La candidature de Preston W. Estep III, Ph.D. au challenge du MIT Technology Review
La thèse : le projet SENS relève de la pseudoscience
Par définition, la pseudoscience « paraît scientifique et se réclame de la science, mais présente des défauts majeurs dans la méthode ou le dans le fond.
Les auteurs ont dégagé 19 caractéristiques généralement partagées par des projets pseudoscientifiques pour l’allongement de la vie. Parmi eux :
Le problème à résoudre est décrit de façon simpliste
Des procédés qui n’ont pas encore été testés sont présentées comme des thérapies effectives
Les médias grand publics sont utilisés pour promouvoir le projet en contournant l’avis des experts.
La communication emploie des arguments à forte portée émotionnelle.
On compte des célébrités au nombre des partisans.
L’instigateur du projet a une haute opinion de lui-même se dit victime d’une conspiration.
L’instigateur du projet n’a pas d’expertise dans le domaine considéré.
On remarque clairement que ce descriptif de la « pseudoscience » a été élaboré sur mesure pour le
projet SENS.
Les critiques scientifiques
1) WILT (Whole Body Interdiction of Lengthening of Telomeres) .
Le projet vise à supprimer d’une grande partie des cellules somatiques les gènes responsables de l’allongement des télomères, afin de prévenir les cancers. Or une suppression ciblée et systématique de ce gène dans des milliards de cellules requiert des méthodes enzymatiques d’une efficacité et d’une fiabilité extrême. Le rythme actuel des progrès dans ce domaine ne laisse pas supposer que de telles méthodes soient développées avant longtemps.
Et même si une telle méthode existait, rien ne permet d’affirmer que ses effets soient bénéfiques. Une étude sur des souris a montré qu’un raccourcissement des télomères ralentissait la réparation des molécules d’ADN, et entraînait une mort plus rapide des animaux. Il semblerait que ce résultat soit transposables aux sujets humains.
2) L’élimination des agrégats intracellulaires qui s’accumulent avec l’âge.
Ce procédé requiert plusieurs enzymes dont il faudrait fortement modifier le génome. En effet, outre la difficulté de les faire pénétrer dans la cellule, il faut s’assurer qu’elles sont suffisamment spécifiques pour détruire les agrégats sans endommager les autres composants. De plus, les enzymes ont tendance à évoluer par mutations : rien ne permet de prévoir qu’elles resteront inoffensives pendant toute la durée de vie du patient.
Le travail accompli par de Grey, c’est-à-dire l’identification d’une telle enzyme, est trivial, et ne résout en rien les difficultés des manipulations génétiques
3) Les simplifications excessives
Dans ses descriptions des pathologies comme dans les thérapies proposées, Aubrey de Grey se montre très vague, voire inexact. Cela la pousse à un optimisme démesuré. Ainsi, il prévoit d’allonger la vie chez des souris et ne semble pas prévoir les éventuelles difficultés à transposer les thérapies à l’homme .
Les critiques méthodologiques
De Grey détourne le travail d’autres chercheurs : par exemple, il cite à plusieurs reprises Dolle et ses collègues (article paru en mars 2002 dans Mechanisms of Ageing and Development) pour affirmer que seules les mutations d’ADN potentiellement sources de cancer ont des conséquences importante sur le vieillissement. Or, dans les publications citées, Dolle conclut exactement l’opposé.
Par ailleurs, De Grey effectue des prévisions extrêmement optimistes quant aux avancées de la science. Plusieurs de ses prévisions se sont pourtant déjà avérées fausses. Ainsi, il avait prévu un succès majeur dans la recherche sur les protéines des mitochondries d’ici octobre 2005, or en 2006, peu de progrès était constaté.
Du point de vue de sa communication, De Grey cultive la confusion. Il organise des colloques de gérontologie auxquels participent de nombreux chercheurs. Or ceux-ci ne partagent pas nécessairement ses vues sur SENS, mais leur présence à ces événements donnent un vernis de légitimité scientifique au
projet SENS.
De plus,
Aubrey de Grey discrédite la gérontologie. Il sous-estime les résultats concrets déjà obtenus dans la réparation des dommages liés au vieillissement. Les auteurs rappellent qu’ils ont tous une expérience de l’ingénierie biologique, tandis qu’
Aubrey de Grey n’en a pas.
Enfin, sa rhétorique est dangereuse, car elle fait appel à l’émotion du public, pour récolter des sommes considérables.
Les auteurs rejoignent donc entièrement les chercheurs à l’origine de l’
article « Le fait scientifique et le
projet SENS » paru dans le EMBO Report.