Positions des régulateursPosition des régulateurs avant la crise
Afin
de mieux comprendre les statuts actuels de l’IASB, il convient de
remonter à sa création : dès l’année 1973, plusieurs pays anglo-saxons
et européens avaient crée le comité des normes comptables
internationales (IASC) dans le but de promouvoir un jeu unique de normes
comptables applicables au niveau mondial.
C’est par ce comité que les normes IAS (International Accounting
Standards) ont progressivement été mises en place. Cependant, en 2000,
l’IASC a décidé de séparer son travail au niveau technique, désormais
assuré par l’IASB (International Accounting Standards Board), de ses
activités d’organisation et de promotion de normes comptables
internationales, regroupées au sein d’une fondation, l’IASCF. Les
nouvelles normes comptables produites par l’IASB portent alors le nom
d’IFRS (International Financial Reporting Standards) et sont appliquées
à partir de 2005, en complément des normes IAS déjà en place.
Trois étapes peuvent être identifiées dans l'histoire du développement
des normes comptables internationales avant la crise :
· La
période 1973-1988 : ce sont des jeunes années de l'IASB, période
d'inventaire des pratiques comptables et menées essentiellement par les
principaux pays industrialisés. Aucune comparabilité des comptes n'était
recherchée à l’époque.
· La période 1988-1997 : c'est le temps du décollage mais aussi du regroupement et de la comparaison (benchmarking), avec la révision des normes antérieures et la publication de nouvelles normes techniques. L'instance internationale profite de cette phase pour se restructurer sur le plan organisationnel entre 1997 et 2000, en réaction aux différentes crises de la fin du millénaire (crise monétaire de 1997 en Asie du Sud-Est, crise financière en 1998 en Russie qui s’est muée en crise économique mondiale d’ampleur fort heureusement très réduite) et afin de tenir compte des recommandations du G7 de Cologne de 1999 qui préconisait une nouvelle architecture du système de régulation financière.
· La
période récente (depuis avril 2001) avec la mise en fonction de la
nouvelle organisation et la publication des nouvelles normes, les IFRS,
entrées en vigueur dans les pays de l’union Européenne le 1er
janvier 2005. Il est
important de souligner que l’IASB avait déjà manifesté, avant le début
de la crise, la volonté de travailler conjointement avec le FASB
(Federal Accounting Standards Board, son homologue américain, qui avait
de son côté édicté son propre jeu de normes : les US GAAP, ou US
Generally Accepted Accounting Standards) afin de réaliser la
convergence des systèmes IAS-IFRS
et US GAAP vers un référentiel comptable unique et international. Les régulateurs prudentiels
Les grandes lignes de la réglementation prudentielle sont plus encore
que celles de la réglementation comptable arrêtées par les Etats : Le
parlement américain aux US, le parlement européen dans
Les gouvernements s’appuient pour cela sur les travaux d’une institution
créée en 1974 par les gouverneurs des banques centrales des pays du
"groupe des Dix" (G10), qui regroupe des banques centrales et des
organismes de réglementation et de surveillance bancaires des principaux
pays industrialisés (France, Belgique, Canada, Italie, Japon,
Luxembourg, Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Espagne, Suède, Royaume-Uni et
les États-Unis) : le Comité de Bâle.
Ce Comité joue le rôle de forum informel pour l’échange d’informations
sur l’évolution de la réglementation et des pratiques de surveillance à
l’échelon national, ainsi que sur les événements actuels dans le domaine
financier. Les réalisations les plus connues du Comité ont été le
premier (Bâle
I) et le
second (Bâle
II)
accord de Bâle. Ils proposent l’unification de la gestion
des risques ainsi que la mise en place de processus de modélisation.
