Comment sortir de la crise ?

Vers des normes macro-prudentielles

Durant toute la crise, de nombreux acteurs ont proposés des solutions qui leurs semblaient pertinentes pour éviter que de telles crises ne se produisent à nouveau. Parmi ces mesures proposées, la plus répandue est sans conteste celle de basculer vers une politique macro-prudentielle.

En effet, l’une des accusations portées aux normes actuelles est d’être essentiellement micro-prudentielle (cf mise en cause des normes prudentielles). La justification principale d’une politique macro-prudentielle tient essentiellement au caractère procyclique des normes en vigueur que ce soient les règles prudentielles (lien vers génère procyclicité de normes prudentielles) ou comptables (lien vers génère procyclicité de normes comptables). En effet, cette procyclicité tend à menacer l’ensemble du système financier en amplifiant la crise dans la durée et son intensité.

Ainsi comme l’avance Laurence Scialom, économiste à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense : « adopter une régulation macro-prudentielle est donc une question urgente. Elle passe par la régulation des autorités publiques, et non par l’autorégulation des marchés. La régulation macro-prudentielle est en effet un bien public. »

A l’image de Laurence Scialom, de nombreux économistes plaident pour une approche macro-prudentielle des régulations, mais, sur ces questions, le dernier mot revient à la classe politique.

Un nouveau lexique keynésien

Parmi les nombreuses propositions faites au lendemain de la crise, celles, qui ont eu le plus grand impact, sont essentiellement celles avancées par les dirigeants des pays, notamment au cours du sommet du G20, qui s’est tenu en novembre 2008 à Washington. Ce lexique a vu la naissance d’un changement complet d’approche avec un retour en grâce d’un certain keynésianisme.


De manière générale, ce G20 doit être rapproché du G7 de Cologne en 1999 qui préfigurait l’agenda qualifié de la Nouvelle architecture financière internationale en s’appuyant sur des options libérales :

-          Transparence de l’information

-          Codes de conduites

-          Auto-régulation et discipline de marché

En 2008, avec le sommet, des explications de la crise financière sont données. Sont évoqués :

-          L’excès des effets de levier

-          La procyclicité de la finance

-          Les conséquences contre-productives des règles comptables Mark-To-Market et des réglementations prudentielles

-          La sous-estimation généralisée du risque

-          La sous-estimation des interdépendances systémiques

Dès lors, un plan d’action est arrêté par le G20 ; ce plan se découpe en 5 Principes, dont deux se rapportent justement aux normes comptables et prudentielles :

-          Renforcer la transparence et la responsabilisation des acteurs, ce qui passe par une réforme des normes comptables d’évaluation des actifs et accroître la transparence des actifs hors bilans et des produits structurés.

-          Conforter une réglementation solide en atténuant la procyclicité sur les marchés financiers et en limitant les effets de levier et en contrôlant mieux les agences de notation.

Ces différentes conclusions passées à l’échelle internationale ont trouvé écho à l’échelle nationale. Ainsi, en France par exemple, le rapport déjà évoqué du député du Nord, M. Sébastien Huyghe, consacré aux « Défaillances de la régulation bancaire et financière» présente à son tour des propositions concrètes pour réglementer l’après crise en se servant des leçons tirées de celle-ci.

En somme, ces différentes conclusions, qu’elles soient à l’échelle nationale ou internationale, ont tendance à ramener l’Etat au centre du débat, tandis que la l’autorégulation des marchés est vivement critiquée.

En termes économiques, l’autorégulation est la capacité d’un système à se réguler lui-même en cas de perturbation interne ou externe, sans perturbation extérieure. Un facteur endogène compense les effets de cette perturbation. Il permet d’éviter les risques d’emballement ou, au contraire, d’étouffement et assure au système une certaine pérennité.

Depuis le G20, le monde entier semble revenu à la vision keynésienne de l’économie et des marchés. L’économiste britannique Keynes était l’un des plus violents pourfendeurs de l’autorégulation du marché ; il considérait en effet l’auto régulation des marchés comme un mythe qui ne s’obtiendrait que sur le long terme en utilisant la formule « A long terme, nous serons tous morts ». Il écrivait aussi dès 1936 en rapport avec l’autorégulation que « nous essayons de gérer le présent en faisant abstraction du fait que nous ne savons rien de l’avenir ». La théorie générale son ouvrage le plus célèbre apporte une justification à une intervention massive de l’Etat en temps de récession économique et à une régulation plus marquée des marchés financiers par les pouvoirs publics.

 

Devant le changement de paradigme, des voix d’économistes s’élèvent à côté de celles des Etats pour insister sur le besoin de remettre l’Etat au cœur du débat en période de récession et à renforcer de façon drastique la règlementation. C’est le cas de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, professeur américain qui fait partie des économistes les plus écoutés au monde. Il expose ainsi sa vision de ce que doit à présent être le monde économique dans son ouvrage le Triomphe de la cupidité. Selon lui ce que la chute du mur de Berlin a été au communisme, septembre 2008 l’a sans doute été symboliquement au fondamentalisme du marché et au mythe pervers de l’autorégulation. Il propose dans son livre de nombreuses solutions mais regrette cependant que les réformes entreprises aux Etats-Unis et en Europe ne soient pas à la hauteur de l’enjeu.

Toutefois, l’actualité de la crise de la zone euro semble introduire une limite à ces thèses. En effet, si tous les acteurs semblaient d’accord au lendemain de la crise pour renforcer le pouvoir des Etats en période de récession et à remettre à plat la règlementation, et que les nombreuses initiatives allaient dans ce sens, on peut s’interroger sur la capacité réelle des Etats à mener à bien cette tâche, quand ils sont fragilisés par un endettement excessif et eux-mêmes « chahutés » par la crise que traverse la zone euro.

La crise financière est devenue une crise économique, puis une crise des Etats. Ce sont les normes financières, qui doivent gouverner demain les Etats, qui sont aujourd’hui mises en cause par les marchés…