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CONTROVERSE SCIENTIFIQUE

 

Plusieurs décennies ont passé sans qu’aucune certitude n’émerge, car les outils épidémiologiques ne sont pas capables de distinguer un petit bénéfice d’une absence totale de bénéfice ou même d’un petit effet néfaste. A partir d’une abondante littérature scientifique exprimant des résultats contradictoires, on peut aujourd’hui sélectionner toutes les données qui plaident pour une hypothèse et présenter des « résultats complets » qui donneront l’impression que cette hypothèse est prouvée ; seuls échappent à ce piège ceux qui connaissent les « résultats complets » plaidant pour l’hypothèse inverse.

Les partisans de la réduction des apports sodés ont souvent usé de cette argumentation des « résultats complets » pour rejeter les découvertes qui ne correspondaient pas à leur point de vue. En 1984, par exemple, David McCarron et coll. (Université de Portland) publièrent dans Science l’analyse d’une base de données nationale en nutrition et santé, suggérant que le sel était sans danger ; ils furent pris à partie dans la même revue par Sanford Miller, Claude Lenfant -directeur du NHLBI -, et Manning Feinleib - alors directeur du Centre National de Statistiques de Santé - : une de leurs critiques était que McCarron et coll. n’avaient pas « Essayé de mettre en adéquation leurs conclusions avec les nombreuses données expérimentales et épidémiologiques suggérant que les apports sodés alimentaires jouent un rôle important dans l’hypertension ». Il faut savoir qu’au moment de cette critique, le NHLBI de Lenfant était sur le point de financer la plus vaste études internationale jamais effectuée sur le sujet, connue sous le nom d’Intersalt, et dont le but était précisément de déterminer si le sel jouait ou non un rôle dans l’hypertension. Stamler lui-même, grand artisan de l’étude Intersalt, décrivait la littérature sur le sel et la pression artérielle à l’époque comme « essentiellement faite d’études inconsistantes et contradictoires ».

L’interprétation unilatérale des données a toujours été une tendance dans la controverse sur le sel. Dès 1979, par exemple, Olaf Simpson, médecin à la faculté de médecine d’Otago (Nouvelle Zelande) décrivait une « situation dans laquelle la moindre petit argument en faveur d’un lien sel-pression artérielle est accueilli comme une nouvelle preuve de ce lien, tandis qu’une étude négative sera réfutée pour une raison ou une autre ». Médecin à l’Université de Glasgow, Graham Watt évoque « Une approche du raisonnement épidémiologique à la Bing Crosby »- en d’autres mots, « Accentuer ce qui est positif, éliminer ce qui est négatif ». L’épidémiologie selon Bing Crosby permet de aux chercheurs de trouver ce qu’ils cherchent dans un champ ou les données sont contradictoires, mais ne permet pas d’établir ce qui est vrai.

Cette situation est exacerbée par la remarquable incapacité des chercheurs dans le domaine du sel à être d’accord sur la crédibilité de telle ou telle étude. En revanche, on considère souvent comme fiables les études qui aboutissent au résultat désiré. En 1991, par exemple, le BMJ (British Medical Journal) publiait en quatorze pages et en 2 parties, une méta-analyse émanant de Malcolm Law, Christopher Frost, et Nicholas Wald, épidémiologistes à l’Hôpital St. Bratholomew de Londres. Leur conclusion : « La relation sel-pression artérielle est substantiellement plus importante que ce qui était jusqu’à présent admis ». La même année, Swales critiquait vivement cette analyse, en la décrivant comme « gravement erronée » lors de la réunion annuelle de la Société Européenne d’Hypertension à Milan. « Il n’y avait pas une seule personne présente dans la salle qui eût pensé que l’analyse du BMJ valait quoi que ce soit après çà », avoue Lennart Hansson de l’Université d’Uppsala (Suède), présent lors de cette réunion, et ancien président des sociétés européenne et internationale d’hypertension. La critique de Swales fut par la suite publiée dans Journal of hypertension.

 

 

 

 

 

 

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