Calculateurs : Analyse des résultats obtenus
Les résultats obtenus sont extrêmement variés. Si l’on trouve souvent un résultat moyen, de nombreux calculateurs se trouvent éparpillés de part et d’autre de ce résultat. Les options proposées lors du calcul peuvent grandement varier, tout comme les résultats. Certains calculateurs se voulant plus généralistes, proposaient une forme de Bilan Carbone et offraient donc en plus de calculer les émissions produites par la lieu d’habitation.
Comparaison des calculateurs d'émission en prenant la configuration de 10 000 km parcourus en voiture
Nous avons comparé une quinzaine de calculateurs. L’infériorité de ce chiffre par rapport au nombre de calculateurs pour avion résulte simplement du fait que parmi la liste de sites consultés, certains calculateurs ne proposaient rien pour les automobiles. Seuls quatre d’entre eux ne proposaient pas de compenser et se contentaient de calculer la quantité de dioxyde de carbone émis.
En ce qui concerne les options de calcul, tous les sites proposent bien entendu d’entrer le nombre de kilomètre (ou de miles) parcourus. La moitié (8) environ demande la consommation du véhicule. Neuf appartenant généralement au groupe des huit précédents demandent le type de carburant de la voiture. Les options telles que la puissance de la voiture ou sa taille sont plutôt rares, de même que le milieu dans lequel se font les trajets (urbain…). On remarquera que Climate Crisis, Terrapass et Climate Care proposent un grand choix de véhicules existant. Choisir directement son modèle de voiture évite d’avoir à réfléchir sur la manière d’approximer et permet théoriquement une plus grande vraisemblance. Il est à noter cependant que Climate Crisis, site américain, s’il propose même de choisir l’année d’achat de la voiture et que la marque Cadillac peut être sélectionnée, n’a dans sa banque de données aucune voiture française.
Les résultats numériques sont eux aussi relativement variés : La consommation de CO2 estimée va de 1,99t (Action Carbone) à 3,42t (Carbonify). En réalité, il faut prendre un certain recul par rapport à ces résultats, car Carbonify est le site qui offre de compenser au moindre prix. En fait la compensation se fait en plantant des arbres, et ce à un prix dérisoire. Le site propose d’ailleurs de s’inscrire pour planter une certaine quantité d’arbre chaque mois. Action Carbone, site français, est quant à lui plus proche de la moyenne, qui est d’environ 2,24t. Le site se déclare partenaire de l’ADEME en tant que membre du Club Planète Gagnante, et partenaire de la Caisse des dépôts.
Pour ce qui est des prix, on s’aperçoit tout d’abord que chaque site de compensation affiche ses prix dans la monnaie de son pays, et qu’il est rarement possible d’en choisir une autre. Ainsi My Climate donnait ses prix en CHF, Carbon Neutral en £ et Terrapass en $. Le prix fixé pour compenser 10 000km en voiture varie énormément : de 3,83€ (Carbonify) à 192€ (My Climate), pour une moyenne de 44,67€. Il en résulte une variation du prix de la tonne de dioxyde de carbone allant de 1,12€ à 68,99€ pour une moyenne 17,10€. Ces grandes variations s’expliquent. Le cas de Carbonify a déjà été traité. Le prix très élevé de My Climate s’explique comme suit : ce site suisse calcule les émissions, puis propose deux types de projets pour compenser. Les projets « developping countries » coûtent 23,13€/t dans notre cas, alors que ceux situés à moitié en Suisse (« half Switzerland ») coûtent 68,98€/t. D’autres sites proposent ainsi des prix différents en fonction du projet choisi. Carbon Neutral permet de choisir entre le package « future » (axé sur les nouvelles technologies) et le plus classique package « developping countries ». Quant au site CO2 Balance, il propose des projets dont le prix va de 9,72€/t à 18,68€/t.
