Taxi : une profession en danger ?

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Les noeuds de la controverse


Les problèmes posés par l’apparition des VTC dans le marché de transport de personnes à la demande sont multiples et présentent diverses approches suivant les acteurs qui s’en emparent. Nous avons donc regroupé ces différents points en nœuds reliés entre eux qu’il importe de détailler séparément pour bien comprendre la dynamique de la controverse.






La technologie au cœur du problème


Dans les années 70, une révolution technique a bouleversé les taxis : la radiotéléphonie. Nul besoin pour le client de se déplacer pour obtenir des renseignements sur la disponibilité et le prix : un simple coup de téléphone suffit. C’est depuis cette époque qu’il y a un véritable décalage entre la modernisation et la technologie utilisée par les taxis. C’est ce que révèle Philippe Laneyrie dans son article Transport traditionnel et innovation technique : L’exemple des taxis. Le radio-taxi a moins été une volonté de modernisation qu’une réponse à la concurrence des voitures de remise, qui ont rapidement développé leur offre en s’adaptant à cette évolution.


Quelles sont les raisons de la percée des VTC ?


Ce déficit technologique, les VTC en ont tiré profit avec l’ssor formidable des smartphones et exploitent actuellement le filon. Ils disposent donc d’un atout majeur de modernisation vis-à-vis des taxis : grâce à une application smartphone, il est possible de repérer le VTC le plus proche et de le commander directement, sans intermédiaire – sans central de réservation en somme. Le tarif forfaitaire est donné à la réservation et la transparence est totale. Dans un monde où la technologie est de plus en plus omniprésente, cette utilisation des applications smartphone permet non seulement une rapidité de commande améliorée et également un gain de temps pour les chauffeurs et le service de transport à la demande. Mais surtout, cela donne plus de choix au client.


Le but est d’offrir une meilleure expérience à l’utilisateur, et la technologie est l’outil permettant cette amélioration du service. Uber prévoit même d’aligner la Google Car de son actionnaire Google, un véhicule automatique permettant, sous réserve d’une évolution de la législation française sur les voitures automatiques, de se passer même de conducteur comme on peut le voir dans LesEchos.fr. Cet article montre d’ailleurs que la question technologique n’est pas exploitée seulement pour les VTC mais aussi pour les taxis. Déjà, le système de fonctionnement des grosses entreprises de réservation de taxis telles que G7 est très proche de celui des VTC. Ils disposent d’applications smartphone et ont en plus un plus grand réseau. Mais la prolifération des applications permettant de trouver un taxi, avec des centrales de réservation peu coûteuses, est néfaste à ces entreprises. Toutefois, la densité de son réseau est la force d’une entreprise comme G7, qui dispose de 7500 véhicules plus 2500 de Taxis Bleu. La percée des VTC n’a finalement que peu d’impact sur son activité, d’autant plus que l’augmentation de l’offre a permis également l’augmentation de la demande et donc est prolifique pour les taxis.

Tant qu’il aura face à lui dix ou vingt opérateurs de VTC alignant chacun une petite flotte, ce groupe [G7] n’a pas grand-chose à craindre - Richard Darbéra

Les VTC sont nés d’un déficit de pénétration de la technologie d’une façon générale dans le secteur du transport particulier. Si cette révolution technologique n’a pas eu lieu d’abord dans le monde du taxi, cela est dû à plusieurs raisons. Pour un PDG d’une société de VTC, « le monde du taxi était relativement bloqué : ils ne souhaitaient pas nécessairement l’arrivée d’acteurs tels que les VTC, que ce soit les chauffeurs eux-mêmes qui n’ont pas forcément envie de dispositifs technologiques ou surtout que ce soit la G7 qui interdit à ses adhérents de disposer de systèmes comme les leurs ». Finalement, la réponse des VTC à la demande des clients d’un service de meilleure qualité et plus à leur écoute est le contrôle de sa flotte de chauffeurs par la technologie. Cette technologie a révolutionné le monde du transport particulier il y a plusieurs décennies et le change à nouveau aujourd’hui. Le rapport Thévenoud préconise d’ailleurs une modernisation du système des taxis par les mêmes technologies utilisées par les VTC.






Marché de « la rue », marché du « téléphone »


La réglementation du transport de personnes autorise uniquement les taxis à stationner sur la voie publique. Cette autorisation est délivrée par le maire de commune – ou le préfet dans le cas de Paris – et donne également le droit au chauffeur de prendre des clients sans réservation préalable, lorsqu’il est hélé dans la rue : on parle alors de droit de maraude. Les VTC, eux, ne possèdent pas ce droit et doivent donc se contenter de réservations. La répartition française du marché ne fait donc pas la même distinction entre marché « de la rue » et « du téléphone » que celle à New York, où taxis et VTC cohabitent en se partageant la demande. Car les taxis peuvent également prendre des réservations par le biais de plateformes de radio-taxis comme G7.

