Notre second entretien a été réalisé avec Bernard Marclay membre du bureau de l’association Mountain Wilderness qui nous raconte son engagement et celui des militants écologistes.
Ce sont principalement des accompagnateurs de montagnes qui ont permis la suspension de l’opération d’abattage en réalisant une chaîne humaine sur le massif du Bargy. Les militants demandent une meilleure expertise du bouquetin et de la maladie avant de prendre une décision si importante. Les militants comprennent néanmoins la positions des éleveurs, car si les bêtes d’un éleveur sont atteintes de brucellose, il doit abattre tout son troupeau. M. Maclay entend naturellement que les éleveurs ne comprennent pas qu’on ne puisse pas toucher au bouquetin sous prétexte que c’est un animal sauvage.

« Si les troupeaux d’un éleveur sont atteints de brucellose on lui demande de tout abattre. Alors que l’on ne touche pas aux bouquetins même atteints juste sous prétexte que ce sont des animaux sauvages. Il dès lors difficile de trouver un accord. »

Selon lui, il faut se placer dans le contexte politique et pas seulement sanitaire, dans le sens où, certes la brucellose dans le lait peut mettre en péril la production du reblochon mais, et c’est selon lui le point le plus important, il faut également prendre en compte le point de vue des habitants et des militants. Selon M. Maclay, la prise de décision a été faite contre les militants écologistes et dans le seul but de contenter les lobbys d’éleveurs. Alors que s’il y avait eu une discussion calme entre éleveurs, agences sanitaires et militants écologistes, ces derniers auraient pu arriver à un compromis.

« Il y a une frustration auprès des décisions prises par des gens en ville qui sont coupés de la réalité. L’intervention de Ségolène Royale a été soutenue par le préfet et par le député d’Annecy Bernard Accoyer, des gens qui n’ont pas une ouverture suffisante sur les problèmes de la montagne. Ils cherchent seulement à défendre les lobbys des agriculteurs. »

Pour les militants écologistes, cette décision n’était vraiment pas adaptée : cela a crée un phénomène de panique dans la population de bouquetin ce qui a répandu l’épidémie au lieu de la contenir. Ils reconnaissent néanmoins qu’il n’existe pas de « remède miracle » puisque le principal problème de la vaccination est qu’on ne peut pas distinguer les animaux vaccinés ou ceux atteints de brucellose, les deux étant séropositifs à la bactérie. Il regrette la tension extrême qui entourait l’abattage et déplore des dégats matériels faits pas les éleveurs aux militants.

« Je connais des gens dont les voitures ont été endommagées par le lobby des éleveurs. Les tensions étaient très élevées. »

Enfin, M. Maclay explique qu’aux États-Unis, il existe un lobby important pour les animaux sauvages ne partagent pas les pâtures avec le bétail et de nombreux cas révèlent que des maladies, comme la brucellose ont été utilisées comme prétexte.

« Pour les bouquetins il est vrai qu’ils évoluent très proche des alpages et il n’est donc pas impossible que la concurrence pour la nourriture avec leurs élevages ne les pousse à soutenir l’abattage des bouquetins. »

Retour aux entretiens


Notre interlocuteur tient à préciser qu’il parle en tant que représentant de sa propre personne et non de Moutain Wilderness ou Promoglobe.

Que s’est-il passé dans Le Massif du Bargy ? 
Bernard Maclay : Les accompagnateurs de moyenne montagne et d’autres partisans des bouquetins ont permis de suspendre les opérations d’abattage. Ils se sont pris par la main sur les lieux d’intervention des chasseurs qui en étaient à leur deuxième sortie. Ces derniers ont été forcés d’arrêter l’opération qui s’avérait alors dangereuse. Leur but était de gagner du temps. Et le résultat des courses fut la suspension de l’action de l’abattage et de l’extermination de l’espèce. Ils préconisent une action plus ciblé et donc demandent une meilleure connaissance des espèces abattues et de la maladie Brucellose.

