Ceci est une synthèse d’un article du CEPII écrit par Antoine Bouët. (lien vers la version intégrale)
Le taux
de protection est dans le monde en moyenne de 20% sur les produits
agricoles et
seulement de 4% sur les produits industriels. La libéralisation
agricole
sera-t-elle bénéfique pour les pays en voie de développement?
A
l’aide du modèle MIRAGE (qui lui tient compte des critiques émises
précédemment
sur le modèle de
La
conclusion de l’article est que l’Afrique sub-saharienne ne trouvera
pas à
l’évidence dans la libéralisation agricole les conditions d’un
décollage
économique.
Dans
son article « Agricultural
Liberalization and the Least developed Countries: Six Fallacies” Arvind
Panagariya montre de façon rigoureuse, en s’appuyant sur des modèles
micro-économiques, que si l’on supprimait les subventions agricoles
dans les
pays du nord, cela entrainerait une augmentation mondiale des prix des
produits
agricoles qui serait néfaste aux PMA étant donné que 45 d’entre eux
(sur 48)
sont importateurs nets de biens alimentaires. De plus, il tient compte
dans ses
modèles de l’initiative « Tout sauf les armes » de
l’Union
Européenne, qui permet aux PMA de vendre leur produit au prix du marché
européen qui est supérieur à celui du marché mondiale, tout en
bénéficiant
toujours pour leurs importations de la faiblesse des prix mondiaux due
aux
subventions accordées aux agriculteurs européens. La perte de cet
accord
préférentiel de commerce est selon lui un élément qui montre encore que
la
libéralisation du marché agricole ne serait pas une bonne chose pour
les PMA.
Voici
l’extrait de l’article de Arvind Panagariya où il développe sa position
en
détail :
Les
subventions agricoles et la protection des pays développés frappent le
plus les pays les moins avancés (PMA)
De
toutes les erreurs que j'ai énumérés, il s'agit de la plus cruciale à
démystifier non seulement parce qu'elle bénéficie d'un accord
casi-universelle
mais aussi parce que une bonne compréhension des effets de la
libéralisation de
l'agriculture des pays développés a des implications décisives pour
trouver la
meilleure façon d'aider les PMA dans leur quête pour le développement.
L'argument derrière l'affirmation de l’erreur 2 est que la protection
et les
subventions accordées par les pays développés dépriment les prix
mondiaux et
limite l'accès aux marchés pour les PMA en ayant un impact défavorable
aussi
bien sur la quantité que sur la valeur de leurs exportations.
Deux
points clés expliquent pourquoi cet argument est entaché de graves
anomalies et
est, véritablement, inexact. Tout d'abord, les protections et les
subventions à
la production et à l'exportation des pays développés dépriment les prix
mondiaux des produits agricoles. En tant qu’importateurs, les PMA ont
accès à
ces prix bas. Une fois les subventions et les protections éliminés, les
prix mondiaux
augmenteront et blesseront les importateurs. Pour de nombreux PMA qui
sont de
grands importateurs de produits agricoles, les pertes pourraient alors
être
considérables.
Deuxièmement,
en vertu de l’initiative de l'Union européenne «Tout sauf les armes
(TSA), les
PMA ont un droit d’accès au marché de l’UE sans quota ni franchise.
Cela
signifie qu'ils peuvent vendre leurs exportations à l'intérieur de l'UE
à des
prix maintenus artificiellement élevés pour protéger les producteurs de
l'UE.
En effet, les vendeurs des PMA bénéficient des mêmes protections que
les
producteurs de l'UE en vertu de l'initiative TSA. A quelques exceptions
près,
les prix internes de l'UE sont beaucoup plus intéressants que les prix
que l’on
est susceptible d'obtenir en l'absence de droits de douane et de
subventions.
Permettez-moi
de développer ces points. Dans la colonne de gauche de la figure 1, DD
et SS
montrent respectivement l'offre et la demande à l’intérieur de l’UE en un produit agricole, par
exemple, le blé. Dans
le panneau de droite, D*D* et S*S* montrent respectivement l'offre et
la
demande dans le reste du monde pour la même marchandise. En vertu du
libre-échange, l'UE est un importateur de blé au prix Pf à régler. A ce
prix,
l'UE importe AB, qui est égal au reste de l'approvisionnement mondial
des
exportations A*B*.
Des
subventions à la production de l'UE déplace sa courbe de l’offre vers
le bas en
S'S’, où la distance verticale entre les SS et S'S’ représente les
subventions par
unité de production. Au prix initial Pf, l’offre de l’UE est maintenant
plus
grande et sa demande d'importations est moins grande que AB (=A*B*). Il
en
résulte une offre excédentaire de blé sur le marché mondial fait
plonger les
prix mondiaux du blé. Le nouvel équilibre est atteint au prix Ps avec
une demande
de l'UE pour les importations EF, équivalant une fois encore au reste
de
l'approvisionnement mondial des exportations, E*F*. Le prix brut reçu
par les producteurs
de l'UE équivaut à Ps + EH, où EH sont les subventions par unité de
production.
