Vous l’aurez compris, si le débat autour des langues régionales se cristallise en premier lieu autour de la Charte et des questions constitutionnelles qu’elle engendre, il cache une interrogation beaucoup plus large autour d’une question centrale :
Qu’est-ce qu’une langue dans la République ?
Cette question, nous étions nombreux à ne jamais nous l’être posée, car une importante partie d’entre nous ne parle qu’une seule langue de France : le français. Ce sont les locuteurs des langues régionales, qui, par le besoin de parler leurs langues, font apparaître cette question dans le débat public.
Cette question se décline notamment dans trois domaines qui sont essentiels pour la préservation des langues régionales : l’éducation, les médias et la culture :
Faut-il imposer des quotas de programmes en langues régionales à la télévision ?
Est-il possible de traduire les livrets de famille en langue régionale ?
L’enseignement immersif bilingue doit-il être la norme dans les régions où les langues régionales sont parlées ?
Les questions sont nombreuses et entraînent des considérations pragmatiques des acteurs impliqués : Les programmes en langue régionale réalisent-ils de bonnes audiences ? L’enseignement bilingue est-il bénéfique d’un point de vue cognitif ? Elles interrogent aussi notre conception de la République, entre la vision d’un État-Nation unitaire et unificateur, et la critique de cette vision, accusée de chercher à imposer une langue et une culture unique à la diversité des citoyens.
Cependant, ces oppositions ne tiennent pas seulement à l’idéologie, mais aussi à la perception du français et des langues régionales qui est le fruit de l’expérience personnelle des acteurs. Le français est ainsi vu par certains comme un facteur d’unité nationale. C’est tout le contraire pour d’autres. L’expérience ou l’absence d’expérience personnelle des langues régionales détermine aussi souvent l’importance qu’on apporte à la question.
Ce sujet est aussi l’illustration du désir de reconnaissance d’une minorité qui peut se heurter à une forme d’opposition passive : l’indifférence qui peut être perçue comme violente par les défenseurs des langues régionales.
Pour les défenseurs des langues régionales le combat est loin d’être terminé : de nombreuses questions et demandes restent sans réponse. Les partisans des langues régionales sont toujours actifs et le député du Morbihan Paul Molac que nous avions auditionné dans le cadre de notre étude a d’ailleurs été réélu dès le premier tour des législatives sous la bannière «En marche !»…