Qualité de la formation et classements


Alors, quelle définition adopter pour poser les bases d’une formation de qualité ?

Il serait bien prétentieux de prétendre fournir une définition universelle et immuable de la qualité d’un enseignement sans se contenter d’une énumération de généralités. Il s’agit du premier constat que l’on peut établir en analysant les prises de position des divers acteurs de la controverse, chacun mettant en avant un critère relatif à sa profession ou à ses convictions.

Qu’en est-il des classements des établissements de l’enseignement supérieur ? Les classements des universités proposent chacun leur propre hiérarchie des établissements du supérieur, ordonnés selon leur « qualité ». Chacun d’eux repose sur sa propre méthodologie, pondérant de manière unique un ensemble de critères sélectionnés.


Extrait du classement de Shangaï 2010


Dans ce cas, la question prend une autre tournure : quels critères sélectionner pour juger de la pertinence et de l’utilité des cursus proposés ?

Aucun, à en croire le rapport Politiques et gestion de l’enseignement supérieur (Volume 19) de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) qui estime que « la corrélation entre les indicateurs utilisés dans les classements et les indicateurs de la qualité de l’enseignement demeure illusoire». Les auteurs (Jamil Salmi, Banque mondiale, États-Unis et Alenoush Saroyan, Université McGill, Canada) s’en réfèrent, d’une part, à l’absence de définition figée de la qualité applicable à tous les établissements, indépendamment de leurs nature et missions et soulignent, d’autre part, que les classements, ne faisant pas de distinction entre les universités, finissent par comparer des établissements avec des systèmes de notation différents.

Toutefois, l’Institut Montaigne, think tank libéral, voit dans les classements une opportunité de porter un regard extérieur sur les démarches d’enseignement et de remettre en perspective, grâce à la variété de classements donc de critères sélectionnés, la performance académique des établissements français. Par ailleurs, les classements à fort retentissement (par exemple, le classement de Shangaï dont les critères quantifient essentiellement la qualité de la recherche) suscitent beaucoup d’intérêt dans les conseils d’administration universitaires et semblent donner lieu à une certaine course des établissements vers le sommet de ces hiérarchies.


Doit-on à tout prix rentrer dans la logique de concurrence internationale instituée par les divers classements pour espérer accroître la qualité des formations?


Devant cette tentation, la revue de l’OCDE met en garde les acteurs de l’enseignement supérieur contre des choix purement et simplement dictés par ces classements. Elle mentionne explicitement le cas français et les établissements de petites tailles, ouvertement incités par le ministère de l’Enseignement supérieur à privilégier la recherche et à fusionner afin de faire naître des « pôles d’excellence », mieux positionnés dans les classements mondiaux du seul fait de leur taille. Il convient alors de se demander dans quelle mesure les classements pèsent sur la gouvernance des établissements de l’enseignement supérieur. La réponse fournie au sommet de l’Etat est sans équivoque. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait attribué à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la difficile mission de classer au moins deux établissements français parmi les vingt premiers du classement de Shangaï.

Si l’économiste Hugo Harari-Kermadec se pose la même question, il y apporte un éclairage différent et tente d’explorer les différents rouages susceptibles d’orienter la politique éducative française et le comportement des établissements. La publication de classements lui apparaît comme une façon, dans le cadre des politiques européennes notamment, dexercer une pression sur les états sans pour autant appliquer de sanctions. Il déplore le processus consistant à prendre des orientations au niveau européen puis à traduire la supervision européenne par la conception de classements mesurant l’état d’avancement des réformes et donc la capacité d’un acteur à converger vers la conception de qualité mise en avant par une entité européenne. Il convoque notamment l’exemple de la commission européenne et de la mesure de la libéralisation de l’enseignement supérieur avant de revenir vers les classements internationaux comme le classement de Shangaï:

« Elle va ensuite les [les classements] présenter, communiquer dessus et les états vont se retrouver à être soit bien classés ou mal classés. Et donc à devoir soit dire “je ne tiens pas compte de ce classement” soit dire “ce classement est problématique mais il faut remonter” - c’est ce qu’il se passe avec le classement de Shangaï. Les ministres successifs de l’enseignement supérieur et de la recherche, le directeur de mon école ont déclaré : “ le classement de Shangaï n’est pas parfait, il ne reflète pas la réalité mais ça serait quand même bien d’être en haut. Donc il faut qu’on s’adapte.” Et ce n’est pas parce que le classement vient dire qu’il faut faire ça mais on se sent obligé de se conformer aux critères de ce classement donc c’est pour ça qu’on part à Saclay [regroupement universitaire]. »


Source : Aghion et al (2007)

Indice de performance selon le classement de Shangaï en fonction de la dépense par étudiant

Source : Aghion. P, et al (2007) repris dans le rapport du Sénat



Dans le rapport d’information sur le défi des classements dans l’enseignement supérieur, rédigé par le sénateur Joël Bourdin, la délégation du Sénat pour la Planification admet qu’il existe une corrélation positive entre la performance d'un pays et sa dépense par étudiant (voir graphique ci-dessus) mais réfute l'impact direct du montant des droits d'inscription. L’OCDE voit, quant à elle, dans l’augmentation des frais de scolarité - synonyme d’un accroissement de l’engagement financier des étudiants dans leurs formation – l’opportunité de forcer les établissements, financièrement dépendants de leurs clients étudiants et stimulés par la concurrence internationale des classements, à satisfaire mieux et au moindre coût leurs demandes.


Mais est-ce vraiment une fin en soi ?


Maylis Brandou, chargée d’études à l’Institut Montaigne, souhaite remettre en perspective les évolutions qu’a connues l’enseignement supérieur lors des dix dernières années et tempère les affirmations de Hugo Harari-Kermadec sur les motivations des établissements universitaires. Elle décrit un double mouvement amorcé au début des années 2000 : le classement de Shangaï d’un côté et de l’autre, une réforme de l’enseignement supérieur menée en commençant par le formalisme Licence-Master-Doctorat puis se renforçant avec la LRU [Loi relative aux libertés et responsabilités des universités] en 2007. Ainsi, le cercle de réflexion estime qu’on ne peut pas dire que le mouvement de consolidation des établissements universitaires soit une réponse directe aux différents classements internationaux.

N’oublions pas la teneur de la problématique explorée : l’enjeu est de mettre en relation la qualité des formations, notion au cœur des classements, avec une éventuelle hausse des droits de scolarité.



Serait-elle forcément le témoin d'un accroissement des compétences des diplômés français?


Non, c’est du moins la réponse que donne l’UNEF en faisant référence à l’augmentation des droits de scolarité de Sciences Po et en opposant, implicitement, la compétitivité d’un établissement sur la scène internationale et le montant de ses prestations à la pertinence de la formation menant au diplôme:


« Sciences Po devrait ainsi s'engager dans une politique active de compétition pour surpasser ses « concurrents » européens et rivaliser avec les grandes universités américaines, […] il s'agit d'être les plus « compétitifs » à tous les niveaux. Les droits d'inscription sont alors présentés comme l'outil idéal. En effet, sur le « marché mondial de l'éducation », le « prix » est supposé refléter la « valeur » du diplôme. »

Extrait de Analyse de l'UNEF sur la réforme Descoings


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