1994-1998 : La gestion locale du problème par l'IPHB et des réintroductions réussies par ARTUS
Ces 3 années vont voir la remise en cause de la gestion de l' IPHB . En effet, un audit sur la gestion de l'ours et le développement durable est mené durant l'année 1995 et est accueilli glacialement par l'IPHB étant donné qu'il critique quelque peu les méthodes de l'institution. Pour redresser la situation, le Syndicat Mixte , instance de l'IPHB, décide, sans l'avis du CGP , autre instance de l'IPHB, un « pacte collectif » qui ne fait qu'envenimer les dissensions internes.
Parallèlement, la gestion de l'ours dans les Pyrénées Centrales ne semblent poser aucune difficulté. En 1996 et 1997, l'association ARTUS et l' ADET réintroduisent, avec succès, 3 ourses slovènes.
1994 : L'IPHB se met en place. Un ours est tué lors d'une battue au sanglier.
Il reste 7 ours de souche pyrénéenne dans le Haut Béarn.
1995 : L'IPHB doit donner des garanties au monde extérieur qu'il utilise bien les financements de l'Etat et de l'Europe. Un audit sur la gestion de l'ours et le développement durable est demandé . Une Commission de Suivi de l'Audit est crée au sein de l'IPHB. Elle rédige un cahier des charges et lance un appel d'offre international. L'audit se déroulera en 2 phases :
- rapport sur la biologie de l'ours, les conditions techniques de sa conservation, ainsi que la vision du problème et des solutions possibles par les acteurs locaux.
- remise du projet aux partenaires locaux, et organisation d'un débat public avec une démarche participative.
L' AScA , bureau d'études spécialisé dans la gestion Environnementale et Christopher Servheen (Université du Montana, US Fish and Wildlife Service), l'un des experts internationaux les plus réputés en biologie et conservation de l'ours, remportent l'appel d'offre.
Eté 1995 : Travail du bureau d'études : L'AScA- Servheen réalise de nombreux entretiens, pour comprendre les enjeux technico-économico-humains du développement durable des vallées. Ils étudient avec des techniciens locaux les dispositifs de suivi de l'ours. Le travail est supervisé par la Commission de Suivi de l'Audit. L'atmosphère est tendue.
Août 1995 : Une photo d'une ourse et de son petit prouve l'existence d'un ourson né l'hiver précédent . Le Ministère de l'Environnement (via Corinne Lepage, ministre de l'époque), et le Syndicat Mixte (présidé par Jean Lassale ) veulent être les premiers à annoncer la bonne nouvelle. Un concours (du plus beau dessin et du plus joli prénom) est organisé dans les écoles des vallées : l'ourson s'appellera Pyren . Est-ce le signe d'une dégradation qui n'en finit pas ou d'un redressement ?
Janvier 1996 : Travail du bureau d'études : 3 réunions publiques (une par vallée) sont tenues pour discuter avec les valléens de la démarche en cours.
Pendant la période de l'audit, l'IPHB communique beaucoup et traite exemplairement de petits dossiers . Une « Lettre de l'IPHB » est publiée qui tire un premier bilan de son travail. Les projets de coupes forestières sont examinés systématiquement. Dans 19 cas, cela donne lieu à un report de coupe. Les projets de pistes sont remis en discussion, 3 sont débloqués. Le CGP donne un avis favorable à la piste de Couerq (à propos de laquelle existait un conflit depuis plusieurs années), qui est pourtant sur le territoire du Parc National . L'IPHB met en place de multiples actions en partenariat avec le FIEP et le Parc National envers les bergers : équipement de radiotéléphones, rénovations de cabanes, héliportage de matériel. Des dossiers de subventions sont montés avec le Centre Ovin . Enfin, le travail du GIC prospère, avec des actions diverses sur l'isard, le sanglier, le lagopède, le grand tétras. En ce qui concerne réellement l'ours, un protocole est rédigé qui permet de neutraliser un éventuel ours à problème. Des reports de coupes et des déplacements de battues sont décidés pour protéger l'ourson né en 1995.
En fait, les mesures prises sont les mêmes qu'auparavant à la différence qu'elles sont maintenant prises par des élus.
Mars 1996 : Premier rapport du bureau d'études : il présente les résultats de la première partie de l'étude. Il valide les travaux locaux. 5 ours sont présents sur les vallées du Haut Béarn. Une première conclusion est que la conservation de l'ours n'est plus possible sans renforcement extérieur de la population. Le nourrissage ou le conditionnement des ours ne seront pas suffisants pour les parquer dans des zones reculées, il est donc nécessaire d'être extrêmement prudent dans la construction de routes en zone à ours.
Bref, la conclusion de l'AScA est la suivante : Un choix fondamental est à faire sur l'acceptation ou non des contraintes inhérentes au projet de conserver une population d'ours. Il n'est pas envisageable de conserver l'ours sans une stabilisation puis une diminution de la pénétration des zones par les véhicules. Le projet d'augmenter la pénétration tout en renforçant la population d'ours n'est pas acceptable.
Mars - Juin 1996 : Le rapport est accueilli glacialement par l'IPHB , car il dénonce leurs mesures, jugées trop faibles. L'AScA et Servheen ne sont pas autorisés, contrairement à ce que le contrat prévoyait, à le présenter oralement devant la Commission de Suivi de l'Audit. La Commission le lira en interne, procédure qui durera plusieurs mois.
Parallèlement, ARTUS et l'ADET réintroduisent 2 ourses slovènes , Ziva et Mellba, avec succès dans les Pyrénées Centrales. Elles sont pleines, très mobiles et suivies par radio-tracking.
