Conclusion
L’affaire de la brucellose du bouquetin dans le massif du Bargy est une controverse encore très actuelle. D’une dimension à la fois sociale, technique et politique, sa portée est bien plus étendue qu’un simple conflit régional. La brucellose est en effet une infection transmissible à l’homme qui s’est imposée comme problème sanitaire dans le monde entier, au même titre que la vache folle pour ne donner qu’un exemple.
Tout d’abord, la brucellose pose un questionnement d’ordre technique: comment peut-on enrayer une enzootie parmi des populations sauvages ? La prophylaxie sanitaire jusqu’alors employée était l’abattage des animaux infectés. Cependant, celle-ci n’est efficace que sur une population domestiquée dont le contrôle est assuré. En milieu ouvert, à cause de l’impossibilité d’évaluer une population de manière dynamique, l’efficacité de l’abattage n’est pas certaine. Au vu des dernières innovations (vaccins, dépistage in situ), ne faut-il pas revoir la prophylaxie jusqu’à présent préconisée?
C’est également dans l’évaluation correcte des risques que la controverse prend de l’ampleur. Faut-il privilégier le principe de précaution sanitaire (et économique) ou bien attendre que le paysage des connaissances dynamiques des hordes de bouquetins soit complété ? Un risque aussi minime soit-il justifie-t-il d’être traité en urgence ? Ce sont autant de questions qu’il faut mettre en relation avec l’histoire de la maladie et la difficulté avec laquelle la France a réussi a obtenir le statut ‘indemne de brucellose bovine’.
Enfin, le caractère social de la controverse est probablement la raison pour laquelle une affaire régionale prend des dimensions disproportionnées. Entre protection du terroir, des pâturages et de l’économie locale, les agriculteurs ont toutes leurs raisons de faire pression pour appliquer le principe de précaution. D’autre part, les écologistes déplorent le comportement de l’état et le non respect d’une espèce protégée et chérie par les touristes, tandis que les chasseurs convoite le retour de la chasse au bouquetins. Une véritable guerre d’influence se met alors en branle pour aboutir à des propos et des actes parfois virulents qui ne manquent pas d’être médiatisés.
« On n’est plus dans un petit problème local, mais dans une problématique sociétale, politique, économique, scientifique complexe et ce n’est pas de tirer dans le tas qui résoudra le problème. »
Jean-Pierre Crouzat, administrateur de la FRAPNA