Cours "Description de Controverses" de MINES ParisTech
Les traitements et mesures de prévention
Malgré l’absence de certitudes sur l’existence même de l’EHS, et encore moins sur ses possibles causes, plusieurs organismes ou pays préconisent des mesures, de prévention ou de traitement. C’est en cherchant surtout dans la presse généraliste que vous vous rendez compte de l’existence de ces moyens.
L’hypersensibilité reste quelque chose de peu connu. D’abord, la définition d’hypersensibilité elle-même n’est pas unique, et n’est pas abordée de la même façon par tous les spécialistes. D’autre part, le fait que les causes et les origines de l’hypersensibilité fassent débat au sein de la communauté scientifique l’empêche d’être reconnue comme une maladie à part entière, en France en tout cas.
Mais alors, si l’hypersensibilité n’est pas reconnue, comment la traiter ? Comment la prévenir ? Comment guérir quelque chose qui n’est pas (encore) reconnue comme une maladie ?
On peut difficilement répondre à ces questions-ci. Et tant que la controverse sur l’hypersensibilité ne sera pas levée, il sera impossible de développer des outils efficaces de prévention ou de traitement de cette « maladie ». Car les instituts de recherche et les laboratoires pharmaceutiques ne s’intéresseront vraiment à l’hypersensibilité que si elle acquiert le statut de maladie . Et c’est ce qu’exprime le graphique suivant :
Nombre de publications scientifiques par pays
Ainsi, on voit la différence d’intérêt que portent les chercheurs français à l’hypersensibilité par rapport aux chercheurs suédois. Car la Suède, contrairement à la France, reconnait l’hypersensibilité [1] comme une maladie à part entière. Et cela permet non seulement de donner plus de « crédibilité » et de « sérieux » à cette maladie, mais attire aussi l’intérêt des chercheurs et des instituts de recherche.
Pourtant, si l’hypersensibilité ne peut être traitée tant qu’elle n’a pas été reconnue comme maladie, les personnes hypersensibles doivent quand même être guéries, car si leur maladie est mise en doute, leur souffrance, elle, est réelle. Une jeune femme, dans un article [2], témoigne : «elle ressent une décharge électrique, comme si son cerveau voulait sortir de son crâne ».
Pour l’instant, les principaux traitements mis à la disposition des hypersensibles sont essentiellement thérapeutiques, car on n’a pas encore trouvé un moyen de relier scientifiquement les symptômes dont souffrent les personnes hypersensibles à la nature physique des ondes électromagnétiques. Lena HILLERT et Birgitta KOLMODIN exposent dans leur article [3] une méthode de traitement qu’elles ont développée. Elles expliquent que dans la majorité des cas, l’hypersensibilité n’est qu’un prétexte que s’inventent les personnes concernées pour tenter d’expliquer les problèmes qu’ils ont dans leur vie, et pour se déculpabiliser en désignant les ondes électromagnétiques comme seul et unique responsable. Ainsi dans le cadre de leur étude, elles ont pu constater que les gens qu’elles traitaient souffraient souvent de stress, de fatigue, de difficulté à se concentrer qui provenaient plus de leur travail, et de leurs problèmes familiaux que d’une hypothétique sensibilité aux ondes. Elles ont aussi remarqué que les problèmes de santé dont souffrent ces personnes proviennent de maladies connues de la part des docteurs, mais qu’ignorent les patients.
Ainsi, la thérapie qu’elles ont développée se base sur :
Une visite médicale chez un médecin
Une enquête sur les conditions de vie du patient, son hygiène de vie, etc.
Des séances de thérapie avec un psychiatre, pour discuter de la vie personnelle et professionnelle du patient.
Ce traitement a donc pour but d’accompagner les électrosensibles dans leur vie quotidienne et de réduire les symptômes dont ils souffrent en demandant conseil à un médecin. C’est un traitement qui peut être efficace pour des personnes pour qui l’électrosensibilité pose des problèmes qui les gênent dans leur vie, sans pour autant la bouleverser.
Un autre genre de traitement peut autre proposé aux personnes qui se disent très sensibles. Ce traitement, lui aussi psychologique, est la thérapie cognitivo-comportementale
Méthode de traitement des troubles mentaux reposant sur le déconditionnement et l'apprentissage afin de remplacer un comportement inadapté (une peur panique déclenchée par une situation inoffensive, par exemple) par un comportement adapté. (Définition Larousse)
. Ce genre de traitement est adapté aux personnes qui sont convaincues d’être exposées aux ondes. En effet, l’idée de se sentir vulnérable à quelque chose d’envahissant provoque des angoisses et névroses phobiques chez ces personnes-là. Et les thérapies cognitivo-comportementales servent à traiter, de manière plus générale, toutes les personnes qui souffrent de phobies, de troubles mentaux ou d’addictions.
