Les chiffres avancés par la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) dans ses rapports La Mutualité Française en chiffres (qui ne délivre pas les mêmes informations à chaque édition), éditions 2011[0] et 2012[1], tendent à montrer que la croissance économique du secteur mutualiste est forte. En 2011, la FNMF relevait un chiffre d’affaire de l’ensemble des mutuelles qui lui étaient affiliées de 16.3 milliards d’euros en complémentaires santé, contre 16.9 milliards d’euros l’année suivante. D’autre part, si les études de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) réalisées sur des années récentes ne permettent pas de mettre en avant une évolution significative de la part des remboursements des Soins et Biens Médicaux assumés par les mutuelles, la Mutualité Française y relève tout de même dans son rapport sur Les Dépenses d’Assurance Santé de 2015 [2] une augmentation de 28% entre 2006 et 2013 du montant du financement de ces dépenses par les organismes complémentaires.
En fait, depuis 1995, les études de la DREES permettent d’observer une tendance certaine à la hausse de la part du financement de la consommation de soins et biens médicaux par les organismes complémentaires et les mutuelles en particulier.
Entre 2006 et 2015, la FNMF souligne à partir des données de la DREES un passage 13% à 13,3% de la part remboursement des complémentaires dans les dépenses de santé, quand bien même il n’existe pas de tendance véritablement marquée à la hausse sur cette période.
La légère variabilité des chiffres de la DREES selon l’année de sortie de l’étude, qui est tout de même de l’ordre de la variation annuelle des chiffres observés, impose une réserve à l’analyse détaillée de ces chiffres. Cependant on distingue sur les 20 dernières années un recul léger de la participation de la Sécurité Sociale au financement des CSBM (Consommation de Soins et Biens Médicaux), tandis que celle de des complémentaires santé augmente. Cette augmentation est en fait surtout due à la baisse du reste à charge des ménages dans la CSBM. On observe bien une croissance en relatif du marché des complémentaires santé, plus ou moins important selon les postes de dépenses considérés, mais la véritable extension de ce marché n’est pas due à un retrait de la Sécurité Sociale, mais à la croissance continue de la CSBM en France depuis 25 ans, qui représentait 8,9% du PIB en 2014.
Les assureurs santé, quel que soit le Code auquel ils obéissent, se positionnent dans des marchés qui impliquent des masses d’argent considérables devant la richesse de la France, et son guidés par de très puissants intérêts économiques. L’Union des Chirurgiens de France parle ainsi du « pouvoir financier » des Mutuelles et de leur « amour de l’argent » partagé avec les assurances.
Didier le Vaguerès, partant du constat des intérêts que représentent les assureurs, doute de la pertinence de mettre entre leur mains la possibilité d’orienter les pratiques de santé d’une population à travers un système d’assurance comportementale. Outre la peur, souvent évoquée dans des récits dystopiques, d’aboutir, à force de pousser les gens à changer leur mode de vie sous la pression économique, à un monde aux habitudes standardisées et malsaines, il entrevoit la possibilité pour un assureur d’infléchir les habitudes des assurés de manière à servir des intérêts étrangers à la santé. Les compagnies d’assurances sont souvent en relation étroite avec d’autres secteurs économiques, comme l’immobilier pour Groupama, et pourraient profiter de l’opportunité offerte par les programmes comportementaux pour booster artificiellement leurs autres branches d’activités.