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Des données sensibles... car protégées par secret médical

Le docteur Didier Le Vaguerès, président de la Fédération des Médecins de France de l'Essonne, perçoit une menace pour le secret médical :

"Ne soyons pas naïfs, c'est le début de la fin du secret médical, dont ne vont pas manquer de profiter les payeurs que sont les complémentaires santé".

Didier Le Vaguerès, président de la Fédération des Médecins de France de l'Essonne. [0]

Au cours de la semaine du Lundi 17 Avril 2017 nous nous sommes entretenus au sujet du secret médical avec Monsieur Jean-Marie Faroudja, Président de la section Éthique et Déontologie du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) qui produira en fin d'année 2017 un document comportant des recommandations sur l'usage de l'intelligence artificielle et du big data en santé.

Un point sur lequel l’ordre des médecins maintient une position ferme est justement que, "le secret médical est général et absolu". Il est pour eux le garant des soins de qualités, car il est souvent la seule condition sous laquelle des patients peuvent accepter d’être soignés. La loi, s’accorde sur le fait qu’il ne faut pas le prendre à la légère. Le bafouer est passible d’emprisonnement et de 15000€ d’amende.

A ce sujet, en juin 2009, la CNIL s’adresse sur son site aux professionnels du domaine de la santé précisant les conditions déterminées par la loi, suivant lesquelles il est possible de transmettre des données de santé. Fondamentalement, il faut que ce soit dans "l'intérêt direct du patient" (afin d’assurer son suivi médical, faciliter sa prise en charge par l’assurance maladie obligatoire…) ou pour les besoins de la santé publique.

"De façon générale, les demandes de renseignements sur vos patients ne peuvent être satisfaites que pour des autorités publiques qui disposent, dans le cadre de l’exercice de leur mission, de prérogatives particulières pour se voir communiquer des informations : ces autorités sont alors appelées Tiers Autorisés."

CNIL [1]

Or les complémentaires santé ne font pas partie de ces tiers autorisés.

"Les informations médicales concernant [les] patients ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une cession ou d’une exploitation commerciale".

CNIL

Ainsi l’accès aux données d’acteurs tels que la sécurité sociale, la recherche n’est pas remise en cause. En revanche, elle précise que :

Ainsi, l’équipe de médecins en charge du patient ne transmettra jamais le contenu du dossier médical directement à l’assureur. Pour le Docteur Jean-Marie Faroudja[2], Président de la section Éthique et Déontologie du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), au mieux, les médecins transmettront le dossier médical au patient, qui lui le transmettra à un médecin nommément désigné par l’assurance qui jugera si oui ou non son comportement est adapté et optimal vis à vis de ses données de santé, comme c’est le cas aujourd’hui pour les assurances vie par exemple. Cela veut dire qu’en strictement aucun cas, l’assureur n’aura accès au dossier médical.

"Jusque-là, le partage d'informations avec des non-professionnels de santé se faisait de façon orale et n'était pas légal".

Ministère de la santé.
[Le décret du 22 juillet] rend le partage légal, mais il l'encadre strictement et rappelle que le patient peut toujours s'y opposer. Ce partage se fait dans l'intérêt du patient, pour mieux le prendre en charge et faire remonter du terrain des informations importantes. De toute façon, les médecins restent maîtres de l'information à partager."

[3]

Ceci pourrait bien faire obstacle aux assurances qui voudraient accéder aux données de santé des adhérents, du moins via leurs médecins. Parce que rappelons que pourvu qu’il y ait consentement éclairé, l’adhérent est tout à fait libre de transmettre ses données de santé à son assurance.


Références :

[0] Le Vaguerès Didier - président de la Fédération des médecins de France de l'Essonne.
Entretien réalisé le 10 mai 2017 à Paris.

[1] CNIL (11 juin 2009). Communiquer des données de santé. Cnil.fr
[2] Faroudja Jean-Marie - président de la section éthique et déontologie du Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM) depuis juin 2013.
Entretien réalisé le 18 avril 2017 à Paris.

[3] Rosenweg Daniel (24 août 2016). Un coup de bistouri dans le secret médical ? LeParisien.fr