Il
est immédiat que, les subventions à la production de l'UE, réduisent la
demande
de l'UE pour les importations et, par conséquent améliorent les termes
de
l'échange pour l’UE : le prix à l'importation du blé baisse. Du point
de vue
des pays exportateurs, les termes de l'échange se détériorent et
laissent le reste
du monde dans une situation pire qu’avant dans son ensemble. Mais il
est
important de se rappeler que la partie de droite de la figure 1
représente la
position cumulée du reste du monde, qui comprend à la fois les
exportateurs et
les importateurs de blé autres que l'UE. Les effets des subventions sur
ces
deux groupes sont asymétriques, avec les importateurs dans une
meilleure
situation dans l'après subvention car ils sont alors en mesure
d'acheter du blé
à un prix mondial plus bas. Mais comme leurs gains ne sont pas
compensés par
les pertes des exportateurs, le reste du monde dans son ensemble y perd.
Une
subvention à l'exportation est souvent peinte comme ayant la même
incidence sur
le reste du monde qu’une subvention à la production mais en fait, cela
fonctionne
différemment. Dans ce cas, c'est l'UE qui y perd dans son ensemble
tandis que
le reste du monde y gagne. Mais comme précédemment, le prix mondial du
blé
tombe de sorte que les exportateurs de blé dans le reste du monde y
perdent tandis
que les importateurs y trouvent des avantages, les gains de ces
derniers
faisant plus que compenser les pertes des premiers cette fois-ci. Ceci
est
illustré par la figure 2, qui suppose que l'UE est un exportateur net
de blé
dans l'équilibre de libre-échange.
Dans
la situation initiale d’équilibre de libre-échange, le prix est Pf,
avec l'UE
exportant AB et le reste du monde important A*B* tel que AB = A*B*. La
façon
dont une subvention à l'exportation fonctionne est que les producteurs
ne peuvent
en bénéficier que si ils exportent. Cela crée un écart entre le prix
auquel ils
peuvent exporter et celui auquel ils peuvent vendre sur le marché
intérieur, écart
équivalant à la subvention par unité. Par conséquent, dans le nouvel
équilibre,
le prix à l’intérieur de l'UE s'élève à Pd alors que celui dans le
reste du
monde tombe à Ps. Le prix dans le reste du monde sera en baisse à Ps,
avec des
importations en expansion à E*F*. Dans l'UE, le prix interne étant Pd,
la
demande sera en baisse à E le long de la courbe de demande alors que la
production s'élèvera au point F, le long de la courbe d'offre. Les
producteurs
vendent EF (= E*F*) sur le marché mondial à Ps, mais reçoivent le même
prix
brut que s’ils avaient vendu sur le marché intérieur une fois que l'on
ajoute
la subvention à l'exportation. Comme on l'a déjà noté ci-dessus, les
importateurs de blé dans le reste du monde sont mieux lotis en général
et les
exportateurs moins bien lotis.
Ceux
qui soutiennent que la suppression des subventions à la production et à
l'exportation dans les pays riches (représentés par l'UE dans les
figures 1 et
2) serait bénéfique pour les pays pauvres suppose implicitement que
ceux-ci
sont des exportateurs de produits agricoles. Mais comme je l'ai
expliqué avec
force dans Panagariya (2003b, 2003c, 2004a), en réalité, un grand
nombre de
pays en développement et la grande majorité des PMA sont des
importateurs
agricoles nets. Pour réaffirmer ce point, examinons les tableaux 3 et
4, pris
de Valdes et McCalla (1999), qui indiquent les importations et les
exportations
de divers pays en développement en ce qui concerne les produits
alimentaires et
agricoles.
Selon
le tableau 3, pas moins que 48 des 63 pays à faible revenu sont des
importateurs nets de produits alimentaires. Même parmi les pays à
revenu moyennement
faible, 35 sur 52 sont des importateurs nets de produits alimentaires.
Dans la
mesure où les subventions sont appliquées à la production alimentaire,
leur
suppression ferait grimper les prix mondiaux et toucherait les revenus
réels
des pays importateurs.
Le
tableau 4 classe les trois groupes de pays en fonction de leur position
nette
dans le secteur agricole dans son ensemble plutôt que dans celui de la
production
de nourriture. Ici plus de pays à faible revenu apparaissent comme des
exportateurs - 33 par rapport à seulement 15 si l'on considère
seulement les
produits alimentaires. Mais la situation est plus pessimiste si nous
nous
concentrons sur les PMA. Au moment Valdes et McCalla ont écrit leur
article, il
y avait 48 PMA dans le monde. Parmi ceux-ci, plus de 45 étaient des
importateurs nets de produits alimentaires et 33 importateurs agricoles
nets.
Certains
analystes font valoir, toutefois, que les importateurs ne doivent pas
nécessairement perdre à l'augmentation des prix agricoles qui suivra le
retrait
des subventions à la production de l'UE (et d’autres pays développés),
car
beaucoup d'entre eux deviendront des exportateurs des produits dont le
prix est
en hausse. Mais deux arguments peuvent être proposés pour montrer que
cette
affirmation n’est pas convaincante. Le premier argument, abordés
ci-après avec
l'aide de la figure 2, est un argument probabiliste. Le second, décrit
ci-dessous, est plus spécifique et tout particulièrement applicable aux
pays
les moins avancés.