Le programme européen LIFE « Conservation des grands carnivores en Europe » finance le renforcement et le suivi des ours réintroduits en Pyrénées Centrales.
Juillet 1996 : L'IPHB rend son verdict : elle n'entend pas payer le travail réalisé . L'AScA risque la faillite.
Septembre 1996 : Une procédure auprès du tribunal administratif et une médiation du sous-préfet permettent d'arriver à un compromis : le rapport est amendé pour recevoir une forme définitive et ne sera pas publié. La deuxième phase de l'audit est annulée.
Octobre 1996 : Face aux résultats de l'audit, l'IPHB prend conscience qu'il lui faut agir pour de bon, car les tensions remontent à nouveau, et qu'il ne peut plus tenir le statu quo. Certains trouvent que les projets de piste ne se débloquent pas assez ou trop vite (voir les dangers de la politique centriste de l'IPHB ). Il faut des résultats d'ici la fin de l'année 1997, date à laquelle les budgets étatiques et européens seront rediscutés. De plus, la réintroduction réussie et fortement médiatisée de 2 ourses slovènes, avec l'aide d'ARTUS, dans les Pyrénées Centrales risque de faire de l'ombre à l'IPHB.
19 décembre 1996 : Le Syndicat Mixte , dans le secret, sans prendre avis du CGP , comme cela est prévu dans les textes, établit un « pacte d'objectif » : création de l'essentiel des pistes prévues sur 10 ans (accélération des dessertes, par pistes et mini-tracteurs), une chasse adaptée, une exploitation forestière adaptée (poursuite des programmes du GIC), une sécurisation de l'homme et de l'ours (entre autres la sécurité des troupeaux) et surtout la réintroduction de 2 ourses et leur marquage, la première en 1997, et la seconde en 1998 si le premier lâchage a réussi.
21 décembre 1996 : La République titre « 2 ourses réintroduites dans les vallées béarnaises ». La une de Sud Ouest est « Virage à 180° ».
27 décembre 1996 : Jean Baylaucq, maire de Bielle et conseiller général de Laruns , s'oppose de manière virulente à la décision du Syndicat Mixte, et entend se mettre à la tête d'un mouvement de contestation qui ne verra pas le jour. Il déclare à la République : « J'aime les ours, ceux qui sont de chez nous. Il y a eu un nouvel ourson, tant mieux ! Je suis pour la nature. Nos ours nous suffisent. Ce n'est pas la peine d'en ajouter d'autres. » Il lance un recours devant le tribunal administratif, au motif que la réintroduction des ours n'était pas à l'ordre du jour. Certains maires font voter leur conseil municipal sur la question de la réintroduction de l'ours.
24 janvier 1997 : Réunion des membres de l'Association des Bergers Transhumants des 3 Vallées . Ces derniers prennent les positions suivantes :
Les réintroductions ne seront envisageables qu'après la réalisation de toutes les pistes prévues par le pacte d'objectifs, plus celles de la Charte signée en janvier 1994.
Les bergers doivent être associés aux décisions et aux actes techniques sur les ours (capture, lâchage)
La situation des troupeaux non gardés en montagne doit être reconnue et leur sécurité assurée.
29 janvier 1997 : Réunion mouvementée du CGP , dont les membres ont pris position hors du cadre de l'IPHB. Ils sont furieux de n'avoir pas été mis au courant.
Début de l'année 1997 : Les chasseurs , furieux d'avoir été évincés des discussions, montent un scandale de toutes pièces qui emplit les pages de la presse locale. Ils font mine de découvrir une cage destinée à la capture et au transport d'un ours. Ils déclarent que l'on cache beaucoup de choses aux valléens. En fait, la cage est là depuis 1992, et l'histoire de « l'ours familier ».
Les ourses réintroduites l'année précédente se reproduisent (5 nouveaux jeunes).
Février 1997 : Les chasseurs se retirent du CGP, mais les représentants du mouvement CPNT siègent toujours au Syndicat Mixte. 2 chasseurs sont identifiés et confondus par la garderie de l'ONC pour avoir tuée un ours en 1994 sur la commune de Borce dans la haute vallée d'Aspe, dans le cadre d'une battue au sanglier.
Les représentants du FIEP et de la SEPANSO ne soutiennent pas ce marché (plus d'ours et plus de pistes qui était dénoncé par l'audit de l'AScA-Servheen) mais l'acceptent quand même : ils saluent la décision de réintroduction ; ils restent discrets.
Mars 1997 : Un ours slovène mâle, Pyros, est réintroduit avec succès par ARTUS et l'ADET .
27/9/1997 : Mellba, issue de la réintroduction des Pyrénées Centrales, est tuée par un chasseur . Cela provoque un véritable choc national.
Un sondage est organisé et 77 % des personnes interrogées désignent l'ours parmi les espèces menacées de disparition en Europe à protéger en priorité . (IFEN 1997)
Juillet 1997 : L' IPHB s'adresse au Ministère de l'Environnement pour qu'il saisisse le CNPN , et que ce dernier donne son autorisation au pacte d'objectifs. Le ministère est piégé : s'il accepte, il cautionne le pacte, s'il refuse, il sera tenu pour responsable de la disparition des ours.
1998 : Les chasseurs ne siègent plus au Syndicat Mixte .
Mai 1998 : Le CNPN donne un premier avis réticent au projet de renforcement, et demande un important complément de dossier. Il s'est appuyé sur l'éclairage de l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature qui dispose d'une branche française): « la reconstitution destinée à sauver une population dangereusement réduite ne sera envisagée que si les causes du déclin ont été largement éliminées [.] ; on examinera en détail les raisons du faible niveau