUET, Édouard DENYS DE BONNAVENTURE, Elsa MERCKEL, François HENNETON.