Le problème est qu’avec l’essor fulgurant des télécommunications, les taxis se sentent menacés par les VTC, et la maraude ne suffit pas à les rassurer. C’est pourquoi ils se sont lancés dans une série de grèves, puis on obtenu fin 2013 un décret imposant un délai de 15 minutes aux VTC entre la réservation et la prise en charge du client. Ce décret, issue de la loi Hamon sur la consommation, a été porté par le député Razzy Hammadi, mais tout de suite décrié pas les entreprises de VTC. Le président de SnapCar, Yves Weisselberger, a ainsi fait parvenir à ses usagers une lettre expliquant que l’entreprise continuerait à satisfaire ses commandes le plus vite possible malgré les sanctions judiciaires encourues. Ils ont finalement obtenu gain de cause de la part du Conseil d’Etat le 5 février 2014 avec la suspension du décret.

Mais la question de la répartition du marché est loin d’être réglée, puisque les taxis reprochent désormais aux VTC ce qu’ils nomment « maraude électronique » et veulent empêcher les VTC de montrer au client la proximité de leurs véhicules faute de pouvoir instaurer un délai minimum. Le rapport du médiateur Thomas Thévenoud va dans ce sens, mais les VTC pointent déjà les mesures envisagées du doigt. Pour Yves Weisselberger, comme c’est SnapCar qui attribue la voiture au client, cela signifierait interdire aux entreprises de VTC de savoir où se trouve leur flotte, en privant les véhicules de GPS. Tout bonnement « inimaginable ».

On doit pouvoir utiliser la technologie. Il faut plutôt moderniser les taxis. - Yan Hascoet, PDG de Chauffeur-Privé





Être chauffeur


Le modèle économique des entreprises de VTC est également sujet à controverse. En effet, que ce soit Uber, Allocab, ou Chauffeur-Privé, toutes disent être des entreprises technologiques, et non des entreprises de transport de personnes. En tant que telles, elles ne possèdent pas de chauffeurs salariés ni de véhicules mais ne font que leur fournir leur technologie. Nombreux sont donc les chauffeurs de VTC avec le statut d’auto-entrepreneur. Une telle situation est avantageuse pour ces fabricants d’applications, car ils sont exonérés de charges patronales, ce qui les avantage face aux entreprises historique dites de grande remise.


Une autre critique formulée à l’encontre des VTC, est dans le cas où celles-ci possèdent des véhicules, qu’elles louent aux chauffeurs, comme pour Lecab. Les tarifs pratiqués sont dégressifs en fonction du nombre de courses effectuées, et de ce fait les chauffeurs sont poussés à effectuer un un volume important, ce qui les empêche de faire des courses pour d’autres entreprises fournissant des réservations. Plusieurs chauffeurs parlent alors de salariat déguisé, et cette situation n’existe pas uniquement chez les VTC. Toutefois, cette déviance se retrouve aussi dans d’autres plateformes de réservation comme G7, qui été contraint par les Prud’hommes de payer des indemnités de salaire au chauffeur de taxi M. Bahtiti. En effet, sous couvert de location d’un terminal radio, ils l’auraient empêché d’être libre de choisir ses courses, et c’est pourquoi il a demandé à requalifier son contrat de location en contrat de travail. Mais que ce soit G7 ou Lecab, les différents opérateurs nient cette pratique. Benjamin Cardoso, président de Lecab, affirme ainsi qu’ils ne créent « aucune dépendance économique » chez les chauffeurs puisqu’il n’y a pas « d’obligation contractuelle de réaliser ces objectifs. »

Mais cette situation d’auto-entrepreneur est souvent de courte durée comme le concèdent les entreprises de VTC : il y existe en effet un plafond de 32 900€ annuels, assez vite dépassé pour faire face à des frais fixes importants pour le chauffeur de VTC (commission sur chaque course, location du véhicule, essence, entretien, assurance…). Il choisit alors souvent de créer son entreprise au bout de quelques mois d’exercice.


L’ambiguïté de la situation est souligné par les propos de Pierre-Dimitri Gore-Coty, General Manager France et Europe du Nord d’Uber : il évoque sur le journaldunet.fr les tentatives de collaboration d’Uber avec les taxis au début de son implantation en France. Il était alors question de donner accès aux chauffeurs de taxis aux réservations des clients sur la plateforme Uber, mais le leader du marché des radio-taxis s’y est opposé. Cela auraxit-il été possible sans une certaine dépendance économique des chauffeurs?...

Mais malgré les critiques formulées, les entreprises de VTC se targuent de créer de l’emploi. Les dirigeants se vantent ainsi à chaque fois du succès de leur offre : non seulement ils attirent d’anciens taxis, qui vendent leur licence pour devenir VTC, mais ils incitent également de nouvelles personnes à faire les démarches nécessaires pour devenir chauffeur. Dans tous les cas, selon eux, leur développement a permis d’augmenter la mobilité des français et donc la demande de taxis, et ainsi créé des emplois.

Il n'y a aucun doute sur le fait qu'Uber ait créé des emplois en France. Il n'y a qu'à voir le nombre de personnes qui nous rejoignent semaine après semaine. - Pierre-Dimitri Gore-Coty