« Plusieurs
pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’ouest sont victimes de
l’injustice
des Etats Unis et de l’UE. Ces pays subventionnent leurs producteurs
agricoles,
en ignorant les règles de l’OMC. De telles pratiques ruinent les
économies
nationales fragiles des pays tributaires du coton. »
Président
Blaise Compaoré du Burkina Faso, 10 septembre 2002
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) cherche depuis plusieures années à imposer aux pays riches (principalement Europe et Etats-Unis) une réduction de leur subvention en faveur de leurs agriculteurs. En effet, les subventions agricoles sont accusées d’avoir un effet dévastateur sur les marchés mondiaux et en particulier pour les producteurs des pays pauvres.
La destruction de l’économie des pays pauvres par les subventions agricoles peut s’expliquer par le modèle suivant. En subventionnant leur production intérieure, les pays riches font artificiellement chuter les coûts de production, et donc le cours mondial. Les producteurs des pays pauvres, non-subventionnés, produisent alors à un coût de revient supérieur. Pour accéder au marché mondial, ils doivent donc vendre à perte.
Les subventions agricoles sont à l’origine de surproduction dans les pays riches. Cette surproduction est principalement écoulée sur le marché de l’exportation. Par le biais de subventions à l’exportation plus ou moins dissimulées, les gouvernements favorisent le dumping, excluant ainsi les petits producteurs des marchés mondiaux.
L’OMC se révèle plutôt inefficace en ce qui concerne la réduction des subventions agricoles. De nombreux économistes comme Stern, Anderson, ou des organisations non-gouvernementales comme l’Oxfam soutiennent l’OMC sur la question de l’impact des subventions sur les pays pauvres.
Le coton est devenu le symbole de l’iniquité des échanges agricoles internationaux, ainsi nous développerons ce sujet en s’appuyant sur cet exemple clé. De nombreuses autres denrées agricoles sont cependant soumises à des phénomènes similaires : le sucre, le blé…
Au cours
des
différents cycles : Cycle de Doha et Cycle
d’Uruguay, l’OMC
a cherché à imposer des réductions des subventions agricoles. Selon l’Oxfam
et l’OMC : les pays riches
« doivent accepter de réduire les
subventions ayant des effets de distorsions sur les
échanges ». Ces
subventions sont disproportionnées en comparaison avec l’économie des
pays
producteurs concurrents. En ce qui concerne le coton : le
gouvernement
américain a fourni au secteur cotonnier, en 2002, des subventions de
l’ordre de
3.4 milliards de dollars. Ce chiffre représente environ le double de
l’aide
publique américaine aux pays d’Afrique Sub-saharienne, et davantage que
le
produit intérieur brut de pays producteurs de coton tels que le Bénin,
le
Burkina Faso, ou le Tchad. Nicolas Stern exprime
clairement la nécessité
de supprimer les subventions agricoles et regrette, dans sa déclaration
du 1er
avril 2003 à Washington, que les pays riches ne soient parvenu à aucun
accord
en ce qui concerne la libéralisation des marchés agricoles.
« Il est très
regrettable que les négociateurs des pays à revenus élevés n’aient
réussi à
s’entendre ni sur les réductions des aides intérieures et des
subventions à
l’exportation, ni sur l’ouverture des marchés des produits agricoles
avant la
date limite fixée pour cette semaine par l’Organisation mondiale du
commerce(OMC). »
Dans le cas du coton, les Etats-Unis sont le principal pays incriminé. Les subventions américaines pour le coton atteignent un niveau très élevé, qui maintient le secteur du coton américain en vie de façon artificiel. En effet les producteurs de coton américain sont loin d’être compétitifs face aux producteurs africains, et brésiliens. D’après le département américain de l’agriculture, sans les subventions, le producteur moyen de coton aurait perdu 871 dollars pour chaque acre de coton planté ces six dernières années. Pourtant le coton américain représente plus de 41% des exportations mondiales de coton. La situation est particulière puisque les producteurs des pays pauvres ou en développement ne peuvent pas exporter leur coton alors que leurs coûts de production sont trois fois plus faibles. Selon l’Oxfam et l’OMC les subventions américaines ont mené les cours du coton sur les marchés mondiaux à la baisse, entrainant des pertes de revenus d’exportations de plusieurs centaines de millions de dollars pour les pays producteurs africains. En 2001, Oxfam a estimé que les pertes des pays d’Afrique sub-saharienne étaient de l’ordre de 305 millions de dollars du fait des subventions américaines au coton. Ces pertes sont dues principalement à un effondrement des cours mondiaux. En effet les estimations du Conseil consultatif international sur le coton (International Cotton Advisory Council –ICAC), basées sur son modèle de demande mondiale de textiles, indiquent que le retrait des subventions américaines sur le coton rehausserait les cours du coton de 11 cents par livre, soit de 26%.
