Aujourd’hui, certains chercheurs militent pour développer des diagnostics précoces d’Alzheimer. Malgré ces décennies d’investissement dans la recherche (cf Historique de la maladie), aucune avancée majeure sur le plan thérapeutique n’a eu lieu. Une des hypothèses est que les traitements sont commencés trop tard à un moment où des effets irréversibles de la maladie se sont installés: d’où l’enjeu actuel, tester des médicaments sur des personnes asymptomatiques ou au tout début de la maladie.
Cela semble cependant absurde d’effectuer des diagnostics, qui ne serviraient qu’à inquiéter les patients (à cause de la faible fiabilité des tests); en effet la maladie d’Alzheimer fait aujourd’hui très peur et peut avoir de lourdes conséquences sur leur vie. De plus, il peut parfois être totalement erroné, ce qui augmente son inutilité apparente. Cependant, si on souhaite trouver un remède un jour, il faut anticiper l’arrivée des premiers symptômes.
Beaucoup d’intérêt se cristallise donc autour de méthodes de diagnostic très précoces, c’est-à-dire avant même l’apparition des premiers symptômes. Les chercheurs se penchent sur des signaux biologiques qui pourraient indiquer la présence de la maladie plusieurs années avant qu’elle se déclare.
Pourquoi diagnostiquer?
L’intérêt d’un tel diagnostic serait à deux niveaux, non seulement au niveau de Jeanine et de son entourage mais aussi de la recherche autour de cette maladie.
Comment Jeanine et son entourage auraient-ils pu en profiter?
Cela aurait permis de mieux préparer les périodes les plus difficiles de la maladie, tant physiquement en aménageant ses lieux de vie, que psychologiquement en prenant le temps d’accepter cette maladie et en prenant ses dispositions pour l’avenir, comme par exemple la décision d’internement ou même l’éventualité d’une mort assistée. Ce cas s’est déjà produit quelques fois pour des “jeunes malades”, qui commencent à avoir des symptômes mais qui sont encore lucides et donc conscients qu’ils ont la maladie, et qui ont ainsi pu prendre leurs dispositions.
Selon l’association LECMA Vaincre Alzheimer c’est un moyen que le malade soit acteur dans sa prise en charge avant la perte d’autonomie. De plus, cela aurait permis aussi de prévoir « plutôt qu’un remède, un accompagnement », comme le souligne Catherine Ollivet, présidente de France Alzheimer, Jeanine aurait donc pu peut-être ainsi accepter la maladie et ne pas avoir peur d’être un fardeau pour sa famille.
De tels diagnostics permettraient à longue durée de connaître mieux toute la phase précédant l’apparition des symptômes, peut-être de découvrir des facteurs génétiques plus impliqués que ceux trouvés aujourd’hui par exemple.En effet les personnes atteintes de cette maladie auront dans le meilleur des cas été suivies depuis un certain temps avant la détection, ce qui va focaliser les chercheurs sur ces relevés sanguins etc un peu réalisés plus tôt dans la vie du patient. Ceci, on l’espère, mènera à une détection des causes premières de la maladie ou du moins de facteurs impliquant la maladie et qu’on pourra traiter à temps. Selon le Conseil National des Généralistes (CNGE) le diagnostic précoce serait tout de même plus utile au laboratoires pharmaceutiques qu’au patient lui-même.
Ainsi on peut espérer un jour guérir la maladie d’Alzheimer, ou du moins mieux la comprendre, mais cela passe par un diagnostic assez large de la population. Il s’agit d’effectuer une batterie de tests sur une partie de celle-ci. Cependant le problème suivant apparaît: la maladie restant assez peu fréquente, il faudrait un énorme échantillon de population, ce qui entraîne des coûts importants.
La question qui se pose ensuite est celle de la période de dépistage: plus on diagnostique tard, plus le risque qu’on soit déjà dans un stade trop avancé de la maladie (comme on l’est toujours aujourd’hui) est présent. D’autre part, diagnostiquer trop tôt sera peut-être sans résultats dans les premières années de la mise en place de l’expérience. En plus de cela, des tests devront probablement être refaits plus tard, ce qui engrange encore des frais supplémentaires.
Quelles conséquences économiques d’un tel plan?
Faire systématiquement des tests sur toute une partie de la population a un impact économique énorme. En effet ces tests sont nombreux, variés, et requérant des technologies assez avancées. Ainsi cela coûterait cher au service public au profit des différentes entreprises pharmaceutiques présentes dans la recherche pour cette maladie, principalement Biogen, Merck&Co et Eli Lilly, qui se battent pour un marché potentiel de 23 milliards de dollars.
Que feront les enfants de Jeanine diagnostic annoncera qu’ils seront susceptibles de contracter la maladie? Agnès Michon et Fabrice Gzil pensent qu’ils risquent payer une assurance plus chère en prévision de l’apparition de la maladie, ce qui est inconcevable s’ils finissent par ne jamais être malade. Cela entraîne des questions éthiques : peut-on faire les faire payer plus cher pour une maladie dont elle n’est pas responsable?