Comment juger un dossier ?

La différence entre les critères des associations, plus réactives, et ceux de la Banque de France font régulièrement débat. Qu’en est-il du jugement impartial d’un dossier de surendettement en France ?

Le dépôt d’un dossier devant la commission de surendettement est une étape incontournable pour faire face à des difficultés financières devenues trop importantes. Ce dossier de surendettement constitué de divers documents relatant votre situation financière sera ensuite accepté ou non par la banque de France. (Article L712-2 du code de la consommation). 

La question de cette rubrique est de déterminer les critères selon lesquels la Banque de France décide d’accepter ou non un dossier de surendettement. 

La commission de surendettement, chargée de l’analyse du dossier, s’appuie sur différents critères pour accepter ou non la demande d’une personne endettée. Parmi ces critères on peut noter (selon la Banque de France [22]) : 

  • La situation personnelle, familiale et professionnelle 
  • Son patrimoine 
  • Ses revenus, ses charges et ses dettes 
  • Ses capacités de remboursement 
  • Sa bonne foi. 
 
Cette commission est composée du préfet qui préside la commission, d’un responsable de la direction des finances publiques chargé de la gestion publique qui est vice-président, d’un représentant de la Banque de France qui est secrétaire, d’un représentant de l’AFECEI (Association Française des Etablissements de Crédit et des Entreprises d’Investissement), d’un représentant des associations familiales ou de consommateurs, d’une personne ayant travaillé au moins 3 ans dans le domaine de l’économie, d’une personne possédant une licence en droit et ayant travaillé 3 ans dans le domaine juridique. 
Le dépôt d'un dossier devant la commission de surendettement est une étape incontournable pour faire face à des difficultés financières devenues trop importantes.
Si la bonne foi est présumée, on voit que l'analyse d'un dossier découle de présupposés.

Néanmoins certaines associations, comme le président de  CRESUS Jean-Paul Lerner l’affirme, dénoncent l’insuffisance de ces critères : 

Si la bonne foi est présumée (le créancier doit réfuter cette dernière avec une preuve), on voit que l’analyse d’un dossier découle d’un présupposé.  Ainsi les critères de jugement d’un dossier laissent place à une part de subjectivité de la part de la personne en charge de l’examen du dossier. Dès lors, le contexte ayant amené une personne à se surendetter apparait comme un élément primordial lors de la négociation. De ce point de vue, les critères semblent donc être assez flous et varier fortement d’une situation à une autre (Sebastien Plot dans [15]). Outre cette subjectivité qui reste otut de même au coeur de nombreuses appréciations de justice, Sebastien Plot écrit que « la question de savoir qui aider s’établit dès lors à partie de la frontière de ce qui est jugé acceptable ou non ». Ces commissions sont donc particulièrement sensibles aux critères sociaux dont fait preuve la victime. Par ailleurs, dans le même article ([15]), Sebastien Plot décrit les retours de certaines personnes de la commission qui donnent à voir l’influence des associations comme CRESUS, qui connaissent les rouages de cette institution, et qui aident donc parfois les victimes à guider leur dossier. 

En particulier CRESUS appuie sur le critère durable et long-terme de l’impossibilité de rembourser ses dettes. C’est-à-dire que si la personne peut dans un futur proche par exemple retrouver un travail et ainsi améliorer son profil financier, CRESUS ne considérera pas cette personne comme surendettée.

En outre, la mise en pratique de ces critères fait débat ([13]). La première action des associations de consommateurs est de recevoir la personne vivant dans cette situation et d’évaluer son surendettement. Dans un premier temps, les employés de CRESUS analysent sa situation financière et sociale. L’association analyse les dépenses, les revenus, et les actifs, mais aussi la composition du foyer de la personne. A partir de cette analyse, elle détermine si la personne est surendettée, et si oui à quel point. Cependant, même si CRESUS juge un foyer en surendettement, il n’est pas sûr que cela soit l’avis de la Banque de France, comme le dit Jean -Paul Lerner (président de CRESUS)…  

De plus l’opacité du processus peut causer des litiges avec les créanciers dans la mesure où ces derniers deviennent incapables de comprendre les raisons qui ont mené à l’effacement des dettes d’un particulier([13] et [14]). Ce manque de transparence dans le traitement des dossiers peut donc porter préjudice aux créanciers puisque ces derniers se retrouvent dans l’impossibilité de prêter de l’argent avec sérénité. De la même manière, l’absence de critères précis pour l’acceptation d’un dossier de surendettement rend la tâche plus difficile pour les associations et la personne surendettée.

Cependant, même si CRESUS juge un foyer en surendettement, il n’est pas sûr que cela soit l’avis de la Banque de France.

 

On remarque ainsi que dans une situation aussi complexe qui prend en compte de multiples facteurs sociaux et économiques implique une définition floue, qui trouve ses limites et qui laisse place à l’interprétation selon les acteurs, ce qui mène à une divergence entre les différents acteurs. 

La plus grande amélioration possible est sur l’accès aux informations pour les consommateurs : comme vu précédemment, Crésus affirme que la plupart des gens en difficulté ont du mal à s’identifier en tant que « surendetté » car ils ne trouvent pas d’information suffisante ou claire sur le sujet. Ils arrivent donc trop tard voir l’association ou commencent tardivement les procédures nécessaires. Ces dernières sont souvent complexes et donc dissuasives, et Crésus accuse l’Etat de ne pas remédier à cette barrière administrative, afin d’éviter trop de demandes de dossiers.  

De plus, Crésus ajoute que surendettement va souvent de pair avec handicap face aux nouvelles technologies. L’information peu accessible constitue donc un cercle vicieux pour les personnes les plus endettées.

Le manque d’efficacité des systèmes d’information est intimement lié au système administratif actuel. Beaucoup d’associations de consommateurs, telles que Cresus, accusent un système flou et peu clair, qui dissuade les particuliers de faire les procédures. 

Quel intérêt pour l’administration française de recourir à la politique de l’autruche ? Selon Cresus, cela permettrait de limiter le nombre de dossiers déposés, les personnes surendettées n’ayant pas nécessairement l’information complète. 

Néanmoins, notre hypothèse est que cette stratégie permettrait de responsabiliser en amont. En effet,  les personnes lourdement endettées n’ayant pas l’information d’un possible rachat de dette, n’ont donc pas la connaissance d’un possible plan B. 

Sources

[13] Fraisse, H., & Muller, A. (2011). Les commissions de surendettement des ménages : de l’objectif de négociation à la prévention de la rechute. Economie et statistique443(1), 3‑27. En ligne :

https://doi.org/10.3406/estat.2011.9622

[14] Friant-Perrot, M. (2012). The French Consumer Credit Act (2010): A missed opportunity. In J. Devenney & M. Kenny (Eds.), Consumer Credit, Debt and Investment in Europe 111-126. Cambridge: Cambridge University Press.

https://doi.org/10.1017/CBO9781139003469.007

[15] Plot, S., (2013). Le consommateur au crible de la commission de surendettement : Régime de visibilité, régime de crédibilité et régime de normalité de la dette du particulier. Actes de la recherche en en sciences sociales, 199, 88-101

[22] Rapport de la banque de France (2017), Guide du surendettement. En ligne :

https://particuliers.banque-france.fr/sites/default/files/guide-surendettement.pdf

Site officiel de la banque de France :

https://www.banque-france.fr

Site officiel de Crésus :

https://www.cresus-iledefrance.org