Global Vs Local
Global Vs Local
De grandes centrales au milieu du désert pour alimenter l’Europe en énergies vertes.
Deux échelles opposées
« En six heures, les déserts de la planète reçoivent plus d’énergie que l’humanité entière n’en consomme toute l’année.»
Gérhard KNIES Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation (TREC)
Ce constat justifie à lui seul l’idée d’aller exploiter ces d’énergies sources virtuellement inépuisables que représentent les déserts pour combler nos besoins énergétiques croissants.
Fonctionnement d’une centrale solaire thermique à concentration :
Mais pour mieux comprendre toutes les raisons qui ont fait naître un tel projet, il est nécessaire de connaître le fonctionnement d’une centrale solaire thermique à concentration (CSP : Concentrated Solar Power)
Contrairement au solaire photovoltaïque (PV), qui utilise des semi-conducteurs pour convertir le rayonnement solaire directement en électricité, les usines de solaire thermique à concentration CSP fabriquent l’électricité en utilisant la chaleur. De manière semblable à une loupe, des miroirs concentrent l'énergie solaire vers un récepteur dans lequel un fluide en circulation (eau, sels fondus ou air par exemple) est chauffé. Le rayonnement solaire est ainsi transformé en chaleur à un niveau de température situé entre 200°C et 2000°C, avec un rendement supérieur à 70%. Cette chaleur primaire peut alors être utilisée dans des procédés industriels, par exemple sous forme de vapeur d'eau,soit pour être directement utilisée ou bien être convertie en vecteurs énergétiques comme l'électricité ou l'hydrogène. Pour la production d'électricité, la chaleur obtenue permet de produire de la vapeur d'eau qui entraine une turbine couplée à un alternateur et de l´électricité est ainsi produite. La fabrication d’électricité après le coucher du soleil est possible en stockant la chaleur excédentaire dans des grands réservoirs isolés, remplis de sel en fusion. En somme, le fonctionnement de ces centrales est identique à celui des centrales nucléaires, seules les différencient l’énergie utilisée pour chauffer l’eau : nucléaire pour les centrales nucléaires, solaire pour les CSP.
Toutefois, pour un rendement optimal, ces centrales nécessitent notamment :
-un ensoleillement de qualité : grande période d’ensoleillement pendant l’année et faible incidence des rayons lumineux, afin de récupérer le maximum d’énergie solaire.
-de grands espaces (plusieurs milliers de km²).
Bien que des champs de panneaux photovoltaïques soient actuellement en activité (par exemple la centrale solaire des Monts à Chambéry), c’est en général la technologie du solaire thermique qui est retenue pour des projets d’une telle ampleur, notamment en raison de sa capacité à produire de l’électricité en continu, même lorsque l’ensoleillement n’est pas suffisant pour faire fonctionner la centrale.
Dès lors, on comprend pourquoi les déserts apparaissent parfaitement appropriés pour ce genre de technologie. Cependant, comme nous l’a dit Ronan Huitric, directeur de projets à Total, « le fait d’aller installer des centrales solaires au Sahara est une très bonne idée, compte tenu des ressources énergétiques énorme que cela représente. Ce qui fait controverse aujourd’hui c’est la façon d’exploiter cette énorme ressource. »
Quelle échelle d’exploitation choisir pour un tel projet ?
Derrière ce constat de la présence d’une énorme source d’énergie dans les déserts se cache alors la véritable question : comment l’exploiter ?
Production centralisée, telle que la préconise DESERTEC ?
Production localisée, alors plus propice au Photovoltaïque ?
Dans un premier temps, en restant sur l’idée d’alimenter l’Europe avec l’Energie solaire récupérée au Sahara, plusieurs solutions pourraient être envisagées :
On aperçoit déjà les avantages et les inconvénients de chacun des deux projets :
Dans le premier cas, une production centralisée permet d’éviter la redondance des installations de transport et de centraliser toutes les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement d’une telle centrale (bâtiment de maintenance, logements des personnes travaillant sur place…)
Dans le second cas, la concentration de la production dans un seul pays, ce qui confèrerait à celui-ci un gros pouvoir. Mais aussi, cela permet d’éviter d’avoir une centrale s’étendant sur des milliers de kilomètres carrés.
DESERTEC a plutôt opté pour le deuxième choix.
Néanmoins, ce projet pose beaucoup de questions quant à sa faisabilité par rapport à sa grosse envergure. En effet, comme nous l’a fait remarquer Gabriel Castelain, directeur de projets à EDF Energies Renouvelables, les énergies renouvelables permettent le plus souvent de produire l’énergie au plus proche du consommateur, comme le photovoltaïque par exemple. Le projet proposé par DESERTEC propose sensiblement l’inverse, entraînant des coûts pharaoniques pour le transport de l’énergie produite ainsi que d’énormes pertes en ligne.
A cela vient s’ajouter le fait que le prix de vente du PV va diminuer dans les années à venir, grâce à l’augmentation de la demande ainsi qu’aux améliorations de procédés de fabrication, en même temps que l’efficacité est amenée à augmenter. Dès lors, il apparaît plus judicieux d’adopter une politique de production énergétique locale, à moindre coût/risque.
Pourquoi alors ce projet gigantesque qu’est DESERTEC ? Hermann Sheer, député allemand et président du Comité Mondial pour les Energies Renouvelables, soutient que ce n’est qu’une action de plus des grandes multinationales pour asseoir leur monopole :
« Actuellement, la production de l'énergie fonctionne selon un modèle économique centralisé et dominé par quelques gros acteurs. A l'opposé, la production d'énergies renouvelables suppose un système décentralisé avec de nombreux acteurs de toutes tailles. Les poids lourds de l'énergie mais aussi les banques luttent contre cette diversité qui constitue une concurrence et leur semble peu pratique à gérer. On retrouve cela dans le secteur de la microfinance. Les microcrédits ont prouvé leur efficacité dans le développement, au sud comme au nord. Mais jamais la banque mondiale n'a offert de microcrédits. Il a fallu que ce soit la Grameen Bank du Dr. Yunus qui développe ce système. Pour cela, il a d'ailleurs reçu le Prix Nobel de la Paix. »
En résumé, la technologie utilisée dans les CSP n’est pas du tout remise en cause actuellement, elle est tout à fait maîtrisée comme en témoignent les quelques centrales opérationnelles existantes aujourd’hui (comme celle terminée en 1991 dans le désert de Mojave en Californie) ou bien les nombreux projets en construction (aux Etats-Unis, en Espagne, mais aussi au Moyen-Orient et en Afrique du Nord). Ce qui fait controverse aujourd’hui, c’est de savoir si une énorme centrale de solaire thermique est préférable au photovoltaïque local. Pour l’instant, le choix de l’une ou l’autre de ces technologies est laissé à l’entrepreneur en fonction du public visé. Du point de vue technique, le seul point qui soit encore sujet à controverse est le problème du transport de l’électricité à travers la Méditerranée et l’Europe, c’est ce que vous êtes amenés à découvrir dans les pages suivantes...
Une seule grosse centrale qui fournirait l’énergie nécessaire aux pays alentours et exporterait directement à l’Europe.
Plusieurs centrales de taille plus petite pourraient réaliser le même but, mais en divisant les sites de production