Dans
la figure 3, DD et SS désignent respectivement l'offre et la demande
d'un pays
en développement qui dans un premier temps importe du blé. Le prix
mondial du
blé en présence des subventions à la production, accordée à leurs
producteurs
par les pays développés, est Ps. Les pays en développement importe du
blé et font
un gain net de ce commerce équivalent à la zone triangulaire marquée
"a". La suppression des subventions des pays développés augmente le
prix au niveau indiqué par Pf. À ce prix plus élevé, les pays en
développement
se transforment en exportateurs de blé. Les gains du commerce sont
maintenant
donnés par la zone triangulaire b, qui est plus petite que la zone "a".
Ainsi, le pays perd sur une base nette alors que son statut est passé
d'importateur à exportateur. Ce n'est que si le prix mondial augmente
suffisamment
pour rendre la zone b plus grande que la zone a que le pays fera un
gain net grâce
à la suppression des subventions des pays développés.
En
fait, l’histoire complète et réaliste du point de vue des PMA est
encore plus
pessimiste. Pour de nombreux produits, en vertu de libre-échange, l'UE
serait
un importateur. Pourtant, grâce à une combinaison de subventions à
l’exportation
et à la production d'une part, et à la mise en place de barrière
douanières d'autre
part, on maintiendrait un régime dans lequel l’UE finit par être
exportateur du
produit.
Ainsi,
figure 4, laissez DD être la courbe de demande de l’UE et SS sa courbe
d'offre
de blé. Par hypothèse, en vertu de libre-échange, l'UE serait
importateur avec
pour prix à payer Pf dans l'esprit de la figure 1. Mais une subvention
à
l'exportation combinée à une taxe à l’importation et l'UE se transforme
en un
exportateur de ce produit. Plus précisément, supposons que cela donne
une
subvention à l'exportation égale à PtPs par unité, complété par une
taxe à
l’importation identique ou supérieur. Ces mesures poussent le prix pour
l’extérieures (le monde) à baisser jusqu’à PS
(depuis que l'UE est
un grand exportateur sur le marché mondial, l'expansion de ses
exportations a déprimé
les prix mondiaux) et le prix intérieur à monter jusqu'à Pt.
Si
nous commençons maintenant avecr les subventions à l'exportation et les
taxes à
l’importation à l'équilibre initialement et si on envisage leur
retrait, les
résultats seront semblables à ceux obtenus dans les figures 1 et 2.
Même ici,
les importateurs y perdront à cause de la hausse des prix et les
exportateurs
en profiteront. Les principales complications que nous n'avons pas
présenté à
ce jour et qu’on devrait maintenant prendre en considération sont que,
dans la
mesure où les PMA sont concernés, en vertu de l'initiative TSA, ils
sont
actuellement autorisés à exporter vers l'UE à ses prix intérieurs,
c'est-à-dire
PT. Et ceux qui importent le produit à l'acheter
au moindre prix Ps du
monde. Lorsque les subventions et les tarifs sont éliminés, dans l'UE
et dans
le monde le prix convergent à Pf, qui est inférieure à Pt que les PMA
exportateurs
reçoivent et supérieur à Ps que les PMA importateurs payaient
auparavant. Aussi
bien les PMA importateur qu’exportateur sont touchés par la
libéralisation
L'affirmation
que les importateurs de produits agricoles peuvent bénéficier de la
suppression
des droits de douane et des subventions en devenant exportateurs peut
maintenant être considéré comme ayant aucune base logique dans le cas
des PMA.
En vertu de l'initiative TSA, les PMA importateurs ont le droit
d’exporter le
produit au prix Pt si ils le veulent plutôt que de l’importer. Si ils
ne sont
pas en mesure d'exporter à ce prix, ils ne sont certainement pas
capables
d'exporter au prix plus bas du libre-échange Pf. Pas besoin de dire que
l'analyse de la figure 4 est facilement modifiable afin d'y inclure une
subvention à la production. Tout ce qui est nécessaire c’est
d’interpréter SS
comme la courbe d'offre tenant compte de la subvention à la production
(comme S'S’
à la figure 1) et PF comme le prix mondial avec
la subvention à la
production, mais sans aucune autre intervention.
En
fait, le danger que les PMA perdent de la libéralisation des pays
développés est
encore plus important que celui suggéré par l'analyse fondée sur les
chiffres
1-4 ci-dessus. La raison en est que, en prévision de la libéralisation
dans le
cadre du cycle de Doha, la politique des pays développés est d'ores et
déjà de
remonter les barrières à l’importation sous la forme de mesures
sanitaires et
phytosanitaires (SPS). Ce processus augmentera dans le monde de
l'après-Doha.
Et dans la mesure où les PMA sont bien plus désavantagées que leurs
homologues
du groupe du Cairns et que les pays développés à surmonter ces
obstacles
techniques très sophistiqués, ils risquent même de perdre certains des
accès
aux marchés qu’ils ont déjà.