Pour
sortir de la crise, les principales puissances économiques
réunies au G20 de Washington ont acté le principe de coordonner leur
réglementation prudentielle vers un plus grand renforcement des
exigences de fonds propres. Mais pour le moment, cette volonté n’a pas
connu de réalité tangible. Le Sénat américain vient de rappeler
récemment que seule une réglementation américaine s’appliquerait aux
banques américaines, et même à l’intérieur de la zone Euro, les pays ont
encore des approches différentes sur les taxes des banques, les ratios
d’endettement
Positions successives des régulateurs au cours de la crise
Le
13 octobre 2008, sous la pression des gouvernements et de
Pour
la première fois, l’IASB est revenue sur l’application du principe de la
« fair value » qu’elle considérait pourtant comme doctrinal. Ce faisant,
elle a perdu une partie de sa crédibilité face aux banques et aux
marchés, ainsi que la confiance des investisseurs, pour lesquels la fair
value représentait une avancée considérable en termes de facilité
d’évaluation et de comparabilité de la valeur des entreprises sur les
marchés.
Mais
ces changements de ligne de conduite de la part du Board, bien qu’ils
ravissent banques et compagnies d’assurance, auront tout de même
quelques inconvénients : les amendements sur les normes IAS 39 et IFRS 7
viennent alourdir une liste déjà longue de 300 pages,
alors que les dirigeants du G20 demandaient des définitions plus
simples. En outre, les
concessions de l’IASB vont éloigner la possibilité d’une
convergence rapide
avec les standards édictés par le FASB (Federal Accounting
Standards Board), l’homologue américain de l’IASB, car les dernières
délibérations de cette organisation vont bel et bien dans le sens d’un
renforcement de l’application du principe de « fair value ».
Position des régulateurs dans l’optique d’une possible sortie de crise
Maintenant que la violence de la crise s’est quelque peu atténuée, les
analystes ont plus de temps pour se pencher sur la question suivante :
n’est-on pas allé dans l’excès inverse ? A-t-on complètement abandonné
la fair value au profit de la valeur
mark-to-model (valeur
calculée des actifs de l’entreprise selon un modèle interne), réputée
facilement ajustable par les dirigeants des entreprises, ce qui empêche
les investisseurs d’évaluer la santé financière de la contrepartie, et
ainsi de ne pas savoir lesquelles « méritent » d’être sauvées afin de
sortir de la crise ?
En ce qui concerne la première question, les amendements rédigés dans
l’urgence par l’IASB en octobre 2008 n’ont pas réglé ce problème
fondamental, qui est que lorsque le marché devient illiquide, la valeur
de marché de l’actif ne reflète absolument plus sa juste valeur. Elle
doit aussi définir un seuil de liquidité en-deçà duquel la
comptabilisation en mark to market n’est plus valide, ce qu’elle n’a
toujours pas fait à l’heure actuelle.
Quant à la deuxième question, la réponse avait été donnée par dès
octobre 2008 par deux universitaires Franklin Allen et Elena Carletti
publiés dans
En outre, la question cruciale qui déterminera le rapprochement ou non
de l’IASB et du FASB est
celle de l’étendue de l’application de la juste valeur aux actifs
détenus par l’entreprise. En effet, si cette question est résolue par
l’IASB, alors les anglo-saxons abandonneront leurs normes GAAP au profit
des normes IFRS, qui pourraient alors devenir l’unique référentiel
comptable mondial.
C’est ainsi que depuis plusieurs années déjà l’IASB et le FASB
travaillent sur un projet d’harmonisation internationale des normes
comptables. Les liens entre les deux institutions sont étroits puisque
celles-ci travaillent en commun sur sept ou huit autres projets, et
puisque Monsieur Hertz est aussi membre de l’IASB.
Cependant, ce dernier déclare dans une interview accordée à la revue
financière Risk
datant de mars 2010 que la principale différence réside effectivement
dans les modalités d’application de la fair value. En effet, à travers
ses normes FAS 157,FAS 166 et
FAS 167 le FASB
préconise une utilisation de la juste valeur sur une large gamme
d’actifs, tout en recourant aux deux méthodes de calcul : valeur de
marché et valeur au coût historique, alors que l’IASB préfère quant à
elle jongler avec les reclassements des actifs selon le cours du marché.
Quoi qu’il en soit, Monsieur Hertz souhaite avant tout produire des
informations financières de très grande qualité à l’usage des
investisseurs et des auditeurs. Il collaborera avec le Board Européen si
possible, tout en gardant à l’esprit que la convergence internationale
sera inutile si les normes sont de toute façon édictées à la hâte. |