Comparaison des calculateurs d'émission en prenant la configuration des vols aller-retour Paris-New York et Paris-Vienne en avion
Nous avons pu comparer 20 calculateurs. Nous nous sommes rendu compte que le thème de la compensation était particulièrement d’actualité dans l’aviation. 16 des calculateurs permettent d’entrer les villes de départ et d’arrivée et de dire s’il s’agit d’un aller-retour, 14 demandent le nombre de passager. Ceux qui ne proposent pas de villes demandent en général la distance parcourue. Les autres options sont beaucoup plus rares. Seuls 5 sites demandent la classe choisie, et 7 prennent en compte les escales. On notera que le calculateur de Green Seat offre la possibilité de choisir la compagnie d’aviation. Parmi les sites ayant un calculateur, seuls l’ADEME, BP, la DGAC et le site de Resurgence n’offrent pas de compenser en faisant appel à leurs services. Le site de Resurgence est celui qui a l’estimation la plus élevée en termes de quantité de CO2 émis : 6,5t pour l’aller- retour Paris-New-York et 0,96t pour le vol Paris-Vienne. Mais ces résultats semblent aberrants devant les moyennes qui sont respectivement de 2,4t et 0,41t. Les estimations les plus basses sont faites par la DGAC pour le vol outre-Atlantique (1,05t), et par Carbon Neutral pour le vol intra-européen (0,1t). Le prix de la tonne de CO2 est donc ici aussi loin d’être hétérogène. My Climate est le site le plus cher avec pour les deux vols un prix d’environ 69€/t. Il s’agit une fois de plus de leur formule « half in Switzerland ». Carbonify offre également les prix les plus bas, mais à cause de leurs formules demandant de financer un nombre d’arbre fixé, les prix diffèrent pour les deux trajets : 1,09€/t pour New-York contre 3,11€/t pour Vienne. Pour les deux vols, la moyenne se situe autour de 18€, ce qui est en accord avec la moyenne de 17,10€/t calculée dans le cas du trajet en voiture.
Comment expliquer les disparités ?
Les fortes différences entre les calculateurs et les prix proposés sont indéniables. Comment les expliquer ? On peut être tenté, dans une première approximation, de considérer qu’il y a un manque de professionnalisme ou de sérieux scientifique dans les sociétés qui s’occupent de compensation, puis considérer que les prix son fixés plus ou moins arbitrairement. Mais il convient de nuancer ses propos, comme en témoignent les différentes opinions des spécialistes que nous avons interrogés :
Pour l'un, « incertitude et insécurité » règnent pour l’instant. « On propose de compenser la consommation d’une voiture pour 60€/an, ce qui est ridicule ». Un rapide calcul utilisant la valeur de 12430km (nombre de kilomètre parcourus en moyenne par ménage en 2006), en prenant la moyenne trouvée ici, nous donne 48€, ce qui confirme son estimation. D’après lui, « les gens achètent une belle histoire » aux prestataires. Il n’y a pas de méthodologie commune.
Selon un autre la « méthodologie » est non immuable et empirique. Elle comporte encore de nombreuses « erreurs », mais elles sont corrigées petit à petit. Il dit néanmoins qu’il y a des « truands». Certains projets ne sont pas solides. La critique porte principalement sur les VER, et par leur biais les projets concernant les forêts, qui représenteraient 40% de la compensation volontaire. Un autre enfin a un point de vue plus nuancé. D’après lui, il est vrai que certains prestataires ne s’y connaissent pas. Il dit néanmoins que « les calculateurs ont tous raison ». Selon lui, la plupart des calculateurs utilisent des chiffres tout à fait sérieux, mais ne calculent pas nécessairement la même chose.
En effet, certains calculateurs, comme celui d’Air France ou de la SNCF se basent sur les données des avions et trains de ces sociétés, sont donc assez précis et n’ont pas besoin d’être augmenté d’un facteur correspondant au hasard et aux erreurs d’estimations. De plus, les calculateurs ne considèrent pas les mêmes émissions. On a déjà vu que les calculateurs ne demandaient pas les mêmes choses à l’utilisateur. Par suite certains peuvent ne prendre en compte que les émissions de CO2 alors que d’autres peuvent convertir en équivalent CO2 les autres émissions de gaz à effet de serre. Et ces derniers peuvent être beaucoup plus nocifs que le dioxyde de carbone ; le méthane a par exemple un PRG de 25. De même, un calculateur peut ne prendre en compte que les émissions liées à un vol, alors qu’un autre va rajouter des émissions provoquées par les transports, les manœuvres éventuelles, l’entretien.
Quant au prix de la tonne de CO2, il dépend bien sûr des frais de fonctionnement des associations ou sociétés. Là encore, les analyses divergent entre ceux qui considèrent que certaines associations sont des entreprises déguisées qui se servent des avantages des lois sur les associations pour gagner plus d’argent, ceux pour qui il n’est pas possible d’être malhonnête et pour qui ce n’est de toute façon pas un secteur qui rapporte et ceux qui nous ont assuré que le secteur avait un immense potentiel.
Mais le prix du CO2 est censé dépendre surtout des projets servant à compenser. On a vu que certains sites proposaient des prix différents en fonction des projets choisis. Cela semble pertinent.