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La nécessité d’une collaboration avec les médecins

"L’objet connecté ne fait que donner l’alerte et apporter de l’information"

Nicolas Gusdorf, Président du Syndicat national des sociétés d’assistance (SNSA). [0]

"Seul, il n’a donc que peu de valeur ajoutée. Les assisteurs entrent alors dans “le jeu” et proposent des services complémentaires. Si vous avez un coaching en plus du bracelet connecté pour perdre du poids ou améliorer vos performances sportives, alors nous pensons que ce ne sera pas un effet de mode"

Guillaume Fichefeux, directeur marketing d’Europ Assistance. [0]

Il ne faut pas plus de six mois en moyenne avant que les bonnes résolutions s’évanouissent et que les objets connectés soient "oubliés" dans un coin.

Pour Guillaume Fichefeux, comme pour les assurances qui proposent des programmes santé, il apparaît nécessaire de mettre en place un coaching santé. Mais une des inconnues dans le cas de tels programmes est la façon dont sont établis les objectifs à atteindre. Or pour les médecins tels que le Docteur Postel-Vinay, il est absolument nécessaire qu’il y ait une collaboration étroite entre le domaine de la médecine et celui de l’assurance afin d’établir des programmes pertinents, et d’éviter un usage simplement marketing des objets connectés qui n’aurait aucunes retombées véritables en termes de santé publique.

"J’utilise[...] Internet, l’interactivité par les questionnaires et les objets connectés, notamment les tensiomètres, depuis… 1985. Ceux qui affirment que tout est nouveau me font sourire.... Il y a une grande naïveté, et même des confusions, vis-à-vis des objets connectés, tous soi-disant “bons pour la santé”."

Nicolas Postel-Vinay, médecin clinicien à Paris. [1]

"Puisqu’il y a 12 millions d’hypertendus en France, le potentiel est évident, car l’intérêt de l’automesure de la pression artérielle est d’ores et déjà médicalement bien prouvé. En France 4 millions de tensiomètres non connectés sont vendus chaque année."

Nicolas Postel-Vinay.

Or, grâce à une connexion qui permet l’implémentation des données directement dans une base de données, les erreurs de recopiage de mesure sont évitées grâce aux tensiomètres connectés. C’est pourquoi a été créé en 1999, le site automesure.fr. Beaucoup de tentatives d’utiliser les objets connectés en assurance santé en France ont échoué, car les exigences pour l’implémentation efficace de ces objets sont élevées. En plus de fournir une mesure fiable et de participer d’une démarche pertinente, l’objet connecté doit bien s’intégrer aux habitudes du patient et ne pas représenter une contrainte, ou bien il ne sera pas utilisé. C’est ce qui s’est passé avec la balance connectée, qui nécessite que les patients se pèsent effectivement, et qu’en plus leur médecin soient attentifs aux résultats qu’ils reçoivent. Toutefois, le Docteur Postel-Vinay reste enthousiaste quant au rôle futur de la télémédecine, et souhaite qu’à l’avenir, les assureurs accompagnent les médecins dans leurs programmes de recherche.

"Les assureurs qui se jettent sans expérience suffisante sur les objets connectés risquent d’être déçus. Prenons en exemple la déconvenue de l’Assurance maladie qui avait décidé de surveiller de façon connectée quelque 1,8 million de patients souffrant d’apnées du sommeil avec l’idée de lier la télé-observance connectée à une décision de déremboursement. Son projet n’était pas mûr et a été rejeté par le Conseil d’État. Quel gâchis ! Cet échec a freiné les perspectives de télémédecine en matière d’apnée du sommeil qui revêtent pourtant des potentialités intéressantes. Et je pourrai citer des programmes de suivi de pression artérielle qui sont parfois conçus dans des tours d’ivoire."

Dr Postel-Vinay.

Malgré les "potentialités" auxquelles croit le Dr Postel-Vinay, Les cahiers du numérique[2], dans un article étudiant l’intervention des systèmes d’assistance à la décision médicale dans le processus classique d’exercice de la médecine, relève qu’il s’observe particulièrement en France des réticences chez les médecins à l’utilisation des techniques de Big Data, ainsi qu’au développement de la télémédecine. Celles-ci pourraient apporter une aide considérable à la décision clinique, ou tandis que les autres pourraient éviter aux médecins d’avoir à réaliser un certain nombre de gestes qui leur incombent, mais qui ne requièrent pas leur niveau de qualification. Il y a là un temps considérable à gagner dans un pays ou les médecins ne sont pas assez nombreux, et sont surchargés de tâches routinières qu’eux seuls sont habilités à traiter. Cependant, ces techniques sont mal perçues par les médecins, car en remettant en question certaines de leurs pratiques, elles brouillent la frontière de la connaissance avec les patients et peuvent sembler questionner l’autorité du médecin sur les questions de santé. Cette frilosité s’explique vis-à-vis de l’utilisation d’algorithmes en santé doit être prise en compte dans l’appréciation du développement des programmes santé des assureurs en France.


Références :

[0] Remy Morgane (13 mai 2015). Objets connectés : les assisteurs élargissent leur domaine d'intervention (Dossier). Argusdelassurance.com.
[1] Legoff Eloïse (18 février 2016). Nicolas Postel-Vinay, médecin clinicien à Paris : «Les objets connectés sont porteurs d'un nouveau modèle médical». Argusdelassurance.com.
[2] Sybord Christine, « Big data et conception d’un système d’information d’aide à la décision clinique. Vers une gestion sociocognicielle de la responsabilité médicale ? », Les Cahiers du numérique, 1/2016 (Vol. 12), p. 73-108.