Quel que soit le procédé industriel, et l’énergie ne fait pas exception, l’acte de production correspond toujours à la même équation :
ressources → produits → déchets
En particulier, quelque soit l’outil industriel, l’acte produit des déchets (éventuellement réutilisables dans une autres filière). Dans le domaine de l’extraction de gaz, la ressource est le gaz renfermé dans un réservoir naturel en profondeur et le produit ce même gaz mais dans un réservoir en surface. A noter néanmoins que dans le cas d’un recours à la fracturation hydraulique la production de ces déchets se concentre exclusivement pendant la phase de forage : l’immense majorité des déchets est produite pendant les phases de forage/fracturation et le gaz sort ensuite du sous-sol sans plus d’intervention. Sous la dénomination « déchets » nous traiterons donc principalement des boues nécessaires au forage et des fluides utilisés pour fracturer le sous-sol.
1. La problématique des déchets en France
En France l’exploitation par fracturation hydraulique n’a pas débutée or les problématiques liés aux déchets restent très souvent méconnues des populations jusqu’à ce qu’elles en fassent l’expérience (en constatant qu’une zone de stockage se développe dans leur environnement par exemple). De plus ces questions demandent certaines connaissances techniques quant à la nature de ces déchets et aux législations en place pour les traiter. Par conséquent un débat sur la gestion des déchets engendrés par fracturation hydraulique ne peut à ce jour pas encore se tenir en France par manque de contrepartie : organisations locales ou de protection de l’environnement ne semblent pas encore sensibilisées à cette aspect de l’exploitation par fracturation hydraulique. En quelque sorte, la controverse française n’a pas encore atteint ce stade de réflexion. En revanche un débat existe aux USA sur ce sujet.
L’interrogation de fond est très classique et tous les industriels y sont confrontés : quelle gestion des déchets doit être pratiquée sur un site d’extraction par fracturation hydraulique pour assurer la sécurité des populations et une dégradation minimale de l’environnement? Elle prend cependant une tonalité particulière dans notre étude à cause notamment des fluides de fracturation.
2. Les boues de forage :
Ces boues sont un outils indispensables à la foration d’un puit, elles officient à la fois sur l’outil de forage pour le refroidir et le lubrifier, comme vecteur d’information par transmission d’ondes et par remontés des « cuttings » (roches concassées par l’outil), elles maintiennent également la structure du puit et favorise la cimentation du cuvelage. Quant à leur composition, elle est très variable selon les conditions de forage (la géologie du terrain notamment)mais elles ont de communs que l’immense majorité des produits utilisés sont utilisés dans l’industrie alimentaire.
2.1. Quantités
Lors d’un forage, la quantité de boue à introduire dans le puit est d’environ 1000m3. Selon la législation de l’état de New york (lien vers le document de l’EPA), ces produits sont classifiés comme non dangereux et peuvent être enterré sous restriction que la profondeur de la fosse soit suffisante pour éviter les remontés incommodantes en surface.
2.2. Traitement
Étant donné les contraintes autrement plus conséquentes engendrées par les fluides de fracturation et le fait que certains états soient très familier des forages de toutes sortes (comme le Texas où l’on trouve près de 6200 puits actuellement), on comprend que ce type de déchets ne crée pas d’émules.
3. Les fluides de fracturation :
2.1. Détracteurs :
Pour les détracteurs de la technique de fracturation, les fluides de fracturation forment le cœur du problème des déchets. Amy Mall nous explique en effet que les volumes utilisés (entre 15 et 20 000m3 par opération de fracturation selon Bilan USA) accroisse considérablement les risques de fuites lors du stockage en surface.
D’autre part, les quelques 200 voyages de camions nécessaires pour déplacer de tels volumes d’eau jusqu’à une plateforme de forage amplifie également le risque de voir un camion déverser par accident son chargement dans l’environnement. Ces nombreux voyages peuvent provoquer d’autres aléas plus pernicieux : l’importation d’espèce invasive. Selon le site d’investigation ProPublica, suite à une fuite de fluide de fracturation une invasion d’algue aurait provoqué la mort de poissons en 2009 à Dunkard Creek . Les autorités n’ont cependant pas mis directement en cause les fluides de fracturation hydraulique dans leur enquête.