Qu’est ce qui est à l’origine de l’abattage ? 
B.M. : On a pu détecter des bactéries de Brucellose dans des produits laitiers ce qui crée des risques de contagion chez l’homme. Certaines personnes ont d’ailleurs été touchées. Les éleveurs sont alors obligés d’abattre leurs troupeaux. Les bouquetins ont été identifiés comme porteur de la maladie et le préfet ordonne l’abattage des bouquetins de plus de 5 ans.

Quelles ont été les conséquences ? 
B.M. : 
L’année dernière, l’armée est intervenue sans chercher à savoir si les bouquetins abattus étaient atteint par la Brucellose et s’il existait réellement des risques de transmission entre le cheptel sauvage et le cheptel bovin. C’est une question compréhensible, car si les troupeaux d’un éleveur sont atteints de brucellose on lui demande de tout abattre. Alors que l’on ne touche pas aux bouquetins même atteints juste sous prétexte que ce sont des animaux sauvages. C’est difficile de trouver un accord. Il faut se placer dans le contexte politique et pas seulement sanitaire. Par exemple la brucellose dans du lait qui permet la production de reblochon risque de rendre les ventes interdites.
La prise de décision a été anti-écologiste. Ceux qui prennent ces décisions se mettent les éleveurs dans la poche alors que si on parle calmement avec les éleveurs on pourrait établir un compromis. Il y a une frustration auprès des décisions prises par des gens en ville qui sont coupés de la réalité. L’intervention de Ségolène Royale a été soutenue par Marcel et par le député d’Annecy Bernard Accoyer, des gens qui n’ont pas une ouverture suffisante sur les problèmes de la montagne. Ils cherchent seulement à défendre les lobbys des agriculteurs.

Ne pourrait-on pas trouver un compromis dans l’avenir ? 
B.M. : Il faut définir une manière d’agir qui soit en faveur des bouquetins et des éleveurs. Depuis l’année dernière il y a eu des progrès avec la vaccination qui nous permettrait de protéger le cheptel domestique et sauvage. Le problème de la vaccination résidait dans le fait qu’il était difficile de dire si un animal avait été atteint de brucellose ou s’il avait été vacciné. Y-a-t-il eu des développements de ce côté ? Je ne sais pas, il faudrait se renseigner.

L’abattage a-t-il été efficace ? 
B.M. : Le fait d’avoir abattu un certain nombre de mâles sur le Bargy a créé un appel d’air puisque des mâles des autres massifs sont venus procréer avec les femelles. De plus l’abattage a provoqué un phénomène de panique parmi la population de bouquetins et beaucoup sont partis dans d’autres massifs ce qui a attisé l’épidémie, le contraire de ce qui avait été prévu ! 
Lorsqu’il y a eu des manifestations, des personnes campaient et d’autres avaient leurs voitures stationnées au col de la Colombière. Je connais des gens dont les voitures ont été endommagées par le lobby des éleveurs. Les tensions étaient très élevées,

Peut-on faire un rapport entre ce qui se passe dans le Bargy et ce qui se produit aux Etats Unis avec les bisons ? 
B.M. : Aux Etats Unis où j’ai vécu pendant plusieurs années, on met l’accent sur la concurrence entre cheptel domestique et sauvage pour la nourriture. Les Etats Unis ont un gros lobby pour que la faune sauvage ne mange pas la nourriture du bétail et il n’est pas rare que des maladies de ce type soient utilisées comme prétexte pour créer de l’aire libre. Par exemple la chasse de mustangs a été ordonnée car ils étaient en concurrence avec les troupeaux de bovins ! Ils ont augmenté les quotas de la chasse, et ont même ordonné l’abattage en hélicoptère sous prétexte d’une maladie dont ils étaient atteints. Pour les bouquetins il est vrai qu’ils évoluent très proche des alpages et il n’est donc pas impossible que la concurrence pour la nourriture avec leurs élevages ne les pousse à soutenir l’abattage des bouquetins.

Afficher l'entretien complet