Déroulé des évènements:
5 avril 2017
Annonce du festival Nyansapo qui se déroulera du 28 au 30 juillet 2017. Ce festival européen afroféministe se déroule à Paris. Un espace mixte est prévu, ainsi que plusieurs espaces non mixtes : un réservé aux femmes noires, un réservé aux personnes noires et un réservé aux personnes racisées. Ce festival a pour but de « construire des stratégies et des solidarités durables »[1] et plus particulièrement d’organiser leurs résistances en tant que mouvements afrofémistes. Un an auparavant, une membre de Mwasi expliquait pourquoi elle défendait la non-mixité[2]:
« Pourquoi j’aime la non-mixité ? Parce que pour moi, c’est l’impression d’être en sécurité. Je sais que je ne serais pas victime de micro-agressions racistes, sexistes (et que je devrais moi-même faire attention à ne pas alimenter d’autres oppressions). Je sais que je n’aurais pas à avoir à expliquer, re expliquer, re re expliquer certaines oppressions, certaines insultes, certains propos qui semblent inoffensifs.
Je sais que ma colère n’aura pas l’air stupide, jamais. Qu’elle ne sera pas utilisée comme une manière de me « taquiner », ou de me « provoquer », comme si j’étais un truc avec lequel dont on peut titiller les chairs à vif pour voir si je bouge encore. Je sais que je pourrais craquer et m’effondrer, sans devoir expliquer.
La non-mixité, c’est cet endroit qui te permet d’avoir la vision claire, sans distraction aucune. Sans demande incessante d’explications d’une oppression à quelqu’un qui soit de fait privilégié par ladite oppression. »
25 mai 2017
Le site FdeSouche relaye le programme du festival[3] et tweete:
Un Festival avec des espaces interdits aux Blancs organisé cet été https://t.co/OCZ6Tg4lOV pic.twitter.com/sK36ydo7hb
— Fdesouche (@F_Desouche) 25 mai 2017
On voit que le site FdeSouche est le premier à parler « d’espaces interdits aux Blancs ».
26 mai 2017 au matin
Wallerand de Saint-Just, trésorier du Front National, tweete un communiqué dans lequel il s’offusque qu’un « événement mettant en avant une conception ouvertement racialiste et antirépublicaine de la société » ait lieu « dans des locaux municipaux ».
26 mai 2017 après-midi
LCI rédige un article sur le sujet[4] en contactant les différents partis prenants. Le festival doit être organisé dans un local de la mairie du XIème arrondissement loué à l’association ‘la générale Nord-Est’.
La mairie affirme : « La Ville de Paris n’a pas d’autorisation à délivrer sur les évènements organisés dans un local qu’elle loue et n’a donc pas eu son mot à dire sur l’organisation ou la programmation de cet évènement ». Elle rappelle cependant qu’elle est attachée « à la possibilité pour tous d’avoir accès aux évènements culturels et condamne les critères discriminants d’accès à un festival quels qu’ils soient » et que le festival n’a reçu aucune subvention de la part de la Ville.
Alain Jakubowicz, président de la Licra « condamne fermement cet évènement « terrifiant et désespérant » où « des gens qui se sentent victimes de racisme ou de discrimination ne trouvent pas d’autres issue que l’entre soi ». « Rosa Parks doit se retourner dans sa tombe« , abonde-t-il. »On ne peut pas louer une salle qui va accueillir un festival qui est au moins en partie interdit aux blancs », lâche-t-il, demandant à la mairie de, à minima, désapprouver ce festival. » [4].
L’association la générale Nord-Est a quant à elle estimé auprès de LCI être « la cible d’une campagne de désinformation et de fake news orchestrée par l’extrême-droite« . « La Générale est historiquement un lieu de débats féministes et antiracistes, et non un lieu d’idéologies, nous précise l’association. Dans ce cadre nous avons été amenés plusieurs fois à travailler avec le collectif Mwasi, toujours de manière très enrichissante. » En soulignant que les groupes de discussions féministes n’ont pas attiré les mêmes réactions, La Générale ajoute : « Il s’agit d’un méthode de travail classique, dont l’utilité a été démontrée, pour que la parole puisse émerger librement et pour qu’une réflexion ouverte puisse prendre place sereinement. »
26 mai 2017 après-midi
La Licra réagit à l’évènement:
Festival « interdits aux blancs »: #RosaParks doit se retourner dans sa tombe. Le combat antiraciste devenu l’alibi d’un repli identitaire. pic.twitter.com/XXgvyQHOTh
— LICRA (@_LICRA_) 26 mai 2017
Les effronté•es, une association féministe et LGBT répond aux tweets d’Anne Hidalgo:
C quoi le problème? La mairie de Paris participe au financement de la maison des femmes de Paris par ex, un espace non-mixte.