Enfin, des craintes s’élèvent quant à la qualité de l’air dans les environs de certains sites d’extraction par fracturation hydraulique. En 2009, monsieur Calvin Tillman, maire de Dish, Texas, a ainsi accusé l’utilisation de la technique sur la Barnett Shale d’exposer les gens à des émissions de gaz toxique (notamment du benzène, cancérigène et facteur de tachycardie chez l’homme). Si les autorités n’ont pas donné raison à ces accusations, d’autres fusent et la commission du Texas pour la Qualité de l’Environnement (Texas Comission on Environmental Quality) a d’ailleurs trouvé des taux de benzène anormalement élevés aux alentours de sites de forages. Selon des experts de la protection de l’environnement étasuniensn la fracturation serait également impliquée dans un cas de pollution à l’ozone dans l’Ohio. Pour beaucoup, ces pollutions seraient dues à l’évaporation,pendant le stockage à l’air libre, de certains produits chimiques présents dans le fluide de fracturation. Nombreux sont d’ailleurs les acteurs à critiquer ce mode de stockage.
2.2. Défenseurs :
Si l’on se tourne vers les défenseurs de la technique de fracturation, les exploitants notamment, les réponses à ces critiques sont relativement simples. La première explique que malgré les nombreuses présomptions et plaintes dont à fait l’objet le stockage des fluides de fracturation (indirectement et au travers de toutes les pollutions qu’il aurait engendré), aucune condamnation n’a été prononcé à son encontre. De plus, toutes ces critiques reposent sur le principe que le fluide de fracturation est polluant et dangereux, or selon les exploitants ce n’est pas le cas. Les pollutions au benzène et autres peuvent très bien avoir été causée par des réactions naturelles ou d’autres activités humaines.
Pour la deuxième, les gaziers se targuent de respecter scrupuleusement les législation en vigueur, en particulier sur la question du stockage des fluides de fracturation utilisés. Ils sont en effet en relation fréquentes avec les équivalents étasuniens des DREAL (Direction régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) et selon l’EPA « la fracturation hydraulique est une activité étroitement contrôlée ». Les récriminations contre les pratiques des exploitants constituent donc en réalité des remises en cause de la législation.
Ensuite, les craintes sur les volumes utilisés et donc à traiter sont dissipés en exposant les différents moyens de traitement de ces fluides :
- L’EPA évoque d’abord le recours a des bassins de rétentions à ciel ouvert qui assure une évaporation partielle du fluide.
- Le document EPA défend le stockage des fluides usagers dans d’autres puits. Sous condition d’études spécifiques à chaque puit concerné (concernant le risque de fuite dans un bassin hydrogéologique notamment), les exploitants sont en droit de réinjecter leur fluides dans ces puits.
- Pour les exploitants, le recyclage constitue une autre solution. Il semble d’ailleurs que cela constitue la solution privilégiée par tous les exploitants de la Marcellus Shale compte tenu du contexte (proximité de l’agglomération New-yorkaise). Pour les sites contigus, ce recyclage constitue selon ce même rapport un véritable avantage concurrentiel.
Selon l’EPA (lien vers le document), il reste cependant très complexe de retraiter l’eau et donc de la réverser dans son bassin d’origine : « les prélèvements d’eau pour la fracturation hydraulique sont considérées perdues dans leur totalité. »
Enfin parmi les gaziers on compte beaucoup sur les dissipations des effets d’une éventuelles fuites. Dans le cas d’un incident sur un site de stockage de fluide, la biodégradation et l’absorption du fluide par le sol réduisent largement les effets d’un tel accident selon l’EPA.
En conclusion, on constate qu’aux USA, en toile de fond de ce débat sur le traitement des déchets de fracturation (et en particulier, compte tenu des volumes, des fluides de fracturation), la réflexion sur les législations en place est très présente. Les détracteurs critiquent notamment la loi qui évite à la fracturation hydraulique la coupe des Safe Drinking Water, Clean Water et Clean Air Act. Selon les mots de l’ancien vice-Président de Mobil Oil, Lou Allstadt : « Avec le gaz de schiste, les activités de l’industrie n’ont jamais été aussi proches de zones habitées ». Ceci est particulièrement marquant dans le cas de la Marcellus Shale qui se trouve dans le bassin d’alimentation en eau de la mégalopole New-Yorkaise.
Des collaborateurs de chez Total nous ont toutefois affirmé qu’un tel débat ne pouvait avoir lieu en France. L’omniprésence de la DREAL pendant toutes le durée de l’exploitation empêche selon eux toute dérive.