Interview du maire de Villeneuve-de-Berg

 

Le maire de Villeneuve-de-Berg Claude Pradal / Photo Maxime Jegat

Monsieur Claude Pradal est le maire de notre petite commune ardéchoise. Il a bien voulu nous accorder un entretien téléphonique, au mois de mars 2011. Voici son avis sur les questions sensibles de la controverse, appliquées à sa commune.

Tout d’abord, rappelons comment les choses se sont passées. Schuepbach Energy Llc obtient un permis de recherche pour la zone autour de VdB le 1er Mars 2010, et accorde lui-même des licences à GDF-Suez et à Total. La commune n’est au courant de rien avant le mois d’octobre 2010, quand un ingénieur de GDF-Suez vient exposer le projet au conseil municipal. Cependant, la brochure explicative qu’il apporte ne précise aucun des problèmes liés à la technique de fracturation, problèmes bien connus maintenant. Au mois de janvier, la commune prend conscience des enjeux, et le conseil municipal s’accorde sur une motion interdisant tout nouveau forage sur son territoire. Des pétitions sont lancées, le documentaire américain Gasland est projeté. Des réunions publiques sont organisées, et rencontrent vite un franc succès : signalons celle du 26 février qui a rassemblé entre 15 000 et 20 000 personnes selon les organisateurs. Ce sont des habitants de toute l’Ardèche qui se sont mobilisés pour signifier leur inquiétude, et afficher leur soutien aux positions des élus locaux. Depuis ce temps, la commune n’a plus vu aucun ingénieur, que ce soit pour échanger ou pour explorer le terrain. Les études sismiques prévues ne sont pas lancées à ce jour.

L’impact sur l’environnement et la région est bien connu : pollution des eaux souterraines, de l’air, nuisances en surface, usage excessif de la ressource en eau. Il faut aussi réfléchir plus avant : le développement d’une activité de forage ne peut se faire qu’au détriment des autres secteurs d’activité : agriculture et tourisme. La viticulture est très présente autour de VdB, et rencontre déjà des problèmes d’approvisionnement en eau. Pour le tourisme, la dégradation du paysage serait terrible : on rapporte déjà que des ventes de villa ont été repoussées sine die, pour cette raison. Rappelons enfin que l’Ardèche reste une zone peuplée, à la différence des étendues du désert américain.

Sur quels travaux d’experts la commune s’appuie-t-elle pour évaluer les risques ? VdB est en lien avec le collectif Sud-Ardèche « Non au gaz de schiste », qui travaille notamment avec des géologues avertis. Localement, deux géologues de la commune organisent des réunions publiques. Par contre, la confiance ne règne pas avec les organismes de l’Etat : IFP, mission d’inspection. Les élus locaux ont rencontré en mars le préfet de région, qui a précisé qu’il n’avait aucun pouvoir sur ce sujet. A ce jour, en mars, les élus locaux des zones concernées ne demandent plus seulement un moratoire, mais l’abrogation de l’arrêté ministériel autorisant l’exploration.

Le code minier a été modifié récemment, en faveur des exploitants. Quelle est la situation aujourd’hui ? Bien sûr, un habitant peut toujours faire un procès à un exploitant qui viendrait travailler sur son terrain, mais avec peu d’espoir, puisque le code minier reste géré par l’Etat, et que ce dernier semble prendre parti pour les exploitants.

Un compromis pour une exploitation plus propre, avec plus de garanties, est-il possible ? Il faut bien veiller à distinguer deux débats : celui des forages par fracturation, aujourd’hui, en Ardèche, et celui des choix énergétiques à long terme. Pour le premier, la population des zones concernées semble s’accorder pour penser que les techniques actuelles ne sont pas assez propres pour une zone aussi peuplée, aussi agricole, aussi touristique que l’Ardèche. En revanche, le débat énergétique doit être mené d’ici à quelques années, afin d’arbitrer entre le nucléaire, l’éolien, le gaz. Mais sur ce sujet, VdB reconnait avec bon sens n’être pas compétente. En tout cas, le débat sur de nouveaux forages en Ardèche, qui est très affectif, puisqu’il concerne directement la vie des habitants, ne peut être projeté sur le débat futur de l’énergie.

Pour finir, quels sont les moyens d’action de la commune pour protéger son territoire d’une exploitation abusive ? Tout simplement, les habitants s’opposeront à n’importe quelle intrusion sur la commune, même autorisée par l’état, même s’il ne s’agit que d’exploration. Un réseau de numéros de téléphone a été mis en place, pour bloquer la route si des camions arrivent. En effet, la prochaine étape attendue est l’arrivée de camions pour des études sismiques. En conclusion, la mobilisation des habitants est très importante, elle n’est pas encore essoufflée à ce jour (mars 2011), et elle envisage d’autres moyens qui lui permettront de tenir sur la durée. Il faut éviter à tout prix que l’exploitant n’arrive à ses fins en attendant un essoufflement de la contestation.

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