— Les effronté·es (@efFRONTees) 28 mai 2017
Suite au tweet de la Licra, Anne Hidalgo, Maire de Paris, réagit:
Je demande l’interdiction de ce festival. Je vais saisir le Préfet de Police en ce sens.
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 28 mai 2017
Je me réserve également la possibilité de poursuivre les initiateurs de ce festival pour discrimination.
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 28 mai 2017
Christine Le Doaré, féministe, réagit à la polémique en publiant sur son blog l’article : Oui Anne Hidalgo, le racialisme est un racisme[5]. Elle critique sévèrement les afroféministes: celles-ci, en faisant croire en l’intersectionnalité, remplacent la lutte pour l’émancipation des femmes au profit de luttes communautaires.
Cette mouvance de l’entre soi se revendique de l’intersectionnalité des luttes, concept intéressant s’il ne servait surtout à détourner les femmes des luttes féministes au profit d’autres agendas politiques.
Ces afroféministes sont incohérentes dans leur façon d’établir les luttes prioritaires. En effet elles considèrent le « féminisme blanc », alors qu’il n’a jamais blessé physiquement une femme, plus dangereux que la charia.
Cette mouvance passe plus de temps à accuser le seul colonialisme européen qu’à lutter contre les périls immédiats de l’islam politique et autres régimes totalitaires ; plus de temps à critiquer un « féminisme blanc » que d’exprimer préoccupation et solidarité envers les femmes qui subissent les diktats de la charia ici et ailleurs ou les féminicides en Amérique du sud ou encore les reculs en matière d’avortement comme en Pologne, …
Ces afroféministes semblent avoir été fortement influencées par la pensée des oppresseurs en voyant la société à travers le prisme communautaire. Elles semblent même avoir été manipulées en voyant en la « féministe blanche » leur oppresseur.
Ce féminisme se dilue dans le système patriarcal car non seulement, il prend en compte des spécificités communautaires, et donc s’adapte à l’oppresseur, mais en plus il se trompe d’adversaire, assimilant globalement les femmes qualifiées de « blanches » à l’oppresseur. Il se complait dans une haine raciste de l’autre, « la blanche » qui ne peut plus être la sœur, la complice, la camarade de lutte, mais l’ennemie de race !
Le féminisme et la lutte antiraciste sont si différents qu’il est impossible d’assimiler ces deux luttes. C’est un point clef que les afroféministes n’ont pas compris.
Ce que la sociologue féministe (ndlr Christine Delphy ) (jadis matérialiste, défendant désormais des thèses différentialistes, essentialistes, racialistes), oublie de dire, c’est que racisme et sexisme ne sont pas assimilables.
Cette universitaire le sait parfaitement la non-mixité basée sur une prétendue race n’est en rien comparable avec la non-mixité du mouvement féministe :
– les luttes féministes concernent la moitié de l’humanité alors que les couleurs de peau, les origines, les religions et croyances sont aussi diverses qu’innombrables,
– les luttes féministes sont universelles et non fondées sur l’origine, l’ethnie, la « race » ou la couleur de peau car les femmes sont sur toute la planète discriminées et agressées par un socle commun de discriminations et de violences sexistes et sexuelles »
29 mai 2017
Tweets d’Anne Hidalgo expliquant comment aller se dérouler le festival:
#Paris est une ville mixte et je continuerai à veiller que cela reste le cas dans les lieux publics .
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 29 mai 2017
31 mai 2017
Le journal jeune Afrique interviewe Françoise Vergès, intellectuelle française, militante féministe et antiraciste. Elle défend les ateliers en non-mixité et réagit sur la polémique du festival Nyansapo[6].
