Racisé.e:

Le mot « racisé.e » est un mot qui proviendrait de la recherche en sciences sociales. « A l’origine utilisé par les universitaires et chercheurs en sciences sociales, le terme connait ces dernières années un succès croissant dans les cercles militants antiracistes (surtout parisiens). Il désigne les personnes (noires, arabes, roms, asiatiques, musulmanes, etc.) renvoyées à une appartenance (réelle ou supposée) à un groupe ayant subi un processus à la fois social et mental d’altérisation sur la base de la race. Les « racisé-e-s » sont celles et ceux qui appartiennent (réellement ou non) aux groupes ayant subi un processus de « racisation » »1.  

Les militants soulignent que l’usage d’un tel mot n’a rien à voir avec une « race biologique » qui n’existe pas. « Mais les races, sociologiquement, existent avec des conséquences en termes économiques, entre autres avec une proportion importante de « non-blancs » en bas de l’échelle sociale (chômage, bas salaire, prison, etc.). Le mot « raciséE » décrit des réalités sociales liées à l’histoire : stigmatisation, discrimination, exploitation, (néo)colonialisme, mais aussi résistance »2.     

Dans un article au titre évocateur Si vous ne voyez pas la race, comment pourriez-vous voir l’inégalité raciale ?3,Adia Harvey Wingfield affirme que « le langage dominant aujourd’hui autour des questions raciales est typiquement celui d’un déni de la race » et que « les mécanismes qui reproduisent les inégalités raciales sont devenus plus cachés et obscurs que ce qu’ils étaient pendant l’ère de la ségrégation ouverte et légale » : « Le langage du racisme explicite a cédé la place à un discours du déni de la race. » 

Néanmoins, il y a une vraie difficulté à faire accepter cette définition au sein du débat public.  Par exemple, Juliette, la militante de Tolbiac, parle pour définir la non-mixité sur LCI de « personne racisée, c’est-à-dire une personne qui n’est pas de couleur blanche »4. Ou bien, Noé le Blanc, militant de Sud Education 93, qui lors d’une interview5, nous a confié qu’il y avait eu de gros débats en interne pour savoir si les portugais étaient des personnes racisé.e.s. Ceci illustre que les militants ont du mal à vulgariser ou à définir leur vocabulaire.  

De même, la « non-mixité racisée » est fréquemment interprétée, par un grand nombre d’acteurs, de l’extrême-droite en passant par des articles parus dans la presse à grande distribution, comme un « interdit aux blancs »6,7.  

Intersectionnalité :

L’intersectionnalité est un terme issu des sciences sociales, qui aurait été introduit dans le contexte féministe par l’universitaire américaine Kimberlé Crenshaw en 19898.

Il s’agit d’une situation où une personne subit plusieurs formes de discrimination simultanément : par exemple, une femme racisé.e subit à la fois le sexisme et le racisme, mais sa discrimination ne se limite pas à une simple addition des deux types de discrimination. Comme décrit par les Black Feminist par exemple, les femmes noires américaines souffraient des stéréotypes de « « nounou des blanc/hes », matriarches, Sapphire, pute ou gouine camionneuse » 9.

Les groupes non-mixtes racisé.e.s ou minorités de genre revendiquent donc une approche intersectionnelle.

 

 


1EspritRebelle, « Ce que le mot “racisé-e” exprime et ce qu’il masque », Club de Mediapart, 2 janvier 2017, https://blogs.mediapart.fr/espritrebelle/blog/020117/ce-que-le-mot-racise-e-exprime-et-ce-quil-masque.

2Marie-Julie Chalu, « AssiégéEs, nouvelle offensive politique | Africultures », Africultures, 12 mai 2015, http://africultures.com/assiegees-nouvelle-offensive-politique-12977/.

3Adia Harvey Wingfield, « Si vous ne voyez pas la race, comment pourriez-vous voir l’inégalité raciale ? », Etat d’Exception, consulté le 15 juin 2018, http://www.etatdexception.net/si-vous-ne-voyez-pas-la-race-comment-voudriez-vous-voir-linegalite-raciale/.

4David Pujadas, « Juliette militante et étudiante à Tolbiac », Le Club Pujadas(LCI, 20 avril 2018).

5Noé Le Blanc, Entretien avec Noé Le Blanc, adhérent au syndicat SUD Education 93, 5 mai 2018.

6« Un camp d’été «décolonial» interdit aux blancs », FIGARO, 21 avril 2016, http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/04/21/01016-20160421ARTFIG00149-un-camp-d-ete-decolonial-interdit-aux-blancs.php.

7Philippe Kerlouan, « Anne Hidalgo et Wallerand de Saint-Just contre le festival Nyansapo », Boulevard Voltaire, 30 mai 2017, http://www.bvoltaire.fr/anne-hidalgo-wallerand-de-saint-just-contre-festival-nyansapo/.

8Kimberle Crenshaw, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics », University of Chicago Legal Forum1989 (1989): 139.

9 Combahee River Collective. Déclaration du Combahee River Collective (titre original: « A Black Feminist Statement »). In Black Feminism: Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000, traduit par Jules Falquet, 1977. Bibliothèque du féminisme. Paris: L’Harmattan, 2008, 1989.