Dans les pays à revenus élevés, les subventions, qui revêtent diverses formes, représentent près du tiers des recettes agricoles. Elles sont en grande partie accordées par le biais de mécanismes qui stimulent artificiellement la production et ferment des débouchés aux agriculteurs des pays en développement. La production des pays riches, augmente grâce aux subventions. Le marché total étant lui, en ce qui concerne le coton, relativement stable, les parts de marché des pays pauvres diminuent, réduisant encore leur revenu. La situation est donc telle que les pays pauvres ne peuvent pas vendre un coton qu’ils produisent moins cher que les pays riches exportateurs. L’augmentation de la production des pays subventionnant leur agriculture, et ce malgré la chute des cours conduit à une surproduction conséquente. Cette surproduction est compensée, pour les agriculteurs des pays riches, par des subventions à l’exportation qui conduit à vendre le coton sur le marché mondial pour le tiers du prix de production, affectant de ce fait les cours mondiaux. Oxfam et Anderson qui définissent l’exportation de produits à un prix inférieur à leur coût de production, comme du dumping indiquent que ce dumping se poursuivra, mettant les agriculteurs des pays en développement en faillite et augmentant la pauvreté et la souffrance.
Le phénomène de dumping que l’on a mis en évidence avec les marchés du coton est aussi observable sur d’autres marchés comme celui de la viande ou du sucre. Ainsi, malgré un coût de production plus élevé, l’Europe arrive à vendre dans les pays pauvres du bœuf pour 44% de son coût réel de production. Les producteurs locaux sont alors non seulement privés des marchés d’exportation, mais aussi des marchés locaux, le bœuf européen étant, grâce aux subventions, moins cher que les produits locaux.
L’OMC édicte des règles visant à réduire
l’impact
des subventions agricoles, mais elles ne sont pas toujours appliquées,
et les
pays riches comme l’Union Européenne et les Etats-Unis utilisent les
failles
des règles de l’OMC pour contourner ces restrictions. Ils
jouent de leur
pression sur les pays pauvres pour les forcer à abandonner leur système
de
protection tout en maintenant les leurs. Les pays pauvres peuvent
normalement
porter plainte auprès de l’OMC pour dénoncer les mauvais
comportements
des pays riches. Mais le système de l’OMC fait que, seul le brésil a
pour
l’instant réussi à avoir eu gain de cause en matière de subventions
agricoles. Oxfam
souligne que le règlement des différents à l’OMC serait trop long et
coûteux, encourageant ainsi à la négociation entre les pays pauvres et
les pays
riches. L’organisation dénonce alors le fait que lors de telles
négociations
les pays pauvres n’aient pas les moyens de se faire entendre et n’ont
donc
jamais gain de cause.
Sources :
Retrouver la fibre morale :
Oxfam Oxfam.org
Cultiver la pauvreté : Oxfam
Oxfam.org
Un
tour gratuit : Oxfam
The Impact of
Agricultural Subsidies on Global Welfare
Déclaration
de Nicholas Stern, Premier
Vice-président, Économie du développement, et
Économiste
en chef de la Banque mondiale
Washington,
le 1er avril 2003 : «Il
est
très regrettable que les négociateurs des pays à revenus élevés n’aient
réussi
à s’entendre ni sur les réductions des aides intérieures et des
subventions à l’exportation,
ni sur l’ouverture des marchés des produits agricoles avant la date
limite
fixée pour cette semaine par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Toutefois, il n’est pas trop tard pour les pays riches d’entreprendre
les
mesures requises en ces domaines et de montrer ainsi leurs soutient aux
pays en
développement.
Les pays riches peuvent respecter leurs
engagements et promouvoir un système d’échanges ouvert qui profite aux
populations des pays en développement en réduisant les subventions
agricoles,
en atténuant les distorsions des échanges associées à ces aides et en
ouvrant leurs
marchés. Dans les pays à revenus élevés, les subventions, qui revêtent
diverses
formes, représentent près du tiers des recettes agricoles. Elles sont
en grande
partie accordées par le biais de mécanismes qui stimulent
artificiellement la
production et ferment des débouchés aux agriculteurs des pays en
développement.
Par exemple, l’année dernière, les États-Unis ont versé à leurs
producteurs de
coton des subventions s’élevant au total à 3,9 milliards de dollars,
soit un
chiffre trois fois plus élevé que l’aide extérieure des États-Unis à
l’Afrique.
Ces subventions ont fait baisser les prix du coton , menant à la
réduction des
revenus des agriculteurs pauvres d’Afrique de l’Ouest, d’Asie centrale,
d’Asie
du Sud et d’autres régions du monde. Il en va de même pour les
subventions à la
production de sucre, octroyées par l’Union Européenne. Des dirigeants
des pays
à revenus élevés insistent pour faire de la réduction des subventions
agricoles
un élément fondamental de la réforme du commerce. Nous soutenons leurs
déclarations. Elles expriment, à notre avis, un désir réel de réduire
ces subventions
en dépit des obstacles politiques intérieurs. Il est tout à fait
compréhensible
que les pays riches souhaitent améliorer les conditions de vie de leurs
habitants
des zones rurales à faibles revenus, en particulier les agriculteurs.
Il existe
toutefois diverses manières de parvenir à cet objectif qui ne font pas
intervenir de subventions liées à la production.