Doit-on faire tomber les brevets ?
Voici une frise chronologique résumant l'évolution du virus du SIDA et des traitements antirétroviraux :
Pourquoi les génériques ?
• Des traitements aux coûts élevés
Avant l’apparition des premiers médicaments génériques et le début des campagnes d’action des associations de défense des droits des patients, le prix des traitements contre le SIDA est très élevé, et est donc réservé à une certaine classe sociale. On voit sur le graphe ci-contre, tiré d’un rapport de MSF intitulé « Trading Away Health How the U.S.’s Intellectual Property Demands for the Trans-Pacific Partnership Agreement Threaten Access to Medicines »
Source de l'image: http://aids2012.msf.org/Il a également fallu attendre l’apparition des premiers médicaments génériques pour pouvoir prendre conscience du prix exorbitant des traitements contre le SIDA. Gaëlle Krikorian, ancienne vice-présidente d’Act-Up, l’une des premières associations de défense explique dans un entretien que nous avons réalisé avec elle : « Quand on a commencé la discussion [avec les grandes firmes pharmaceutiques], on avait réussi à avoir 30% de réduction, donc environ 7000 dollars par patient et par an et ils pleuraient en disant qu’on est en dessous des marges de production. Et nous nous n’avions aucun moyen de vérifier l’information. » Avec les premiers médicaments génériques, comme on le voit sur le graphe d’évolution du prix des médicaments antirétroviraux de première génération, le prix a été divisé d’un facteur 30. Ces premiers médicaments génériques avaient été produits par l’Inde et le Brésil, qui sont depuis parmi les premiers pays producteurs de génériques dans le monde (d’après un article intitulé « Générique : un abécédaire », sur le site d’Act’Up Paris, URL : http://www.actupparis.org/spip.php?article2556).
L’Inde et le Brésil : les deux premiers producteurs de génériques
Dans un premier temps, on observe sur le graphe ci-contre l’apparition du terme generic drugs.
Évolution de la fréquence d’apparition du terme generic drugs dans les publications scientifiques depuis 1970
La fréquence d’apparition du terme generic drugs dans les publications scientifiques présente une corrélation intéressante avec le graphe d’évolution des prix des médicaments antirétroviraux de première génération. En effet, dans les deux cas, on remarque que tout se fait à partir de la fin des années 1990. Ce n’est pas surprenant, étant donné que les accords ADPIC ont été signés en 1995. A l’heure actuelle, l’Inde est l’un des principaux pays producteurs de génériques. En effet, plus de 80% des traitements contre le SIDA que MSF utilise dans le monde sont des génériques qui proviennent d’Inde, selon un rapport de MSF intitulé : « Trading Away Health : How the U.S.’s Intellectual Property Demands for the TransPacific Partnership Agreement Threaten Access to Medicines ». Il n’est pas si surprenant que l’Inde soit devenu l’un des principaux pays producteurs de génériques dans le monde. En effet, le graphe ci-dessous montre que c’est le deuxième pays au monde en termes de recherche sur l’expression « treatment for AIDS », ce qui témoigne du besoin de sa population.
Quant au Brésil, sa situation actuelle provient de la direction que le gouvernement brésilien a pris à la fin des années 1990 en ce qui concerne le traitement contre le VIH. En effet, depuis le milieu des années 1990, le Brésil s’est attaché à mettre en place un cadre légal permettant à tous les patients atteints du VIH d’avoir accès gratuitement à des diagnostics, des traitements. Le gouvernement avait passé un accord avec les laboratoires pharmaceutiques pour produire des versions génériques de médicaments ART. Cette collaboration a entraîné la production nationale de 10 versions génériques de plusieurs médicaments antirétroviraux utilisés à l'époque. (Orsi, 2007 : 2002)
La forte présence des firmes génériques sur le marché actuel du médicament a alors permis, en association avec des ONG de défense des droits des patients, de développer des moyens de lutte contre les brevets déposés par les grandes firmes pharmaceutiques, qui viennent entraver le développement des génériques en empêchant les firmes productrices d’utiliser certains principes actifs. C’est ainsi qu’est né le Patent Opposition Database, un site mis en ligne par MSF dans le but de faire participer la société civile aux problématiques de brevets dont la légitimité est questionnable.
On voit donc que, pour les associations de défense des droits des patients ainsi que pour les firmes de génériques, il est nécessaire de faire tomber les brevets. Cependant, si une telle mesure permettrait d’améliorer grandement l’accessibilité des patients aux traitements contre le SIDA, elle n’améliore pas leur accès aux médicaments les plus efficaces. Il faut donc également considérer la qualité des médicaments, et l’innovation joue donc un rôle majeur.