Le choix de la meilleure approche de la compensation écologique se fait entre trois possibilités : une approche surfacique, une approche fonctionnelle et une approche servicielle.
Lors des 2 981 projets de compensation recensés par , les maîtres d’œuvre ont eu l’occasion d’expérimenter chacune de ces options. Leur choix a engendré des désaccords avec les autres acteurs du projet.
Approche surfacique, la meilleure approche ?
Approche surfacique de la compensation
L’approche surfacique de la compensation consiste à associer à chaque hectare impacté un coefficient de compensation. Ce coefficient reflète la rareté des espèces (faune ou flore) qui y vivent. Par exemple « une approche […] surfacique de compensation d’une espèce à valeur patrimoniale élevée aboutirait à une compensation avec un ratio élevé (comme de 5 à 10 hectares de compensation pour un hectare impacté) »
Le choix de l’approche surfacique comme « meilleure méthode » a généré des controverses. Il lui a été reproché
- son manque de précision. M. Fabien Quétier, directeur d’études au sein du bureau d’études Biotope remarque ainsi durant une audition face à une commission sénatoriale que l’approche surfacique « aboutit arbitrairement à choisir des ratios surfaciques sans réfléchir au contenu technique des mesures proposées sur telle ou telle surface » ;
- son caractère irréaliste, comme le souligne l’association « Les Naturalistes en Lutte » : « les ratios moyens imposés dans le cadre de compensation au niveau international sont de 10 pour 1 (par exemple 10 ha compensé pour 1 ha détruit), or cette étude montre que des ratios de 20 pour 1 voire de 100 pour 1 seraient plus réalistes. » . L’application stricte de la méthodologie surfacique demande de compenser sur des surfaces bien supérieures à celles disponibles au voisinage du chantier. M. Fabien Quétier ajoute que cette approche « rend parfois les engagements des maîtres d’ouvrage entièrement irréalistes dans leur mise en œuvre et non nécessairement pertinents. » .
Notons que l’association « Les Naturalistes en Lutte » et le bureau d’étude Biotope s’accordent quant à l’inefficacité de l’approche surfacique de la compensation, malgré leur opposition dans le projet de Notre-Dame des Landes.
L’approche fonctionnelle, meilleure méthode ?
Approche fonctionnelle de compensation
La compensation fonctionnelle met en miroir les « pertes » et les « gains », évalués en termes de surface qualifiée, pour chacune des espèces impactées, et nommés « unités de compensation ». Les différentes opérations de compensation possibles sont ainsi comparées du point de vue de leur plus-value (la qualité ou capacité d’accueil finale des habitats travaillés en comparaison de leur état initial), et en considérant leur faisabilité et leur coût. Ainsi, le maître d’ouvrage et ses partenaires ont pu ajuster le volume de la compensation (en surface) en fonction de son efficacité (en unités de compensation par unité de surface) et ainsi intégrer au mieux la compensation dans un territoire aux multiples contraintes.
L’approche fonctionnelle de la compensation écologique est considérée par le bureau d’étude en génie écologique Biotope comme la plus performante actuellement. Biotope met ainsi cette méthode en œuvre sur la majorité de ses projets, notamment le projet aéroportuaire de Notre-Dame des Landes.
Néanmoins, la pertinence scientifique de cette méthode fait controverse à deux égards :
- Dans , Marthe Lucas fait remarquer que « plusieurs espèces peuvent rendre la même fonction », tout en soulignant que ces espèces peuvent offrir à l’homme des services différents. Par exemple, l’une des des espèces peut être utilisée en médecine, ou être plus esthétique. L’approche fonctionnelle ne tient pas compte de cette possibilité ce qui lui est reproché.
- La difficulté à justifier la valeur des ratios. Cette difficulté est soulignée par le collège d’experts sollicité par le préfet de Loire Atlantique en 2012 concernant le projet de Notre -Dame des Landes : « Le collège conclut que [les coefficients] sont insuffisamment justifiés, tant sur le choix même de la nature de ces coefficients que de leurs valeurs, du nombre de classes ou des sauts de valeurs le long de l’échelle totale. Or le choix fait par les maîtres d’ouvrage d’utiliser une méthode de compensation fonctionnelle leur imposait de justifier le choix de ces coefficients et les valeurs retenues. » . Remarquons que cette difficulté est inhérente à l’approche fonctionnelle et non simplement un cas particulier du projet de Notre-Dame des Landes puisque le choix de coefficients se fait à « dires d’experts ».
Selon un socio-économiste travaillant à l’Agence Française pour la Biodiversité, les bureaux d’études « ont plutôt intérêt à avoir leur propre méthode plutôt que d’appliquer une méthode unique, parce que c’est quelque chose qu’ils chiffrent auprès d’un maître d’ouvrage » : cela apporte un éclairage différent sur le choix de Biotope pour cette approche de la compensation.
Approche servicielle, meilleure méthode ?
Approche par les services écosystémiques
Les services écosystémiques désignent les bénéfices que les êtres humains tirent du fonctionnement des écosystèmes. Ils se classent en quatre catégories : les services d’approvisionnement (production de nourriture, de fibres, d’eau douce), les services de régulation (pollinisation, régulation de la qualité de l’eau), les services culturels (l’enrichissement spirituel, l’inspiration artistique ou les loisirs) et les services d’appui (cycles naturels, formation des sols, production primaire). .
La prise en compte des services écosystémiques est particulièrement importante dans le cas des zones humides, comme le souligne Marthe Lucas dans , du fait ‘de leur importance pour la gestion intégrée de l’eau.’ .
Dans , Marthe Lucas, écologue chercheuse à l’Université d’Avignon, souligne l’importance de la prise en compte des services écosystémiques, du fait « de leur importance pour la gestion intégrée de l’eau » . Cependant, un socio-économiste travaillant à l’Agence Française pour la Biodiversité explique que l’introduction des servies écosystémiques
« complexifiera la chose […] parce que là vous êtes sur une approche […] anthropocentrée et donc il va falloir arriver à connecter un état des milieux avec les bénéfices rendus pour les humains. Ça revient à remettre encore de la complexité dans quelque chose qui n’est déjà pas forcément très simple […] parce que tous les milieux sont très différents »
et qu’un même milieu peut rendre, selon sa situation géographique, des services très différents, .
L’approche servicielle de la compensation écologique étend l’approche fonctionnelle en tenant compte des interactions entre l’homme et la nature : elle est donc plus complète. C’est pourquoi la controverse porte sur son applicabilité plutôt que sur ses applications passées. La controverse est alors moins vive qu’en ce qui concernait les deux approches précédentes, puisque l’approche servicielle est encore très peu mise en œuvre.