Le catharisme à l’épreuve du déconstructionnisme
L’école des sceptiques du catharisme – que l’on appelle aussi parfois « déconstructionnistes » – telle qu’on l’entend est née vers la fin des années 90. On retrouve à l’origine de ce mouvement Monique Zerner et d’autres historiens ayant participé à l’écriture d’Inventer l’hérésie (voir chronologie) en 1998 comme Jean-Louis Biget. Ce livre est le premier à présenter concrètement une déconstruction de la vision du catharisme et d’autres éléments de l’hérésie au Moyen-Âge par ailleurs. Ces auteurs participent moins activement au débat qu’auparavant, mais ont continué à écrire plusieurs articles sur leur analyse de l’hérésie dans le Midi. (Biget 2008) Cela malgré plusieurs attaques envers leur travail, auxquelles ils ont ensuite eux-mêmes répondu (Zerner 2006). Les articles qu’ils ont écrits restent la base des arguments des sceptiques du catharisme et ils sont encore très souvent cités.
Il existe encore plusieurs historiens qui ont en quelque sorte pris la relève des sceptiques du catharisme. On retrouve parmi eux notamment Julien Théry, qui ne se spécialise pas uniquement sur le catharisme ou l’hérésie mais a énormément participé au débat. Il a notamment écrit l’article « Cathares : une histoire qui blesse », qui répond aux critiques parfois virulentes contre ceux réfutant la vision traditionnelle des cathares. Les historiens s’intéressant au catharisme ne se trouvent pas uniquement en France : un des plus grands historiens sceptiques du catharisme est Robert I. Moore, un britannique qui a écrit The War on Heresy, autre livre de référence qui soutient que le catharisme serait une construction de l’Église.
On pourrait enfin citer Alessia Trivellone, qui a récemment monté avec ses étudiants une exposition « Le catharisme n’a jamais existé » (voir chronologie), à l’université Paul-Valéry de Montpellier, qui a été citée de nombreuses fois dans des articles de presse, faisant d’Alessia Trivellone une figure de proue des historiens remettant en cause la vision traditionnelle des Cathares.
D’autres historiens que l’on pourrait considérer comme sceptiques pourraient être cités, tels Mark G. Pegg ou Uwe Brunn. D’une façon générale, cette école d’historiens participe au projet HéPos qui vise à étudier l’hérésie en effectuant une étude plus critique des sources.
En 1998, le volume collectif Inventer l’hérésie ?, fruit de plusieurs séminaires organisés à Nice par Monique Zerner, tombait comme un pavé dans la mare. Le propos principal des chercheurs de l’« école de Nice » n’était en principe pas révolutionnaire : ils se proposaient de « considérer les sources dans la logique de leur production ». Cette démarche menait toutefois inévitablement à mettre en évidence les « manipulations des textes par l’institution ecclésiastique ». Dès lors, les historiens se divisent sur des questions lancinantes : l’hérésie a-t-elle pu être inventée par ses persécuteurs afin de se débarrasser de leurs ennemis ? Quelle est la part de construction des hérésiologues du XXe siècle ? Qu’en est-il par exemple des cathares, omniprésents dans les publications sur l’hérésie, mais très rarement mentionnés dans les sources médiévales ?
Page « À propos du Site HéPos, consultée le 17/06/2019
Ces historiens défendent l’idée que le catharisme est un mot mis sur des mouvements religieux et sociaux hétérogènes par l’Eglise pour des raisons politiques au Moyen-âge, avant d’être romancé au XIXème siècle. La principale contestation concerne la fiabilité des sources utilisées pour construire le modèle traditionnel. Ces historiens expliquent eux aussi s’appuyer sur les sources historiques à leur disposition ; cependant ils les exploitent et les sélectionnent différemment selon leur authenticité estimée, et remettent en cause l’historiographie traditionnelle du catharisme.
Les sceptiques accusent donc les historiens traditionnels de ne pas prendre suffisamment de recul sur leurs sources et de se laisser trop influencer par les travaux des historiens du siècle passé. Un regard plus objectif sur les sources montrerait bien selon eux que le catharisme n’a jamais formé un tout uni et cohérent.