Une des inquiétudes majeures générée par l’utilisation de la fracturation hydraulique associée au forage horizontal est la peur qu’il y ait une pollution importante de l’eau, en particulier des aquifères qui sont traversés par la partie verticale de certains forages, entre la surface et 100m de profondeur. Les exploitants mettent en avant le fait que, dans cette zone de profondeur, le forage est isolé de la roche et donc des aquifères par une couche multiple de tubes en acier entre lesquels est coulé un ciment spécial. Mais des défauts dans la mise en place de ce «casing» peuvent être à l’origine de fuites de liquide de fracturation, bien que cela soit considéré comme hautement improbable par les exploitants.
Pour se faire une idée des incidents qui ont amené à considérer le casing comme défectueux, voir le relevé des accidents aux USA effectué par un cabinet d’analystes fondé par une ancienne journaliste du Wall Street Journal (page 24 du rapport, intitulé Frack Attack).
Un des éléments déclencheurs de la polémique, le film militant Gasland, auquel se réfèrent souvent les défenseurs de la thèse écologiste, met également l’accent sur cette pollution de la ressource en eau: la scène où un brave américain enflamme l’eau du robinet de sa cuisine a fait le tour du monde. Et la plupart des témoignages à charge recueillis par le réalisateur portaient sur des problèmes de pollution de puits domestiques.
Les exploitants se défendent en argumentant que les zones de fracturation sont situées 95% du temps entre 1000 et 3000m de profondeur, bien en-dessous du niveau des aquifères, qui ne se trouvent pour ainsi dire jamais en dessous de 100m de profondeur. Mais le débat fait encore rage: les écologistes et certains experts indépendants mettent en avant le fait que le fluide de fracturation pourrait migrer vers la surface via des failles. Ce à quoi les experts et exploitants répondent que c’est doublement impossible, une fois encore, car les failles d’une taille qui permettrait au fluide de se propager sont visibles grâce aux procédés d’imagerie géosismiques ou géophoniques, et également parce que la perte de pression liée à la migration du fluide dans une faille serait immédiatement détectée et empêcherait même la fracturation.
Mais alors comment justifier les pollutions effectivement répertoriées par l’EPA (Environmental Protection Agency) américaine? Il semble que les casing défectueux et les pollutions en surface suite à un traitement défectueux des eaux issues de la fracturation soient les pistes les plus prometteuses. C’est en tous cas sur ces points que les exploitants ont réalisé la majorité de leurs efforts depuis que la polémique a éclaté, et c’est également sur ces points que la régulation risque de devenir plus contraignante. Par ailleurs, il existe une autre piste pour justifier la présence de gaz dans certains aquifères, notamment dans l’Ohio: elle consiste à envisager la présence naturelle de méthane à faible profondeurs dans ces aquifères, méthane dont les forages auraient pu perturber l’équilibre avec l’eau.
Ce problème de la pollution de l’eau est d’autant plus critique que l’immense formation de shale dite de Marcellus, dans le Nord-Est des Etats-Unis, est située en partie sous les immenses aquifères qui alimentent en eau potable les millions d’habitants de la région de New-York: on comprend que des inquiétudes aient pu apparaître lorsqu’il a été question d’exploiter des gisements dans ces zones.
Dans le cas français, le fait que l’un des permis d’exploration attribués afin de déterminer la présence ou non de gaz de schiste soit situé dans une zone du Larzac qui regroupe certaines des rivières les plus poissonneuses de France n’a certainement rien fait pour rendre le débat moins passionné.
Fiche: Pollution des aquifères