Se rassembler en non-mixité a toujours semblé nécessaire aux groupes minoritaires:
Historiquement, tous les groupes dits minoritaires, c’est à dire vivant dans une société où un groupe détient le pouvoir et en abuse, ont ressenti le besoin de se constituer en non-mixité.
Le groupe au pouvoir s’est toujours opposé à ces mouvements non-mixtes:
La non-mixité a toujours fait réagir ceux qui détiennent le pouvoir car ils ont le désir de tout surveiller, tout contrôler.
Il existe bel et bien une fracture entre un antiracisme moral (Licra, SOS racisme…) et un antiracisme politique (groupes afroféministes).
Le fait que SOS Racisme et la Licra s’attaquent à l’initiative révèle-t-il une fracture dans le large mouvement antiraciste français ?
Cette fracture existe déjà et résulte du désir de vouloir contrôler la lutte antiraciste. Aujourd’hui, un nouveau discours s’étoffe, d’un antiracisme qui se veut politique et non plus moraliste. Cet antiracisme refuse la vision selon laquelle le racisme ne serait qu’une simple « erreur », et assure qu’une réelle idéologie raciste a pénétré les institutions, s’est insinuée dans la langue, la pensée, les arts, la culture.
Critiquer la non-mixité militante sous prétexte que l’antiracisme n’est que la quête d’unité est hypocrite, car cela conduit à ignorer qu’il existe encore bel et bien un racisme structurel découlant de la période colonisatrice en France.
Comprenez-vous les réticences et les critiques émises à l’encontre des événements politiques non-mixtes se basant sur l’idée que l’antiracisme ne peut être que la quête d’unité ?
C’est totalement hypocrite. Certes l’ignorance protège et il vaut mieux penser que on est « tous pareils », « frères et sœurs ». Mais avant qu’il y ait des alliances, il faut bien parler de ce qui divise et qui a été institué historiquement : les privilèges accordés aux membres de la société colonisatrice. Il suffit de lire les rapports du gouvernement lui-même ! Que vois-je quand je regarde l’Assemblée nationale, un club de chefs d’entreprise, le monde des arts et de la culture, le gouvernement, les présidents d’université, les boards des grandes écoles? Une majorité d’hommes blancs se plaçant à la tête d’une société dont l’Institut national d’études démographiques (Ined) dit qu’elle est aujourd’hui constituée de 30% de non-Blancs. »
[1] mwasicollectif, « Festival NYANSAPO », Mwasi (blog), 5 avril 2017, https://mwasicollectif.com/2017/04/05/festival-nyansapo/.
[2] Kiyémis, « Réflexions sur la non-mixité. », Les bavardages de Kiyémis. (blog), 16 mars 2016, https://lesbavardagesdekiyemis.wordpress.com/2016/03/16/188/.
[3] « Hidalgo donne la permission aux organisateurs du Festival d’exclure les Blancs mais dans un lieu privé (MàJ) – Fdesouche », consulté le 8 juin 2018, http://www.fdesouche.com/856259-un-festival-avec-des-espaces-interdits-aux-blancs-organise-cet-ete.
[4] Youen Tanguy, « Un festival en partie “interdit aux blancs” va-t-il se tenir cet été à Paris ? », LCI, 28 mai 2017, https://www.lci.fr/societe/un-festival-en-partie-interdit-aux-blancs-va-t-il-se-tenir-cet-ete-a-paris-2053289.html.
[5] Christine Le Doaré, « Oui Anne Hidalgo, le racialisme est un racisme », irréductiblement féministe ! (blog), 29 mai 2017, https://christineld75.wordpress.com/2017/05/29/oui-anne-hidalgo-le-racialisme-est-un-racisme/.
[6] Jules Crétois, « Françoise Vergès : « La non-mixité fait réagir ceux qui détiennent le pouvoir car ils ont le désir de tout contrôler » », JeuneAfrique.com (blog), 31 mai 2017, http://www.jeuneafrique.com/443803/societe/francoise-verges-non-mixite-reagir-detiennent-pouvoir-ont-desir-de-controler/.