Pour les troubles anxieux, la thérapie comportementale agit au moyen de mises en situation et d’expositions graduées aux situations provoquant une anxiété. Par exemple, dans le cas d’une phobie des araignées, on demande au sujet de classer les différentes situations où il peut être confronté à des araignées sur une échelle de 0 à 100. Ensuite on l’expose progressivement aux situations des moins anxiogènes pour lui au plus anxiogènes. Le patient doit d’abord imaginer une araignée, puis observer des images d’araignées, toucher un bocal où se trouve une araignée, et finalement toucher l’araignée. En même temps, il apprend à contrôler les manifestations physiologiques de la peur avec des exercices de relaxation. La thérapie cognitive agit sur les pensées du patient présentant une distorsion cognitive (par exemple, une peur excessive d’être contaminé par les ondes pourra être combattue par une information sur l’hypersensibilité et l’appréciation des risques réels).
Une thérapie cognitivo-comportementale se déroule classiquement selon les étapes suivantes :
Évaluation avant traitement : l’analyse fonctionnelle. Elle comporte deux dimensions :
qualitative : il s’agit de déterminer les circonstances dans lequel le problème est apparu d’en préciser les facteurs déclenchant et ceux contribuant à son maintien. Plusieurs grilles permettent de réaliser cette analyse, comme le BASIC ID d’Arnold Lazarus, ou la grille SECCA.
quantitative : pour percevoir l’évolution des difficultés du patient au cours du traitement, il faut auparavant les mesurer. Par exemple, avec une personne ayant un trouble obsessionnel compulsif (TOC) de lavage, le thérapeute pourra évaluer avec la personne le temps passé sous la douche, et d’autres indicateurs qui vont permettre d’établir une ligne de base du TOC du patient. De nombreuses échelles cliniques sont à la disposition du thérapeute.
Le contrat thérapeutique : il présente au patient comment lui et le thérapeute vont s’y prendre pour mener le changement thérapeutique. Les objectifs sont progressifs.
Application du programme : elle se fait au rythme du patient, les étapes sont susceptibles d’être réajustées.
Évaluation des résultats : le psychothérapeute cognitif et le patient évaluent le résultat de la thérapie. La comparaison entre la ligne de base et l’évaluation en fin de thérapie sont un indicateur du succès de la thérapie. Il n’est pas impossible de considérer une nouvelle thérapie suite à cette évaluation, si de nouveaux objectifs sont envisagés.
Finalement, tous les traitements sérieux – on laissera de côté les gadgets insolites comme les scaphandres « anti-ondes », les combinaisons d’astronautes, etc. qui sont proposés aux électrosensibles – sont des thérapies. Il s’agit non pas de faire disparaitre les ondes autour des patients, mais plutôt de leur apprendre à se maîtriser, et à avoir une vie normale. Cela passe par un effort que doit fournir le patient pour se sortir lui-même de sa condition, et affronter ses angoisses.
Cependant quel que soit l’avancée des recherches et des traitements, le problème de l’assurance a très vite été pris en charge. Dès le début des problèmes liés aux ondes électromagnétiques, de nombreux réassureurs
Le principe de précaution stipule que dans une situation de doute et même en l’absence de certitude scientifique, on doit prendre des mesures, mais celles-ci doivent alors être proportionnées aux incertitudes.
.
En conséquence, les assureurs eux-mêmes ont dû ajouter à leur liste d’exclusion (tous les problèmes non pris en charge par le contrat d’assurance) tous les dommages liés aux ondes électromagnétiques, et ce dans le but de ne pas retomber dans le gouffre financier qu’avait représenté le scandale de l’amiante plusieurs décennies plus tôt [6].
Des traitements existent, bien qu’ils semblent tous prendre comme cause première de l’EHS un problème psychologique. Et vous vous rendez compte que l’incertitude sur les possibles conséquences des ondes est si forte que les assurances elles-mêmes se désengagent. C’est maintenant fort de tous ces éléments que vous pourrez choisir d’appliquer ou non des mesures.